Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt nous arrive en deuxième lecture.
Notre pays est à un tournant en matière agricole car il a perdu en compétitivité. Les décisions que nous prenons aujourd’hui devraient nous permettre de nous ressaisir vis-à-vis de nos voisins européens. Ce projet de loi se devait donc d’être ambitieux. Or il ne l’était pas en première lecture et je crains qu’il ne le soit pas davantage.
Pourtant, les agriculteurs sont inquiets. Ils ont toutes les raisons de l’être car, selon des données de la Commission des comptes de l’agriculture de la nation publiées récemment, les revenus agricoles ont reculé de plus de 22 % en 2013.
Faut-il rappeler une nouvelle fois les vicissitudes normatives et administratives dont sont victimes nos agriculteurs ? Or ce texte ne cherche pas à les alléger. Tout au contraire, il en rajoute, alors que le hasard du calendrier parlementaire fait que nous engageons l’examen du projet de loi sur la simplification de la vie de nos entreprises. Pourquoi donc nos exploitations agricoles et le secteur agroalimentaire ont-ils droit à ce traitement de défaveur ?
Autre sujet d’inquiétude qui suscite de nombreuses interrogations : celui de la pénibilité.
Si les agriculteurs connaissent bien la pénibilité dans leur vie quotidienne, la mise en place du compte pénibilité n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés d’application, notamment pour les petites structures qui ne disposent pas des moyens techniques pour réaliser les formalités envisagées.
La question de l’appréciation des seuils de déclenchement soulève un problème mais le Premier ministre a annoncé mercredi dernier que seuls quatre des dix facteurs de risque listés au départ seraient pris en compte dès le 1erjanvier 2015 dans la mesure de la pénibilité, tandis que les autres ne le seront qu’à partir de 2016. Voilà qui manifeste encore un décalage entre un principe et son application sur le terrain, eu égard notamment à sa charge financière.
Continuons cet inventaire, avec un sujet qui, si vous n’y prenez garde, fera réapparaître les fourches sous les fenêtres de vos ministères : celui des produits phytosanitaires.
Sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit que l’autorité administrative peut interdire ou encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires dans certaines zones, notamment celles qui sont utilisées par le grand public ou des groupes vulnérables – parcs, jardins publics, terrains de sport, terrains scolaires, ou encore établissements de soins –, mais aussi celles qui sont protégées par le code de l’environnement et celles, récemment traitées, utilisées par les travailleurs agricoles.
Le Sénat a ajouté à cette liste les zones à proximité des habitations. En mai dernier, une ministre a annoncé que l’utilisation des produits phytosanitaires pourrait être interdite dans un rayon de 200 mètres autour des habitations. Certes, le sujet ne figure pas dans ce texte, mais vous pouvez imaginer à quel point il a affolé le monde agricole. Si cette disposition devait voir le jour, certaines exploitations situées dans ma circonscription se verraient amputer de près de la moitié de leur surface.
M. le Premier ministre déclarait, ce week-end, avec emphase : « La France est entravée, coincée, tétanisée ». Effectivement, sous certains aspects, elle peut l’être, mais elle le sera davantage encore, demain, avec votre projet de loi. Les paroles et les constats sont faciles ; les actes pour remédier à cette situation beaucoup moins.
Mes chers collègues, souvenez-vous de ces cartes affichées dans les écoles, représentant le grenier à blé de la France, les métiers ruraux et la richesse agricole de nos terroirs. Elles nous faisaient rêver. Les moissons ont commencé, notamment en Beauce et en Gâtinais. Comme chaque année, j’y participerai aux côtés de nos agriculteurs, mais cette fois, les conversations ne seront pas joyeuses, tant ce projet de loi les préoccupe.
Votre texte, je le redis, n’a que l’ambition de son titre : c’est une loi, non d’avenir, mais de l’instant. La seule démonstration que vous êtes parvenus à faire est celle d’une forme de mépris pour les femmes et les hommes qui entretiennent et valorisent nos territoires ruraux ; ils veulent vivre décemment et sereinement de ce métier qu’ils aiment. Or comment cela serait-il possible, alors que régulièrement de nouvelles réglementations leur sont imposées ? Comment pourraient-ils vivre sereinement, alors qu’ils sont suspectés à chaque fois qu’ils utilisent une machine agricole dans leur champ ? Comment peuvent-ils avoir confiance dans l’avenir et dans cette loi d’avenir ?