Monsieur le ministre, à l’occasion de votre venue à Saint-Malo, le 5 décembre 2013, vous aviez réaffirmé votre soutien aux techniques innovantes qui nécessitent une ambition politique forte et un élan nouveau pour permettre la mise en place de nouveaux modèles agricoles performants et durables.
La loi d’avenir pour l’agriculture, après son passage au Sénat, maintient des dispositions incitatives fortes pour les entreprises productrices de produits de biocontrôle. À ce titre, les perspectives de création d’emplois sont encourageantes ; elles font de notre agriculture un secteur porteur d’avenir, un fleuron de notre économie, mais aussi l’un des secteurs les plus traditionnels de notre pays.
C’est sans doute ce qui est à l’origine de notre profond attachement envers les agricultrices et agriculteurs qui font vivre notre pays. La loi d’avenir pour l’agriculture que vous nous présentez doit recueillir la confiance du monde agricole si nous voulons qu’elle soit un succès. Pour cela, je demeure convaincu que ce sont les professionnels, les agriculteurs eux-mêmes qui perçoivent le mieux les adaptations nécessaires à la réussite de leur métier.
Le projet de loi est caractérisé par une idée fondatrice, qui est le fil conducteur de tout le texte : l’agro-écologie et la double performance économique et environnementale.
La loi favorise les entreprises orientant leur production vers le biocontrôle, mais les agriculteurs savent mieux que quiconque travailler avec leur environnement et en tirer le meilleur profit par la recherche permanente d’un équilibre entre production et préservation de leur outil de production. Ils le savent parfaitement et les formations dispensées dans nos établissements agricoles accordent une large place au volet agro-environnemental. À ce titre, je regrette l’inflation de prescriptions environnementales que comporte le texte et la complexification à outrance qui entretiennent malheureusement la suspicion à l’égard des agriculteurs.
Ce dont nous avons besoin, c’est un véritable choc de simplification. Or, au lieu de simplifier, le texte impose au monde agricole des normes nouvelles, comme les déclarations d’azote exigées des distributeurs et des transporteurs ou le bail environnemental. Il s’agit d’une mesure parfaitement contre-productive relevant d’une conception punitive de la production agricole et de l’écologie. Elle aura pour conséquences la réduction de l’accès au foncier de nos agriculteurs et la rupture du lien de confiance indispensable à la réussite de toute loi agricole. Quant aux pesticides, nous avons la volonté commune d’en réduire l’utilisation, mais les agriculteurs n’ont pas attendu la loi pour s’adapter et utiliser de façon optimale ce type de produit, car ils savent qu’en faire une utilisation excessive et irraisonnée détruirait leur outil de travail.
Un tel empilement de contraintes a un coût : un coût de production pour les exploitants agricoles, qui constitue toujours in fine un lourd tribut pour l’emploi, comme le sait trop bien le secteur porcin. En effet, le décrochage de la production a une nouvelle fois marqué l’actualité en 2013 lors de la fermeture d’un site d’abattage en Bretagne, ce qui fut un véritable drame social, avec près de 900 licenciements.
Je demeure également perplexe à propos de la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, même augmentés d’une dimension sociale par le Sénat. Leur mise en oeuvre, renvoyée à des décrets, ne nous donne aucune vision précise de ce nouveau modèle. Je crains malheureusement que leur création ne complexifie encore l’organisation de notre agriculture.
Le texte leur accorde une majoration des aides publiques, comme si seuls les agriculteurs associés au sein d’un GIEE allaient faire des efforts en matière de développement durable. Cela revient à nier tous les efforts que la profession agricole a accomplis au cours des dernières années, à exclure ceux qui ne choisiront pas une telle organisation et à opposer les différents modes d’organisation.
L’agriculture française présente une composition diversifiée dans laquelle des petits agriculteurs, à côté d’exploitations de grande taille, contribuent, grâce à la qualité et à la diversité de leur production, au dynamisme de notre agriculture, tout en créant de nombreux emplois.
Comme je l’indiquais lors de la première lecture, je crains malheureusement que le projet de loi n’oublie ces petits producteurs qui maillent nos territoires ruraux. Leur diversité, celle des hommes et des femmes, celle des climats et des modes de production, façonne nos territoires. Notre tissu rural, déjà touché par un taux de suicide record, a besoin de lisibilité et d’encouragements.
Quelques points retiennent cependant mon attention, comme la généralisation des procédures de médiation, sur laquelle j’ai donné mon avis lors de la première lecture, et la reconnaissance du vin comme partie intégrante du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France et des spiritueux et bières comme produits des traditions locales. De même, les dispositions proposées pour la protection de la forêt me semblent susceptibles de garantir son renouvellement, tout comme la pérennisation de la production de bois. Quant au volet sur la chasse, la réforme du statut de l’animal qu’il comporte suscite mon inquiétude. L’amendement déposé par M. Glavany visant à préciser dans le code civil que l’animal est un être vivant doué de sensibilité inquiète fortement les agriculteurs, les éleveurs et les chasseurs, en particulier les chasseurs de gibier d’eau de la baie du Mont-Saint-Michel.