Plus que jamais, monsieur le ministre, je suis convaincu que votre scénario d’avenir n’est pas le bon. Comme dans le film de Robert Zemeckis Retour vers le futur, votre loi d’avenir est d’abord un voyage vers le passé. C’est pour cette raison que le groupe UMP invitera à rejeter ce texte.
Mais ce qui m’inquiète bien plus encore que ce projet de loi, c’est le pilonnage en règle dont fait l’objet le monde agricole depuis le début de l’année 2014. Pas une semaine sans une polémique, sans une annonce fracassante, sans une déclaration définitive qui ne mette à mal la réputation des professionnels de l’agriculture. Et bien sûr, toutes ces annonces tombent sans que le Gouvernement n’ait consulté les intéressés. Merci pour le dialogue social !
Face à cette frénésie gouvernementale, les lobbys, mais aussi certains parlementaires, n’ont pas mis longtemps à s’engouffrer dans la brèche. Le mode d’emploi est simple. On organise par exemple un colloque qui met les éleveurs sur la sellette et permet de justifier le dépôt au Sénat d’une proposition de loi modifiant le statut de l’animal dans le code civil, et demain peut-être, dans le code rural.
Évidemment, aucune étude d’impact n’a été réalisée, ni sur les conditions d’élevage ni sur les conséquences économiques. Les auteurs de la proposition de loi se satisfont d’un mouvement d’opinion favorable ou d’un buzz médiatique valorisant. Et qu’en pense le ministre de l’agriculture, qui prétend relancer l’élevage de cochons ? Nous ne le saurons jamais.
Autre exemple : une proposition de loi, au demeurant mal rédigée, vise à interdire les produits phytosanitaires en milieu urbain. Alors que 40 % des communes sont déjà engagées dans une démarche de réduction, personne ne se demande pourquoi les 60 % restantes ne le sont pas. Manque d’information, difficultés techniques, problème de personnel, impact sur les finances locales ? La majorité ne s’arrête pas devant ce genre de détails ! Là encore, ce qui compte, c’est le coup politique, pas le coût d’une politique. Cette stratégie du coup d’éclat permanent a un grand avantage pour ses auteurs. Elle permet à une minorité d’imposer ses idées sans discussion sur le fond. Elle permet surtout de polariser le débat politique dans une logique manichéenne. Les médias et les réseaux sociaux adorent. Et tant pis si l’image du Parlement en souffre !
Reprenons l’exemple des produits phytosanitaires. Derrière ces interdictions, en apparence ciblées, c’est en fait le procès de la chimie des plantes qui est ouvert, et uniquement à charge. Qui, dans cet hémicycle, osera prétendre que les pesticides apportent aussi un bénéfice à l’humanité ? Personne, sauf à se faire traiter d’assassin en puissance. Le raisonnement est simple, voire simpliste : puisque les produits phytosanitaires sont efficaces, ils sont nécessairement dangereux et d’ailleurs la science n’ayant pas encore tout révélé à leur sujet, il convient d’appliquer le principe de précaution. La suite est connue : on les interdit dans les parcs et jardins. Deux mois plus tard, on se dit qu’il serait bon de les interdire également jusqu’à deux cents mètres des parcs, des jardins et des écoles. Et d’ailleurs, pourquoi attendre 2020 ? Va donc pour le 1er mai 2016 !Voilà un bel exemple !
Et puis il y a le sujet, complexe et passionnel, de la mortalité des abeilles. Heureusement, on a trouvé les coupables : ce sont les insecticides de la famille des néonicotinoïdes ! Sans perdre de temps, notre rapporteur dépose une proposition de résolution demandant leur interdiction pure et simple.