Après un enterrement de première classe, l'écotaxe a été remplacée par un péage de transit poids lourds censé entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Mais alors qu'elle devait rapporter 1,1 milliard d'euros répartis entre l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – l'AFITF – pour 700 millions d'euros et les départements propriétaires du réseau taxable pour 160 millions d'euros, le péage ne rapportera que la moitié, soit 550 millions d'euros. La division par deux de la recette fait craindre un renoncement à d'importants projets d'infrastructures.
Jusqu'à leur disparition annoncée en 2021, les conseils généraux disposent de la compétence sur le réseau routier départemental ainsi que sur une grande partie du réseau national. Le budget de la voirie est, dans la plupart des cas, le deuxième budget des départements après celui de l'action sociale. Avec quels moyens vont-ils assurer l'entretien du réseau, entretien d'autant plus lourd que le report du trafic des poids lourds des autoroutes vers le réseau secondaire taxable va nécessiter des réfections plus fréquentes ?
Enfin, dans la mesure où nous sommes passés de 15 000 à 4 000 kilomètres taxables, il existe un risque majeur de report du réseau taxable vers celui qui ne l'est plus. Il suffit de voir ce qui se passe le dimanche soir sur l'A1, gérée par la SANEF, où les automobilistes, pour ne pas être taxés à partir de Senlis, prennent la sortie de Ressons-sur-Matz avant de revenir sur l'autoroute un peu plus loin. Ainsi les gens du Nord-Pas-de-Calais, qui ont dû s'expatrier en région parisienne à la suite de la fermeture des mines et des usines, se font-ils taxer quand ils reviennent d'un dimanche en famille – au même titre que les automobilistes sortant du parc Astérix ! L'hypothèse d'une contribution des sociétés autoroutières a été évoquée ; cela doit, nous dit-on, se négocier, mais cela signifie évidemment que l'automobiliste paiera deux fois, en tant qu'usager et en tant que contribuable.
Si les départements disparaissent, qui va hériter de la compétence de la voirie : les grandes régions ou les intercommunalités et les métropoles, ou les unes et les autres, et avec quels moyens ? Le dispositif auquel nous aboutissons compromet la réalisation du report modal, c'est-à-dire le transfert du fret de la route vers le rail et la voie d'eau, le tout au prix de sommes colossales que les collectivités territoriales devront investir pour remédier aux dégradations occasionnées par les poids lourds sur le réseau national et départemental.