Intervention de Philippe Le Ray

Séance en hémicycle du 7 juillet 2014 à 16h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Le Ray :

Vous ne renforcez pas le statut des GAEC, pas plus que vous ne le modernisez. Vous laissez les EARL dans une situation inéquitable. Quant aux autres formes sociétaires, elles se trouveront malheureusement fragilisées à travers votre texte.

Vous écartez discrètement la problématique du logement en agriculture. Or, avec la loi ALUR, il va devenir de plus en plus difficile pour les agriculteurs de se loger. S’il n’y a pas d’agriculteurs sans terre, il n’y a pas non plus d’agriculteurs sans logements.

Monsieur le ministre, votre loi passe totalement sous silence ce qui constitue les principaux enjeux de l’avenir du monde agricole.

Par exemple, on n’y trouve absolument rien permettant de sauvegarder les abattoirs, alors même que la situation peut devenir dramatique. Il n’y a rien non plus s’agissant des objectifs de production dans l’élevage. Pas le moindre début de plan en ce qui concerne les bâtiments. Il n’y a aucun plan de modernisation. Il n’y a absolument rien sur l’harmonisation des règles avec nos partenaires européens en matière élevage. Il n’y a absolument rien sur les conditions de travail des agriculteurs. Le sujet pourtant primordial de la rétention foncière passe à la trappe. Ce phénomène est de plus de plus en plus inquiétant pour les professionnels : la rétention foncière va s’amplifier avec votre loi – nous en reparlerons.

Outre ces manquements, vous glissez discrètement, sous couvert d’agro-écologie, vers un changement philosophique radical pour nos agriculteurs. En effet, vous les affaiblissez en fragilisant l’organisation et la représentativité au sein des interprofessions. Vous les affaiblissez également en favorisant la généralisation des baux environnementaux.

Après l’entrée en vigueur de cette loi, les agriculteurs vivront pour ainsi dire au jour le jour. En effet, tout comme nous, ils découvriront au fur et à mesure les obligations qui leur incomberont, puisque ce texte de loi autorise le Gouvernement à prendre de nombreuses dispositions par ordonnance, écartant d’emblée le Parlement.

Nous découvrons au final que, par cette loi, vous allez instaurer dans notre pays une nouvelle logique pour l’agriculture. Ce faisant, vous posez les bases d’une agriculture dite « sociale », avec des arrière-pensées participatives. Je m’y oppose fermement.

Pour ceux qui en douteraient, je donnerai deux exemples.

Premièrement, l’installation progressive – l’un de vos chevaux de bataille –, va devenir l’alpha et l’oméga de l’installation. Vous allez leurrer de futurs jeunes agriculteurs en en faisant des agriculteurs dépendants, des agriculteurs à la petite semaine, parfois sous perfusion de l’administration et des aides potentielles. Oui à l’installation, mais à une installation claire et solide économiquement, pour des agriculteurs autonomes.

Deuxièmement, avec les GIEE, qui sont par ailleurs très mal définis, vous allez mettre en oeuvre une nouvelle forme de distribution des aides, notamment en réorientant les aides versées au titre de la PAC qui, je vous le rappelle, ont pour but de compenser la baisse des prix consentie par les agriculteurs.

Avec cette disposition, vous allez enfermer les agriculteurs dans des schémas, des cahiers des charges conçus par des membres d’associations environnementalistes. On peut déjà imaginer que les collectivités auront du travail et devront être les arbitres de différents chantages.

Monsieur le ministre, au-delà de la différence philosophique qui existe entre nous sur ce point, se pose une question essentielle pour l’avenir : quelle est votre idée du progrès ? Car, comme vous le savez, il n’y a pas d’avenir sans progrès. Or le renforcement de la recherche et de l’innovation, tout comme la question des OGM, sont les grands absents de cette loi. Trop de sujets majeurs sont donc ignorés.

J’ajouterai à cela – c’est d’ailleurs un sujet qui m’étonne de plus en plus – que, dans votre texte, la plupart des orientations s’appuient sur des schémas ou des accords régionaux. Dans la mesure où le Gouvernement est en train de changer les contours des régions, vous allez ajouter, dans notre pays, de l’incohérence à l’incohérence et de l’iniquité à l’iniquité.

Monsieur le ministre, donnez de l’air à cette profession et à l’ensemble du monde rural. C’est tout simplement ce que nous attendons de vous. Si vous ne le faites pas, on peut craindre le pire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion