Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 2 juillet 2014 à 16h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP :

Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous.

La RATP, membre fondateur de l'association ExpoFrance 2025, est fortement engagée en faveur de cette candidature. C'est là, croyons-nous, un projet important pour l'Île-de-France, pour notre pays, et pour notre entreprise. Une exposition universelle est toujours le symbole de la capacité d'un pays à accueillir et à se mobiliser ; et cette capacité est soumise au jugement de tous. Un tel défi aurait un effet d'entraînement. Il y aurait une obligation d'excellence, qui concernerait tous les citoyens ; cette exposition montrerait que nous restons un grand pays ouvert sur le monde.

Au risque d'être emphatique, je vous dirai ma conviction : plus que jamais, nous avons besoin de montrer que la France est une terre d'accueil, un pays ouvert, à vocation universelle. Ce projet s'appuie sur les valeurs de la République, et c'est en le montrant que nous emporterons l'adhésion. C'est un projet très fédérateur, un levier de transformation, et je le sens bien à l'intérieur même de la RATP.

L'exposition universelle serait également une vitrine du potentiel économique de notre pays, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte actuel. Notre capitale a besoin de s'affirmer plus fortement au sein de la compétition mondiale. La RATP fait également partie de l'association « Paris-Île de France capitale économique », qui s'attache à promouvoir l'attractivité de notre territoire.

Paris est menacée de devenir une ville musée. Je suis frappé de voir l'intensité de la vie londonienne, qui contraste avec une capitale française si paisible. Certes, le fait que Paris soit une ville apaisée et tranquille, une ville agréable à vivre, est aussi une réussite de Bertrand Delanoë. Mais point trop n'en faut.

L'automobile est aujourd'hui généralement considérée comme une nuisance : l'exposition pourrait nous permettre de reconquérir des espaces sur la voiture. Comme maire de Neuilly, monsieur le président, vous comprendrez que je pense par exemple à l'avenue Charles-de-Gaulle ! Je ne me résous pas à voir l'axe historique du Louvre à La Défense transformé en autoroute urbaine. Car il faudra trouver des lieux pour l'exposition – même si nous ne voulons faire ni trop cher ni trop grandiose. On l'a vu au Brésil, avec la Coupe du monde : aujourd'hui, les citoyens n'aiment pas les dépenses somptuaires, surtout quand les besoins d'investissement – dans les transports, les hôpitaux, les universités – sont si forts.

Il ne s'agit donc pas de faire quoi que ce soit de comparable à la Tour Eiffel. Mais nous devons envisager de reconquérir des espaces où nous pourrons accueillir toutes les nations qui voudront nous rejoindre. Nous ne pourrons pas investir, comme en 1900, le Champ de Mars ou les Invalides ; mais il y a peu de nouveaux espaces, ou bien très lointains.

Cette reconquête permettrait aux citoyens, une fois l'exposition passée, d'apprécier une meilleure qualité de vie, une meilleure qualité de l'air par exemple, de continuer à profiter d'espaces rendus au public. Ce sont d'ailleurs autant d'éléments d'attractivité de notre pays.

Quant à la date de 2025, elle est pour nous tout à fait pertinente, puisqu'elle tombe à mi-chemin du calendrier fixé par Jean-Marc Ayrault pour la réalisation du Grand Paris : en 2020, ce sera la première livraison de la ligne 15 du métro ; en 2030, le réseau Grand Paris Express doit être achevé. Or, l'échéance d'une Exposition universelle nous forcera à être prêts au bon moment ! Les Français – comme d'ailleurs les Brésiliens – sont comme ça : nous avons besoin d'échéances.

L'un des objectifs les plus importants du réseau du Grand Paris Express est de faire tomber la barrière entre Paris et sa banlieue, vieil héritage du XIXe siècle et des fortifications de Thiers : les quatre nouvelles lignes de métro dépasseront alors le périphérique pour rejoindre la future grande rocade. Cela implique une requalification économique et urbanistique majeure de grands espaces, grâce aux contrats de développement territorial, qui seront des instruments de dynamique économique. En 2025, ces chantiers devraient être très avancés, ce qui nous permettra de mettre fin au schéma d'une région hélio centrée. Christian Blanc parlait de « clusters » : Descartes à l'est, Le Bourget, Pleyel, La Défense, Saclay, Villejuif. Ces pôles économiques seraient mis en valeur par l'exposition universelle.

Une liaison correcte entre le centre-ville et les aéroports sera tout à fait nécessaire. Nous soutenons la société en cours de constitution, avec Aéroports de Paris et SNCF Infrastructures, pour la construction du Charles-de-Gaulle Express. Le projet n'est pas financé ; il coûterait, selon les dernières estimations, 1,7 milliard d'euros. Mais il sera indispensable de le mener à bien : la situation actuelle, où le deuxième aéroport d'Europe, après ceux de Londres, est si mal desservi, ne peut pas perdurer. L'exposition universelle lancerait une dynamique forte, y compris d'ailleurs pour Orly, qu'il ne faut pas oublier. La livraison du CDG Express est aujourd'hui prévue pour 2022 ou 2023.

De façon complémentaire, le schéma du Grand Paris Express prévoit un axe nord-sud renforcé, avec la prolongation de la ligne 14, vers le sud – d'Olympiades vers Villejuif et Orly – et vers le nord – de Saint-Lazare vers Saint-Ouen et Saint-Denis, et puis, au-delà, vers l'aéroport. Le chantier de la station Porte de Clichy vient de commencer. Dans le calendrier prévu par Jean-Marc Ayrault, la prolongation vers le nord doit s'achever en 2027, et celle vers Orly en 2025. Si nous obtenons l'organisation de l'exposition universelle, alors il faudra avancer le calendrier ; en tant qu'industriels du transport, nous sommes convaincus qu'un tel chantier est tout à fait faisable techniquement avant 2025. Il est extraordinairement important de doubler la ligne B du RER, qui transporte un million de voyageurs par jour – comme il est important de doubler la ligne A, qui en transporte 1,1 million. L'ancienne petite ligne de Sceaux a bien changé et elle souffre beaucoup. Le projet Eole permettra de doubler la ligne A.

Pour financer ce projet, il suffirait que Bercy autorise la Société du Grand Paris à emprunter pour payer les entreprises trois ou quatre ans plus tôt que prévu, d'autant que les dates prévues sont rarement respectées – ainsi, 2027 risque de devenir 2029. Mais, avec une exposition universelle prévue en 2025, cela n'arrivera pas. D'un point de vue macroéconomique et budgétaire, accélérer le calendrier ne changerait rien : c'est une dette d'infrastructures, adossée à un projet créateur de richesses dont les effets positifs seraient considérables. J'estime, comme citoyen, que nous y aurions tout intérêt, d'autant qu'il ne s'agit que d'anticiper un projet qu'il faudra de toute façon mener à bien. Les Franciliens paient déjà une taxe récurrente à cet effet ; ils apprécieraient cette annonce, et l'attractivité de l'Île-de-France s'en trouverait renforcée.

Il y a maintenant un consensus politique fort pour constituer autour du pôle de Saclay un grand campus de haute technologie, afin de donner de la visibilité à notre magnifique système universitaire, rendu malheureusement illisible par la réforme d'Edgar Faure. Or l'arrivée de la ligne 14 permettrait une liaison rapide par métro léger entre Massy et Saclay, puis Orly. Autour de Saclay pourrait ainsi se constituer un haut lieu de l'exposition universelle, autour de la science et de la technologie.

J'ai engagé la RATP dans un processus de conversion complète du parc de bus, en partenariat avec l'État et le STIF (Syndicat des transports d'Île-de-France). Nous avons déjà lancé l'achat de bus hybrides, qui sont chers, mais très intéressants en termes d'économie d'énergie, et qui émettent très peu de gaz à effet de serre. En 2025, notre parc devrait être « triple zéro » : zéro particule, zéro émission de CO2, zéro bruit. Pour cela, nous comptons nous appuyer sur une filière gaz – du biométhane – qui représenterait un quart du parc, et une filière électrique qui en représenterait trois quarts. Pour préparer cette rupture technologique, j'ai signé des accords avec Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, ainsi qu'avec Henri Proglio, PDG d'EDF. Nous croyons que, d'ici à 2025, et sans doute dès 2018, une offre industrielle correspondant à nos besoins existera, avec des bus qui auront l'autonomie nécessaire tout en ayant la capacité de transporter 90 à 100 personnes : il s'agit d'une rupture technologique mondiale Nous comptons beaucoup sur l'effet de vitrine de la RATP, qui est la cinquième entreprise de transport du monde, à Paris, ville mondiale : nous pensons pouvoir susciter l'offre.

Nous avions pour cette conversion – complète ou partielle suivant les moyens financiers qui nous seront alloués par le STIF – déjà choisi la date de 2025. C'est un investissement important : le coût de revient n'est pas supérieur à celui du parc actuel, mais il y a bien sûr un surcoût au départ. Le STIF en est bien conscient, puisqu'il nous a déjà alloué 100 millions d'euros pour le passage aux bus hybrides.

Comme le métro a été le marqueur de l'exposition universelle de 1900, nous aurions ainsi, 125 ans plus tard, un marqueur du transport public à Paris : le parc « triple zéro ».

Enfin, je voudrais ajouter quelques mots en tant que président actuel de la filière ferroviaire française, Fer de France, qui rassemble, au-delà des grands donneurs d'ordre, les fabricants de matériel, les ingénieristes… Nous demandons aux pouvoirs publics de lancer de nouveaux grands projets, car les chantiers des différentes lignes de TGV sont en cours d'achèvement. C'est donc toute la filière – 340 000 emplois – qui a besoin que de nouveaux chantiers prennent le relais, et le Grand Paris est notre seul espoir. Certes, certains sont déjà lancés. Mais il faut vraiment tenir le calendrier, sinon c'est toute une filière qui risque de s'effondrer : nous perdrions énormément d'emplois, d'entreprises, et tout un savoir-faire. La RATP, la SNCF, toutes les entreprises du domaine ferroviaire constituent un écosystème, sans lequel nous ne pourrions pas vivre. L'accélération du projet du Grand Paris serait donc pour tout ce secteur un élément extrêmement positif, notamment pour améliorer notre visibilité internationale.

Vous avez compris mon enthousiasme, et j'espère qu'il vous paraîtra rationnel. J'espère aussi que vous aurez compris qu'au-delà de la raison, il y a du sentiment : je suis sûr de l'adhésion des salariés de la RATP – 42 000 personnes en Île-de-France. La perspective d'une Exposition universelle à Paris les fera vibrer, et ils voudront servir chaque jour encore un peu mieux les Franciliens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion