Je remercie les deux présidents d'avoir organisé cette audition après celle du professeur Séralini. La démarche nous engage à aller plus loin encore.
L'un de nos collègues a estimé que « le mal était fait ». Je ne partage pas du tout cet avis : au contraire, nous ne remercierons jamais assez le professeur Séralini et son équipe d'avoir permis que s'engage un débat public.
Il semble qu'il y ait deux poids deux mesures dans l'analyse des études de toxicité. On nous dit que la consommation d'OGM ne saurait expliquer les tumeurs. Qu'on inverse la charge de la preuve et qu'on nous démontre que les tumeurs ne sont en rien liées à l'alimentation !
L'étude du professeur Séralini met les experts et les politiques au pied du mur. Je regrette la tournure de bras de fer qu'a prise cette affaire. Je préférerais que tous les intéressés collaborent, au premier rang desquels l'ANSES, le HCB et l'agence européenne. L'ANSES en convient elle-même, l'étude du professeur Séralini comporte un éventail de critères plus large que les études antérieures, notamment celle de MM. Sakamoto et alii, pour évaluer l'impact des OGM sur la santé – grand nombre de tissus analysés, dosages hormonaux… L'Institut fédéral allemand d'évaluation des risques (Bundesinstitut für Risikoberwertung) a reconnu que cette étude était la première au monde à analyser de façon aussi complète et détaillée la toxicité à long terme d'une formulation de Roundup. On ne peut donc pas la balayer d'un revers de main, uniquement pour des raisons méthodologiques.
Elle ne serait pas valide, car le nombre de rats utilisés aurait été insuffisant. Mais les autres études n'en comptaient pas davantage ! Elle a coûté trois millions d'euros. Pour aller plus loin, il aurait fallu vingt millions ! Les autorités nationales et européennes ne critiquent pas les méthodes utilisées dans les études visant à démontrer que les OGM n'ont aucun effet délétère sur la santé. Elles sont beaucoup plus offensives avec celle-ci, qui tendrait à démontrer l'inverse. Le « panel OGM » de l'agence européenne a accepté certaines études de toxicité chronique et de cancérogenèse qui ne répondaient pourtant pas aux principes fixés par l'OCDE. Il serait intéressant que nous auditionnions également ses représentants. Il semble que bien des déclarations sur l'étude du professeur Séralini soient influencées par le souci de défendre des avis antérieurement émis et d'effacer les doutes que cette étude a fait naître sur l'innocuité des produits alimentaires issus du génie génétique.
Nous estimons donc nécessaire, au nom du principe de précaution, d'instituer un moratoire sur les OGM en Europe. Mais n'est-il pas déjà trop tard ? Qu'on le veuille ou non, il y en a déjà dans notre assiette. Une étude approfondie de leurs risques s'impose. Elle devrait être conduite par un laboratoire public, dont les experts soient vraiment indépendants et, surtout, n'aient pas été antérieurement impliqués dans l'autorisation de commercialisation d'OGM.
D'autre part, toutes les données brutes des études menées sur les OGM doivent être rendues publiques. Le professeur Séralini est disposé à communiquer les siennes, à condition que les autres fassent de même.
Enfin, on ne peut débattre des OGM sans se poser la question de savoir quelle agriculture nous voulons pour demain.