Le choix – car c'est un choix – du CNRS a été d'être actionnaire de toutes les SATT. Il sera actionnaire des SATT de Grenoble et de Paris-Saclay.
J'avais en effet la conviction que, dès lors que le CNRS considérait que les SATT apporteraient une plus-value d'une part dans la rapidité du transfert et de la valorisation, du fait de leur proximité avec les vecteurs, et de l'autre dans la maturation, domaine qui ne constituait pas vraiment l'un des points forts du CNRS, il fallait qu'il soit présent dans l'ensemble des SATT, et non pas dans certaines d'entre elles seulement – dont on peut se demander sur quels critères nous les aurions choisies.
La structure de valorisation du CNRS, qui est une structure nationale, a ses forces et ses faiblesses. Parmi ses forces figurent sa visibilité nationale, notamment pour les réseaux de recherche. Ceux-ci peuvent constitués d'équipes présentes dans plusieurs régions. Pour de tels réseaux, confier au CNRS la valorisation de leurs innovations, la construction puis la gestion de la propriété intellectuelle qui y sera attachée, a du sens. On n'imagine pas aujourd'hui que des grappes de brevets constituées de façon multi-territoriale et souvent aussi multidisciplinaire se retrouvent dispersées dans différentes SATT. Il y a des sujets qui ne se déclinent pas en logiques territoriales. Il y a un véritable intérêt à avoir sur certains axes stratégiques, que nous appelons des axes stratégiques d'innovation, et que nous définissons, une vision et une capacité de gestion de la propriété intellectuelle nationales.
Ce qui constitue tout l'intérêt des SATT, c'est le contact sur place. Nous savons qu'aujourd'hui, pour valoriser une innovation, il ne faut pas tarder. La rapidité du temps de passage au marché peut être discriminante. Ce temps doit être le plus court possible.
Or, le type d'innovation avec lequel le CNRS est le plus familier, c'est l'invention majeure et structurante, comme en pharmacie le blockbuster, que le CNRS a bien connu avec le Taxotère. Dans ce type de cas, l'invention est telle qu'elle demande encore un travail considérable en aval avant de pouvoir être mise en oeuvre par le marché. Ce travail de valorisation sera fait en commun avec un grand groupe – pharmaceutique par exemple – qui pourra y mettre le prix. La rapidité de l'arrivée sur le marché n'est alors pas le plus déterminant.
En revanche, nous nous sommes très vite rendus compte qu'une gestion nationale de la propriété intellectuelle de l'ensemble des brevets – plusieurs centaines chaque année – issus des laboratoires du CNRS ou des unités mixtes de recherche n'était ni le mode de gestion le plus souple ni le plus rapide.
En France, le monde de la valorisation est traversé par des conflits quasi idéologiques entre valorisation nationale ou locale. À mon sens, il faut être pragmatique. Leur implantation régionale permettra aux SATT de trouver sur place les éléments permettant la valorisation et la maturation d'une découverte dans de bonnes conditions de rapidité. Le CNRS accompagne donc sans aucune arrière-pensée la création et le développement des SATT.
Certes, pour le CNRS, il est trop tôt pour dire que le dispositif des SATT est un succès. Nous constatons que certaines d'entre elles, parce qu'elles ont trouvé le bon mode opératoire au sein de leur environnement, fonctionnent mieux que d'autres – je pense notamment, bien sûr, à Conectus. Nous ne savons pas non plus si toutes les SATT réussiront. Il reste qu'il ne faut pas commencer à faire le procès des SATT sans leur avoir laissé le temps de faire leurs preuves. Les SATT ont été créées dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, qui est une grande opération nationale ; pour le CNRS, il faut tout faire, et sans arrière-pensée, pour qu'elles réussissent. Le CNRS joue le jeu des SATT.
Nous devons trouver la bonne articulation entre les SATT sur le territoire, les services de partenariat et de valorisation de nos délégations régionales, qui existent et n'ont pas démérité, notamment en ce qui concerne les start-up, et la gestion nationale. Il ne faut pas que tous les dossiers des SATT que le CNRS souhaite examiner remontent à l'échelon national. Des décisions doivent pouvoir être prises sur place. Il y a, pour y arriver, un important travail à conduire ; l'installation des SATT dans le paysage de la valorisation de la recherche prendra du temps.
On peut aussi se demander s'il est bien raisonnable de demander aux SATT de disposer de comptes équilibrés, voire d'être rentables, à un horizon de 10 ans. Certaines s'interrogent sur ce point. À mon sens, c'est une erreur de penser que la maturation de projets risqués va permettre systématiquement d'équilibrer les comptes des SATT à 10 ans. Si, à l'approche d'un horizon de 10 ans, on constate que de très beaux projets ont été maturés, qu'ils ont réussi à passer la « vallée de la mort » avec des entreprises qui y ont cru, on pourra déjà considérer qu'un résultat est là. Contrairement à une opinion trop répandue, on sait créer des start-up en France. Ce qu'on ne sait pas faire, c'est les faire croître. Les start-up que le CNRS a pu créer depuis l'an 2000 sont souvent vivantes – elles ont parfois été rachetées –, mais, en règle générale, elles ne comportent pas plus de 10 ou 15 salariés ; SuperSonic Imagine, superbe succès de 120 salariés qui vient d'entrer en Bourse, est l'arbre qui cache la forêt.