D’ailleurs, j’ai pu constater moi-même l’esprit constructif qui régnait dans cette commission, avec l’adoption d’amendements ou leur enrichissement grâce à des propositions provenant de l’ensemble des parlementaires. Je ne doute pas que le débat qui s’engage maintenant et les nombreux amendements encore à examiner poursuivront dans la voie de l’amélioration du texte.
Monsieur le ministre, concernant ce projet de loi et, plus largement, la politique agricole du Gouvernement, vous considérez qu’avec l’agro-écologie vous mettez en place « une mutation douce, mais profonde ». Le 17 juin, vous ajoutiez même que vous n’aviez pas l’intention de prendre une série de mesures concernant tour à tour, par exemple, les phytosanitaires et la filière bio, mais que le changement résulterait d’une démarche systémique et globale.
Le groupe RRDP partage cette approche. Vous avez raison, il s’agit en effet de répondre au triple défi de la performance économique, environnementale et sociale. On ne peut décider de s’engager du jour au lendemain dans ces trois voies. Comme vous l’indiquiez, la co-construction doit se faire collectivement, avec l’ensemble des acteurs. Elle présente l’avantage de faciliter la discussion entre des personnes qui, comme vous avez pu le vérifier, ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde. Même des efforts doivent encore être accomplis de part et d’autre, il n’en demeure pas mois qu’il s’agit d’une belle démarche.
Parler de l’agriculture et vouloir son évolution, c’est d’abord agir en concertation avec les agriculteurs, même si cela concerne l’ensemble des Français. Si l’agriculture n’est plus familiale et qu’elle est devenue très mécanisée, voire industrielle, l’usage des produits issus de l’industrie chimique n’est plus massif comme hier ; il est désormais beaucoup plus raisonnable. Les prises de conscience sont là. Pourtant, il faut lutter avec tous les acteurs contre les pollutions de l’eau, de l’air et de la terre. Aujourd’hui, les agriculteurs que je rencontre sont déterminés à s’engager dans cette voie. Il faut qu’elle s’inscrive dans des perspectives de temps long, avec un cap et des objectifs dont tous les acteurs seront partie prenante.
N’oublions pas que, dans nos communes rurales, dans nos territoires, nos agriculteurs et nos éleveurs sont des acteurs incontournables pour ce qui est de l’aménagement des paysages. L’amendement, déposé dans le cadre du projet de loi relatif à la biodiversité et qui vise à reconnaître les agriculteurs et les éleveurs comme des acteurs de la biodiversité, va dans le bon sens. Ils sont en effet les architectes de la nature. Oui, il est indispensable de préserver la terre de l’urbanisation. Des efforts ont d’ailleurs été accomplis dans plusieurs domaines ; il faut les poursuivre. L’article 12 ter, qui instaure des mesures de compensation vis-à-vis de l’agriculture, va lui aussi dans le bon sens, mais son application au 31 décembre 2016 paraît bien lointaine.
En outre, dans une période de grande mutation, le statut principal de l’exploitant agricole, chef d’entreprise non salarié, montre ses limites face aux évolutions de l’agriculture française. Il est nécessaire, voire indispensable, que nous puissions rassembler en un même groupe tous les chefs d’exploitation et tous les particuliers, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Je pourrais multiplier les exemples témoignant des avancées importantes de ce texte : ouverture des groupements fonciers agricoles à toutes les coopératives, contrôle des structures en faveur du renouvellement des générations, ou encore amélioration de la contractualisation. Ce sont là autant d’avancées réalisées grâce à un texte qui pourrait encore être amélioré au fil de nos débats. Je pense, par exemple, à l’inscription sur le registre des agriculteurs, avec une gestion pluri-institutionnelle, notamment la mutualité sociale agricole et les chambres d’agriculture. Monsieur le ministre, sa mise en place sera-t-elle effective en 2015 ?
L’agriculture est une chance pour la France ; faisons en sorte de ne pas l’amoindrir.
La déléguée aux industries agroalimentaires que vous avez nommée a reconnu que les mesures décidées par Bruxelles en matière d’environnement et de protection des cultures font l’objet d’une surinterprétation nationale. Ces mesures sont d’ailleurs à l’origine des distorsions de concurrence avec nos partenaires européens. Elle a ainsi déclaré : « La France doit cesser d’ajouter des normes aux normes européennes communes. »
Voilà, monsieur le ministre, l’un des enjeux essentiels pour que notre agro-écologie puisse relever les trois défis que sont les performances économique, environnementale et sociale.
Une commission d’enquête vient d’être créée. Nous allons nous engager, pour l’ensemble des acteurs économiques – PME, artisans, agriculteurs – à faire le point sur les freins qui existent. J’espère que nous aboutirons rapidement à des propositions concrètes.
Si cet aspect semble essentiel, un autre l’est tout autant : il nous incombe, à nous, parlementaires, de faire cesser la boulimie législative, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Trop de lois tue la loi.