Intervention de Dominique Gombert

Réunion du 7 novembre 2012 à 9h30
Commission des affaires sociales

Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'ANSES :

L'ANSES souhaitait auditionner de la même façon M. Séralini, M. Veillerette, président de Générations futures et la firme Monsanto. Dans le délai imparti, nous avons pu organiser l'audition des deux premiers. Avant son éventuelle audition, la firme Monsanto a souhaité obtenir certaines informations. Nous lui avons indiqué par courrier les questions que nous souhaitions lui poser. Nous avons ensuite tenu une conférence téléphonique de trois quarts d'heure avec ses représentants, au cours de laquelle il nous a été demandé de préciser les conditions dans lesquelles cette audition serait organisée, le degré de transparence qui serait donné aux propos tenus, etc. Des juristes de Bruxelles participaient à cette conférence. À l'issue de cette « pré-audition », la firme nous a fait savoir qu'il ne lui était pas possible, dans le délai imparti et considérant qu'un verbatim serait publié, de mobiliser des experts pour une telle audition. Elle nous a alors fait parvenir un document de cinq pages décrivant essentiellement les conditions actuelles d'autorisation des plantes génétiquement modifiées et du maïs NK 603, en particulier. Nous n'y avons rien trouvé quant aux études sur le long terme qu'elle aurait pu conduire.

Pour tenter de clore le débat sans fin sur la souche et le nombre de rats utilisés, il faut bien voir qu'ils dépendent de la nature et de la durée de l'étude envisagée. Si on souhaite mener une étude sur deux ans avec des rats connus pour être particulièrement vulnérables, il est évident qu'il faudra travailler avec un grand nombre d'individus pour que les résultats obtenus soient significatifs – alors qu'un nombre plus petit peut suffire dans le cadre d'études réglementaires de durée plus courte. L'une des limites de l'étude de M. Séralini – et le professeur en convient lui-même – est que, sur deux cents rats seulement, il a voulu tester un grand nombre d'hypothèses – puisqu'il y avait trois régimes alimentaires avec des proportions différentes de maïs OGM, associé ou non à du Roundup, et une eau avec trois concentrations différentes d'herbicide. Le nombre élevé de combinaisons dans ces tests affaiblit nécessairement la puissance statistique de l'étude et les conclusions qu'on peut en tirer.

Le cadre réglementaire actuel est-il adapté, notamment à l'aune des connaissances les plus récentes ? Le plus souvent, nous ne travaillons pas sur des problèmes de toxicité aiguë, en définitive simples à traiter, mais de toxicité chronique ou sur des risques collectifs. Les OGM, les perturbateurs endocriniens, les champs électromagnétiques ou les nanomatériaux – tous sujets sur lesquels nous travaillons – connaissent un tel développement qu'à l'horizon de quelques années, l'ensemble de la population pourrait s'y trouver exposé et que, bien que présentant sans doute un risque faible sur le plan individuel, ces produits peuvent constituer un risque sanitaire majeur pour une population de plusieurs dizaines de millions d'individus.

Nous devons suivre de très près toutes les nouvelles publications pour voir si elles rendent nécessaire de renforcer le cadre réglementaire. Pour les OGM, la réglementation européenne exige aujourd'hui des études de toxicité aiguë à très court terme, d'alimentarité et d'allergénicité, mais pas de test subchronique à 90 jours – celui-ci sera prochainement exigé sur la base de propositions de certains États membres, notamment la France au travers de l'ANSES. Toute la question sera d'utiliser ce test comme une « sentinelle » pour des effets pouvant survenir à plus long terme.

On nous demande souvent si tel ou tel article qui vient de paraître dans une revue à comité de lecture remet en cause la sécurité sanitaire de tel ou tel produit – édulcorants de synthèse, OGM, téléphone mobile… Une agence comme l'ANSES n'a pas vocation à réfuter une publication. Nous regardons seulement si les conclusions qui en sont tirées sont étayées et la resituons dans le contexte plus large du reste de la littérature disponible. Nous regardons si l'expérience mériterait d'être reconduite et justifierait une évolution de la réglementation.

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