Intervention de Adeline Hazan

Réunion du 2 juillet 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Adeline Hazan :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout d'abord dire à quel point je suis honorée que le président de la République ait proposé mon nom à votre Assemblée pour l'exercice de cette fonction.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, institué par la loi du 30 octobre 2007, est aujourd'hui une des institutions importantes de notre démocratie. Je salue à cet égard le rôle actif que le Parlement a joué dans sa création. Vous avez permis qu'existe désormais dans notre pays une autorité administrative indépendante de prévention et de contrôle qui vérifie l'application des droits fondamentaux des personnes qui, à un moment ou à un autre de leur vie, se trouvent privées de liberté. Il faut rendre un hommage particulier au sénateur Jean-Jacques Hyest, président de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, dont le rapport du 29 mai 2000 posait déjà toutes les questions qui nous occupent et s'est traduit par le dépôt de la proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons, première étape d'un processus qui a abouti à la loi de 2007. Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur, que la loi du 26 mai 2014 étend les pouvoirs et les compétences du Contrôleur général.

Par la création de cette institution, la France s'est mise en conformité avec les textes internationaux, notamment le protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2002.

Il appartiendra à votre Commission de décider si elle confirme le choix fait par le président de la République, c'est-à-dire de juger si je présente les qualités et les compétences nécessaires à l'exercice de ces fonctions.

Si cette mission représente à mes yeux un enjeu primordial, c'est d'abord parce que la défense des libertés et des droits fondamentaux est le fil conducteur de ma vie professionnelle, associative, syndicale, élective et citoyenne. C'est pour cette raison que j'ai choisi de m'engager dans la magistrature : aux termes de la Constitution du 4 octobre 1958, l'autorité judiciaire est « gardienne de la liberté individuelle » et « assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Là est toute la grandeur de la fonction de magistrat, que j'ai eu l'honneur d'exercer pendant une longue période et à laquelle je suis revenue récemment, après la fin du détachement dont j'ai bénéficié lorsque j'étais maire et présidente de la communauté d'agglomération de Reims.

C'est pour cette raison aussi que j'ai choisi, pour ma première affectation, un poste de juge d'application des peines à Châlons-sur-Marne, puis, de 1983 à 1990, un poste de juge des enfants. Parmi les fonctions très variées qu'offre la magistrature, celles-ci présentaient à mes yeux l'intérêt primordial de se trouver aux confins du droit, de la psychologie et du secteur social.

À partir de 1990, j'ai exercé plusieurs fonctions interministérielles, d'abord comme chargée de mission au secrétariat général à l'intégration, instance qui était à l'époque placée auprès du Premier ministre, puis, pendant cinq ans, comme directrice d'un des quatre pôles de la délégation interministérielle à la ville, celui consacré à la prévention de la délinquance et à la citoyenneté, où j'ai eu le grand honneur de travailler aux côtés de Jean-Marie Delarue. Entre 1997 et 1999, j'ai effectué deux années au cabinet de la ministre de l'Emploi et de la solidarité. Ces expériences m'ont permis de me familiariser avec les rouages de l'État.

J'ai ensuite exercé deux mandats de députée européenne, de 1999 à 2008. Durant ces neuf années, j'ai choisi de siéger à la commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. J'ai notamment travaillé sur la construction de l'espace judiciaire européen et j'ai été rapporteure de la recommandation du Parlement européen à l'intention du Conseil sur l'évaluation du mandat d'arrêt européen, en date du 15 mars 2006. Pour mon groupe politique, j'ai également été rapporteure de la directive dite « Retour », visant à harmoniser les conditions de retour des personnes devant repartir dans leur pays.

Étant opposée au cumul des mandats, j'ai démissionné de mon mandat européen en mars 2008, juste après mon élection à la mairie de Reims et à la présidence de la communauté d'agglomération rémoise. Dans ces nouvelles fonctions, j'ai travaillé en partenariat très étroit avec les autorités judiciaires, la police et les représentants de l'État sur de nombreuses questions, notamment celles de la prévention de la délinquance et de la sécurité. J'ai également présidé le conseil de surveillance du centre hospitalier universitaire de Reims, ce qui m'a permis de connaître la condition des personnes hospitalisées sous contrainte. En tant que maire, j'ai eu aussi la lourde charge de prendre des décisions de placement sous contrainte en urgence.

Telles sont les expériences qui, je crois, m'ont préparée à l'exercice de la mission pour laquelle ma nomination est proposée.

Je veux ensuite rendre un hommage sincère au remarquable travail réalisé par Jean-Marie Delarue. Nommé Contrôleur général par décret du 13 juin 2008, c'est lui qui a mis en place cette institution. Pour l'avoir entendu à de nombreuses reprises, vous savez que sa personnalité ne peut qu'inspirer le plus grand respect, tant par la multiplicité de ses expériences professionnelles que par son dévouement total au service de la démocratie. Pour installer l'institution, il s'est entouré d'une équipe pluridisciplinaire et très diversifiée. Il a effectué un gigantesque travail de terrain, visitant pendant la durée de son mandat 900 établissements – la totalité des établissements pénitentiaires et des centres éducatifs fermés, ainsi que les centres de rétention administrative et de nombreux hôpitaux psychiatriques. Par son exigence, son indépendance, son impartialité, mais aussi par son obstination, il a su devenir un interlocuteur privilégié des personnes privées de liberté, des personnels et des instances parlementaires et gouvernementales. Grâce à lui, l'enfermement est une question qui a désormais sa place dans le débat public. Pour reprendre son expression, il a « donné à voir l'invisible ». Il a également pensé la privation de liberté comme personne ne l'avait sans doute encore fait. Le seul regret que l'on puisse émettre est qu'il n'ait pas été suffisamment écouté par les autorités administratives et gouvernementales.

Quoi qu'il en soit, tous ses rapports, avis et recommandations répondent à un très grand souci d'équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le besoin de les impliquer, et les exigences liées à l'exercice de la fonction publique.

Je souhaite m'inscrire dans la continuité de cette action, en poursuivant le travail de terrain, les visites d'établissements, les rencontres avec les personnes privées de liberté et les personnels – je tiens à souligner combien la tâche de ces derniers est difficile – et en proposant des modifications réglementaires et législatives. Je me félicite, à cet égard, des relations exceptionnelles que Jean-Marie Delarue a nouées avec le Parlement.

Permettez-moi de conclure en citant une phrase devenue célèbre, même si elle est d'attribution incertaine : « On reconnaît une démocratie à la façon dont elle traite les détenus. » et, plus globalement, aux personnes privées de liberté. Si le Parlement veut bien confirmer le choix du président de la République, ce sera pour moi un immense honneur et je m'efforcerai d'accomplir au mieux cette tâche difficile et exaltante.

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