Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, je voudrais évoquer, dans cette discussion générale, ce que le projet de loi ne dit pas, ses silences à propos de sujets sur lesquels il eût été intéressant de se pencher.
Le grand absent de votre projet de loi, monsieur le ministre, c’est le volet économique de l’agriculture. Le titre 1er est intitulé fièrement : « Performance économique et environnementale des filières agricoles et agroalimentaires ». Les outils écologiques y sont largement évoqués, mais pas les outils de la performance économique. Or là est toute la question : comment fait-on pour concilier les deux objectifs d’une manière équilibrée ?
Nous l’avons dit en première lecture : il faut vérifier la soutenabilité économique des exigences écologiques que l’on impose aux agriculteurs. Nos filières demandent légitimement à pouvoir défendre leurs parts de marché dans les mêmes conditions que leurs collègues du reste de l’Europe, pour leurs filières d’abord, mais aussi pour eux-mêmes.
Les chiffres sont sans appel : en 2013, le revenu moyen des agriculteurs affiche une forte baisse de près de 20 %. La France ne cesse de perdre des parts de marché dans le commerce mondial, passant du deuxième au cinquième rang d’exportateur agroalimentaire. Votre projet de loi aurait dû centrer le débat sur la compétitivité de l’agriculture française et, pour cela, explorer davantage la recherche de sa compatibilité avec l’écologie.
L’agro-écologie est un mot, presque un slogan, brandi en étendard, mais quelle est sa traduction économique ? Le GIEE est un outil incertain, aux contours mal définis et l’on ne voit pas bien encore en quoi il peut concrètement aider à concilier économie et écologie.
Monsieur le ministre, tous les acteurs vous le disent : la compétitivité de notre économie est plombée par une réglementation excessive, parfois absurde et qui pourrait se révéler mortifère ; c’est le deuxième silence de votre loi. Où est le choc de simplification auquel l’agriculture peut elle aussi prétendre ?
J’avais évoqué, en première lecture, la situation de la filière pommes-poires : 38 000 hectares en France, 65 000 emplois, un demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires à l’exportation. Ce n’est pas rien. Les représentants de cette filière vous ont demandé un Grenelle de la compétitivité, celle-ci étant aujourd’hui grevée par une réglementation qui menace même de la tuer. La situation de la pomiculture est préoccupante ; les difficultés qu’elle rencontre exigent que l’on prenne des mesures d’urgence.
Pour illustrer mon propos, je vous donnerai un exemple de la difficulté de concilier la compétitivité et les règles environnementales. Lorsqu’un pomiculteur intervient dans son verger en posant, par exemple, un diffuseur de phéromones pour désorienter les papillons nuisibles mâles, il doit sortir du verger et attendre vingt-quatre heures avant de poser le suivant. Cela signifie qu’il faudrait 6 000 jours pour traiter un verger de 12 hectares entre avril et mai de chaque année.
Que dire de cette absurde interprétation de la réglementation européenne concernant la cueillette en hauteur et interdisant l’usage de simples escabeaux, utilisés depuis toujours ? Je rappelle que la moitié des vergers se récolte encore à l’escabeau. Cet exemple aurait dû inspirer un article à part entière dans votre projet de loi, en posant le principe que l’on ne peut infliger à nos agriculteurs davantage que ce que les directives européennes n’exigent.