Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 2 juillet 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur :

Avant toute chose, comment ne pas avoir, en cet instant, une pensée pour Dominique Baudis, qui fut un grand Défenseur des droits et dans la lignée duquel Jacques Toubon aura, je n'en doute pas, à coeur de s'inscrire ?

Le Défenseur des droits occupe une place singulière dans le paysage des autorités indépendantes, d'abord parce qu'il incarne la seule autorité constitutionnelle. Singulière est également l'ampleur de ses missions, puisque le Défenseur succède en les réunissant à quatre autorités : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Il assure non seulement la défense des droits et libertés dans les relations avec le service public, mais aussi la défense et la promotion des droits de l'enfant ; il lutte contre toutes les discriminations et veille au respect de la déontologie dans le domaine de la sécurité.

Le Défenseur se distingue également par le nombre et la diversité des requérants fondés à le saisir : toute personne, physique ou morale – y compris les enfants et les ayants droit –, qui s'estime lésée dans ses droits et libertés ou victime de discrimination, le tout à l'encontre des agissements de personnes publiques ou privées, contre lesquelles le Défenseur peut également se saisir d'office.

Il faut souligner enfin l'étendue de ses pouvoirs, qui vont de la conciliation à un pouvoir d'accompagnement vers des sanctions. Le Défenseur dispose pour cela de larges moyens d'information – demandes d'explications, auditions, convocations, demandes d'étude au Conseil d'État ou à la Cour des comptes, contrôles sur pièces et sur place et possibilités de mise en demeure – et d'importants pouvoirs d'action – médiation et résolution amiable des différends, transaction, injonction, saisine du procureur de la République ou des autorités disciplinaires, saisine des autorités locales compétentes. Il est enfin une force de proposition et peut recommander des modifications législatives et réglementaires, lancer des actions de communication et d'information, le tout à travers les rapports qu'il publie. Ajoutons que le Défenseur, assisté de trois collèges spécialisés pilotés par un adjoint vice-président, peut s'appuyer sur un réseau de délégués bénévoles sur le territoire.

Cette institution, qui a fait la preuve de son efficacité se trouve aujourd'hui confrontée à de nombreux défis. En près de trois ans, Dominique Baudis est parvenu à donner visibilité et autorité à la fonction de Défenseur des droits. Pour contrer la « violence institutionnelle » générée par la société actuelle, « ses rouages administratifs, ses normes, ses modalités de fonctionnement perçues comme difficilement accessibles, ne remplissant pas aussi souvent qu'ils le devraient leur rôle de protection auprès de nos concitoyens, en particulier les plus démunis », il a multiplié les initiatives, qu'il conviendra de poursuivre.

Dans une société marquée par un besoin d'immédiateté, assorti d'un défaut d'écoute généralisé et d'un certain repli sur soi – déjà souligné par Jean-Paul Delevoye –, les occasions de défense et de promotion des droits et libertés des individus se trouvent multipliées. Constituent également de grands défis la prise en considération de nos concitoyens dans toutes leurs déclinaisons, notamment en tant qu'usagers des services publics de l'État et des collectivités territoriales, et les nécessaires progrès à réaliser dans la lutte contre les discriminations de tous types, en particulier en matière de protection de l'enfance en danger et de sécurité.

Au cours de l'année 2013, la dernière année pleine, on a compté plus de 100 000 demandes d'intervention ou de conseil adressées au Défenseur des droits, dont 78 000 dossiers de réclamation et 32 000 appels aux plateformes téléphoniques. La désignation du Défenseur des droits est donc lourde de conséquences pour nos concitoyens. Je tiens à saluer la décision du président de la République de ne pas s'en être remis à des considérations qui, quoique légitimes, procéderaient d'une orientation partisane, mais d'avoir plutôt choisi une personnalité, une expérience, une compétence, un engagement. Je remercie M. Toubon d'avoir fourni des réponses approfondies et de qualité aux questions que je lui avais adressées par écrit et, si certaines d'entre elles méritent d'être complétées, nous sommes là pour cela aujourd'hui.

La proposition du président de la République a entraîné des réactions de surprise, et parfois un rejet affiché, de la part de certains de nos concitoyens et de nos collègues. Vous aurez l'occasion de répondre à chacun, comme je sais que vous avez à coeur de le faire. Pour ma part, j'ai également souhaité me référer aux déclarations que vous avez pu faire lorsque vous étiez parlementaire, afin de montrer que la teneur de vos interventions, à mon sens insuffisamment connues, attestait très souvent d'une réalité bien différente du portrait que vos opposants veulent faire de vous. Je ne vous poserai qu'une seule question, en rapport avec ce que je viens de dire : quelle a été votre réaction lorsque vous avez pris connaissance de la proposition du président de la République ? Avez-vous été surpris par l'honneur qui vous était fait en vous proposant d'accéder à cette très haute fonction de Défenseur des droits ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion