Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 1er juillet 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique :

Il convient en effet, monsieur le rapporteur pour avis Boudié, d'assurer une cohérence entre la réforme de l'administration territoriale de l'État et celle des collectivités territoriales. Le Premier ministre conduit la première au travers du secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification, qui lui est rattaché ; M. Bernard Cazeneuve, en tant que ministre de l'intérieur, est chargé de l'ordre public institutionnel.

Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ont partagé l'opinion du Président de la République selon laquelle la révision générale des politiques publiques (RGPP), puis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) – qui reposaient sur une bonne idée – ont échoué du fait de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Je n'en prendrai qu'un exemple : les fonctionnaires débutant pour beaucoup leur carrière dans la région parisienne ou dans le Nord ne peuvent être nommés que tardivement dans les régions du Grand Ouest, si bien que cette règle a désorganisé le contrôle agroalimentaire, les retraités ne pouvant être efficacement remplacés. Après avoir transformé la direction générale de la modernisation de l'État (DGME) – dont plus personne n'acceptait le fonctionnement – en secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), nous menons de front la réforme de l'État, celle de l'administration territoriale et celle des collectivités locales. Certaines dispositions concernant la fonction publique nécessiteront sans doute l'adoption de dispositions législatives mais, pour l'essentiel – carrières, organisation du dialogue social, rôle du préfet, contribution des ARS au SRADDT… –, le Gouvernement utilisera son pouvoir réglementaire. Il importera en particulier de conforter les missions des corps de contrôle, pour que l'État soit réellement garant de la bonne qualité de l'eau, de l'air, des aliments ou des abattoirs. Ces contrôles sont importants, notamment à l'exportation : un pays asiatique a récemment refusé d'importer des produits au motif qu'ils n'avaient pas été contrôlés par des agents publics.

Nous ne pouvons pas créer de grandes régions, échelle de la contractualisation sur longue période, sans nous assurer du fonctionnement des services publics de proximité. Ceux-ci seront maintenus au niveau des départements, seuls les conseils départementaux étant supprimés.

La théorie de la masse critique, datée, manque de pertinence. S'il est préférable de s'interroger sur les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements et sur les mobilités des citoyens dans un territoire. La notion de bassin de vie se révèle plus adaptée pour déterminer les périmètres des intercommunalités que celle de bassin d'emploi, impliquant uniquement une réflexion sur le trajet entre domicile et travail. Dans les zones denses comme rurales, nos concitoyens traversent parfois deux à trois intercommunalités par jour, pour conduire leurs enfants à l'école, pour faire leurs courses, pour se rendre à leur travail, puis pour rentrer chez eux. Il convient d'autant plus de penser l'intercommunalité à l'échelle du bassin de vie que de grands mouvements de spécialisation se sont opérés en France, par exemple à travers l'implantation des centres commerciaux. Comment éviter que tous ces trajets influent négativement sur le climat et sur le pouvoir d'achat des familles ?

Le seuil de 20 000 habitants pour créer une intercommunalité ne constitue pas un impératif, et le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) devra réfléchir à la définition de bassins de vie « aménagement du territoire », dont le périmètre différera de celui des bassins de vie et d'emploi de l'INSEE. Il prendra en compte les transports en commun assurant les mobilités exceptionnelles, mensuelles ou hebdomadaires. Au 1er janvier 2015, les préfets recevront mandat de réviser la carte des intercommunalités si vous adoptez la loi – et de même d'ailleurs dans le cas contraire, en application de la clause de revoyure de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Le Président de la République et le Premier ministre ont approuvé mon idée de pondération du nombre d'habitants par la notion de bassin de vie et par la prise en compte de la densité, car les 20 000 habitants doivent résider dans une zone qui ne soit pas trop vaste. Les préfets apprécieront ces critères après consultation des commissions départementales de l'intercommunalité. J'espère que ce processus se déroulera hors des arrangements du passé et qui ont parfois abouti à dessiner des périmètres aberrants.

Les nouvelles compétences et la mutualisation des services inciteront à l'élaboration des nouveaux périmètres. L'inégalité de richesse entre les territoires, dont souffrent les Français, provient du fait que certains d'entre eux sont trop petits pour que puissent y être implantés des équipements et des services efficaces. Par exemple, les intercommunalités de taille trop réduite n'ont pas pu développer des services de qualité dans le domaine de la petite enfance.

L'innovation et la recherche se trouvent au coeur de l'action publique en matière de développement économique. Je reviens de République démocratique du Congo où j'ai inauguré une école de formation de la fonction publique. Ce pays est riche d'une population jeune et créative ainsi que des ressources de son sol et de son sous-sol. Des investisseurs privés y sont présents. Pourtant, il ne se développe pas car il y manque une action publique stratégique et à des infrastructures indispensables. En France, cette action publique a permis au pays de croître et de résister à la crise. Mais il convient de la rationaliser : ainsi l'immobilier artisanal ne doit pas être du ressort de l'échelon régional et la CTAP permettra d'opérer des délégations. Nous devons déployer des stratégies de développement économique, ne serait-ce qu'en raison de la rareté de l'argent public. Quel développement souhaitons-nous ? Dans quels domaines devons-nous soutenir la recherche ? Quelles collaborations privilégier entre les universités ?

Ces interrogations rejoignent celle de l'avenir des pôles de compétitivité. Ceux-ci seront très majoritairement transférés aux régions : une vingtaine seulement, sur quelque soixante-dix, devraient rester de compétence nationale – on m'a demandé de ne les classer ni en pôles mondiaux ni en pôles régionaux. Cette évolution ne brisera pas les coopérations interrégionales, qui restent tout à fait nécessaires. Le commissariat général à la stratégie et à la prospective doit devenir un centre de ressources pour l'ensemble des régions de France et alerter s'il constate qu'un domaine est laissé en déshérence.

Seules les régions pourront consentir des aides directes. Le rapport de la mission sur la modernisation de l'action publique, présidée par Jean-Jack Queyranne, a recensé plus de 6 000 aides à l'activité économique en France. Le niveau du chômage atteste de l'inefficacité de cette politique. En outre, nous avons commis une erreur à la fin du XXe siècle en privilégiant une économie de services et en renvoyant la production industrielle hors de nos frontières. Il convient de réactiver la chaîne allant de la stratégie et de la R&D à la production industrielle, d'où l'intérêt du débat sur la compétitivité. La région devra définir ses priorités pour les aides directes, pour le soutien d'urgence à apporter aux entreprises – sachant qu'elle pourra entrer temporairement à leur capital –, pour les destinations à privilégier à l'exportation…

Nous avons approfondi les compétences des régions, que le Sénat qualifiera sans doute d'« obligatoires » et non d'« exclusives », car l'exclusivité serait incompatible avec la compétence générale reconnue aux métropoles et aux communes ; en outre, le terme « obligatoire » marque bien la contrainte pesant sur une collectivité qui doit exercer ses compétences. Nous visons également à doter les régions d'une plus grande autonomie financière, d'où l'importance du choix des périmètres.

S'agissant de l'écotaxe, je regrette qu'une loi votée ne s'applique pas du fait de l'action de groupes de pression, parfois relayés par des parlementaires. La réécriture de la loi conduira à transférer en partie aux régions la part destinée aux départements. Certes, la ressource sera moindre que prévu, mais le problème est avant tout de détourner les poids lourds d'itinéraires comme Nantes-Caen qu'ils emprunteraient pour réduire leurs coûts, en évitant les péages et en délaissant les autoroutes maritimes.

Je ne suis pas fédéraliste, Monsieur François-Michel Lambert, mais j'admire votre enthousiasme. Comme il faut être de quelque part pour être citoyen du monde, nous avons conservé les communes, la montée en puissance de l'intercommunalité atténuant le coût de ce choix. Cela permettra à nos compatriotes de garder leurs repères – on restera de Martigues, d'Aix ou d'Aubagne : on ne sera pas de la métropole Aix-Marseille-Provence. De même, les conseils départementaux disparaîtront, mais non les départements auxquels les Français sont attachés comme l'a montré la polémique des nouvelles plaques minéralogiques. Le repère est affaire d'appartenance et d'identité, non d'institution. Ne confondons pas région et État-nation. Un conseil régional n'est qu'une institution qui ne crée aucun peuple – les Basques ont une très forte identité bien qu'il n'existe pas de région ni même de département basque. Une institution de la République ne doit pas prendre en compte l'appartenance linguistique : elle n'existe que pour gérer des compétences économiques, et je ne sais pas marier identité et économie.

Si l'on conjugue régionalisation et affirmation des intercommunalités, il conviendra d'élire les délégués intercommunaux au suffrage universel direct. La métropole pourra déléguer des actions aux conseils de territoire – qui n'ont aucune compétence fiscale afin de ne pas recréer les EPCI – pour conserver une gestion de proximité. Il y a bien davantage lieu de se pencher sur les bassins de vie et d'échanges, et sur les coopérations entre les universités.

Il convient d'intégrer les réponses à tous les conflits d'usage dans un schéma – comme celui de mise en valeur de la mer qui doit en effet se trouver intégré dans le SRADDT.

L'institution de la CTAP vise à garantir l'existence d'un lieu permanent de concertation avec les exécutifs locaux, élus par la population, ce qui n'empêchera pas la région d'organiser des concertations plus fines, par exemple avec les associations. C'est également l'outil de déclinaison dans les bassins de vie des décisions prises à l'échelle régionale.

Les mondes rural et urbain se livrent depuis longtemps une guerre qui n'a pas lieu d'être. L'activité économique des villes nécessite une production agricole suffisante et de bonne qualité. L'indépendance alimentaire confère à la ruralité un poids important dans le développement et le redressement de notre pays. Il faut organiser le milieu rural, soit autour des petites villes et des bourgs centres, soit grâce aux outils de solidarité tels que la conférence des présidents d'intercommunalité. On ne peut pas invoquer la nécessité de densifier pour protéger les terrains agricoles et les espaces naturels sans se préoccuper des ressources fiscales des communes et des intercommunalités. À ce titre, il convient d'inventer l'assiette qui permettra de ne pas construire là où l'intérêt général commande de ne pas le faire – nous sommes preneurs d'une solution technique à cet égard, car nous continuons de la chercher. Ce sujet sera pris en compte dans la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF). En effet, nous devons dégager une ressource qui permette de fournir des services à ces populations rurales dont nous avons tant besoin.

La suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements ne s'étendra pas au sport et à la culture, de sorte que les collectivités de tout niveau pourront y intervenir si elles le souhaitent.

En revanche, les métropoles bénéficieront de cette clause. J'espère que la CTAP – où se retrouveront les régions, les conseils départementaux tant qu'ils existeront, les métropoles et les intercommunalités – sera le lieu de répartition des actions. Si la région décide d'aider un laboratoire de recherche de haute technologie, il faut qu'une métropole accueille – voire aide – le centre de développement du laboratoire. Je fais toute confiance aux élus pour conduire ce type de coopération. La loi reconnaît déjà le droit à l'expérimentation, il s'agit maintenant d'utiliser cet instrument.

Le projet de loi relatif à la biodiversité et les dispositions sur le sujet du texte qui nous occupe forment un ensemble cohérent. La taxe d'aménagement souffre d'être versée au budget général au lieu d'être affectée à la protection de l'environnement. Il est difficile de maintenir la taxe départementale des espaces naturels sensibles en l'absence de compétence. À l'occasion de la réforme de la DGF, il conviendra de réfléchir au déploiement de taxes affectées afin de ne pas perdre de vue le fait générateur de l'imposition. Sur ce point, nous devons trouver une solution d'ici à 2015. Le ministère de l'écologie a souhaité conserver une compétence partagée sur le sujet, d'où le schéma régional de cohérence écologique et de biodiversité que propose le texte. En cette matière comme en d'autres, le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé l'ouverture du Gouvernement aux amendements que vous déposerez.

La loi de 2010 prévoyait la création du conseiller territorial – sans d'ailleurs prendre en compte les désagréments engendrés par la double fonction d'élu départemental et régional, comme les déplacements entre chef-lieu de département et chef-lieu de région –, mais elle ne modifiait en rien l'architecture institutionnelle. L'UMP n'a jamais reconnu avant l'élection présidentielle de 2012 que cette loi visait à supprimer les départements. Nous pouvons nous rejoindre sur la nécessité de prendre le temps de bâtir une réforme transpartisane, mais Jean-Pierre Raffarin a reconnu le 6 janvier dernier, au Sénat, que son projet régionaliste était devenu départementaliste contre sa volonté. D'autres parlementaires ont affirmé que le Gouvernement ne les avait pas soutenus en 2010 pour introduire des transferts de compétences.

Ce sujet est compliqué pour tout le monde. En revanche, un vrai travail a été conduit. Je défends les mêmes positions que lors de la mission d'allégement des normes applicables aux collectivités territoriales, présidée par MM. Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, notamment sur la question de la clause de compétence générale. Ce projet de loi présente de manière synthétique les dispositions comprises dans le texte déposé précédemment. Les discussions ont donc duré deux ans et les états généraux du Sénat ont montré la difficulté d'aboutir à la moindre position commune, d'autant que des positions contradictoires sont défendues au sein de chaque famille politique. On peut néanmoins dessiner une ligne d'opposition entre la droite et la gauche, la première considérant que les services publics sont une charge quand la seconde les voit comme une source de richesses à préserver.

Je suis depuis longtemps favorable à l'élection des délégués intercommunaux au suffrage universel ; comme parlementaire de l'opposition, j'avais d'ailleurs déposé un texte en ce sens en 2011. Les citoyens votant pour un projet, il faudrait que les listes, incarnées par un chef de file, en portent chacune un : c'est une condition de la démocratie. Parallèlement, il y aurait lieu de conserver un collège des maires chargé de représenter les territoires.

Je suis attentive à la notion de proximité, d'où mon attachement aux bassins de vie et aux conférences des présidents d'intercommunalité qui veilleront à la solidarité. Des études nous aideront à déterminer la bonne échelle pour ces bassins, le nombre d'EPCI par département ne constituant pas une référence pertinente.

La réforme de la DGF prendra en compte, je l'ai dit, la solidarité territoriale. Nous disposons de nombreux outils – pays, pôles de développement territoriaux, SCoT –, mais nous devons veiller à leur bon fonctionnement. Certains pays couvrent tout le territoire et conduisent une action efficace. Quant aux pôles de développement territoriaux, dont vous avez voté la création en première lecture, il y aura lieu de veiller à ce que certains d'entre eux n'aient pas la taille d'une intercommunalité. Enfin, le SCoT doit prendre en compte le SRADDT ; c'est la bonne échelle pour la prospective, le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) étant à celle de la parcelle. Nous disposons d'assez de zones constructibles pour absorber la croissance de la population jusqu'à 2080. Il faut donc plus de rationalité dans les décisions de constructibilité des terrains, qui conduisent à la disparition d'exploitations agricoles et à l'installation d'habitants, parfois en nombre limité, mais qui demandent instamment des services dont certains, comme l'assainissement et la gestion des déchets, ont un coût très élevé.

On pourrait faire un gros livre des études parues depuis 1999 – de parlementaires, de l'association des régions de France (ARF), de l'assemblée des départements de France (ADF) ou de l'association des maires de France (AMF) – et on peut indéfiniment lancer des missions, mais vient un moment où il faut décider. Le rapport de la mission d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République, de Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, a proposé un projet en deux ans. Il reposait sur la constitution de très grandes régions et sur le maintien des départements dans les zones rurales. D'autres ont défendu des options différentes, et le Gouvernement doit maintenant trancher. Même si nos collectivités ne fonctionnent pas si mal qu'on le dit, il faut leur permettre de s'adapter aux évolutions actuelles et futures. La CTAP jouera un rôle important en la matière, car elle sera le lieu de l'ajustement aux nouvelles compétences à mesure qu'elles apparaîtront. Et notre ambition, que vous jugerez peut-être excessive, est de vous proposer avec ces deux projets de loi un dispositif qui n'ait pas à être modifié.

La mobilité durable exige l'équilibre adéquat entre route et rail. S'agissant des autorités organisatrices de transports, ce sera aux régions d'arrêter une organisation cohérente. En cette matière comme dans les affaires d'emprunts ou de marchés publics, les choses sont surtout difficiles pour les communautés de communes et les départements ruraux, qui ne disposent pas de beaucoup de cadres A, si bien qu'ils dépendent des consultants et des bureaux d'études. Il faut organiser la communauté régionale des ressources humaines.

Les départements disparaîtront plus rapidement dans les territoires très urbanisés ; les métropoles devront s'entendre avec eux pour gérer au moins trois compétences sur sept d'ici au 1er janvier 2017. Nous avons lancé une mission sur le cas de Paris, mais il paraît d'ores et déjà évident que les évolutions seront différentes entre les zones très denses et celles qui le sont moins. L'expérimentation sera toujours possible comme le Premier ministre l'a confirmé.

On insiste souvent sur la proximité entre électeurs et conseillers généraux, notamment dans les zones rurales. Mais l'abstention aux élections cantonales a explosé, la participation s'étant effondrée pour tomber de 70 % à 40 % ! Ce lien de proximité n'existe donc plus car il est devenu difficile de connaître le rôle du conseiller départemental – ce qui n'est pas le cas pour les maires, même si l'abstention aux élections municipales progresse également. Une fois conduite la rationalisation de l'action publique, il conviendra de mettre en avant le projet davantage que l'élu – la proximité perdue étant à regagner au niveau des intercommunalités.

Sans la CTAP, il aurait été difficile de supprimer la clause de compétence générale car il aurait manqué le lieu de la concertation entre exécutifs permettant l'exercice des compétences. Je me suis battue avec l'Assemblée nationale – bien plus qu'avec le Sénat – pour imposer cette conférence. Elle incarne la société du contrat, dans laquelle nous entrons, qui repose sur une répartition claire des compétences et sur une allocation des ressources pensée en conséquence.

Jusqu'à leur disparition, les départements continueront de prendre en charge la solidarité envers les individus et les territoires. Pour ce qui est des premiers – allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou prestation de compensation du handicap (PCH) –, nous n'avons que quatre options : nous pouvons mettre à contribution soit la personne à travers un relèvement du ticket modérateur, soit la famille à travers la récupération sur succession – mais ce serait une double peine car elle aura déjà pris en charge la personne malade –, soit le département à travers l'impôt sur le foncier bâti et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit le contribuable national à travers l'impôt sur le revenu acquitté par la moitié de la population et concentré sur les classes moyennes. La fin des départements fournit l'occasion d'ouvrir sur cette question un débat national – réclamé par les associations d'insertion et d'aide aux personnes âgées et handicapées, et que nous aurons peut-être au Parlement –, débat qui conflue avec celui de la fusion entre l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée. En tout état de cause, la fiscalité doit rester le vecteur de la solidarité en France et nous ne choisirons pas le modèle des fondations.

Disposant d'une ressource dont nous devrons décider si elle est nationale ou non, les intercommunalités opéreront le lissage et nous verrons si elles sont capables d'assurer une solidarité territoriale ou si elles ne pourront que se charger de la gestion. La seule solidarité territoriale viable réside dans la péréquation, horizontale ou verticale. Cette dernière repose sur la DGF, qui sera repensée en fonction du revenu moyen par habitant, des refus de construction opposés au nom de l'intérêt général, de la production de logements sociaux, de la mutualisation des services. La pression fiscale constituera un élément de lisibilité des services fournis. Enfin, il conviendra de lisser cette dotation pour en corriger le caractère injuste.

Comme je l'ai dit, les préfets recevront le 1er janvier 2015 un mandat qui sera fonction des conclusions du débat parlementaire. Les syndicats de communes dont le périmètre n'excède pas celui de l'intercommunalité disparaîtront progressivement après un arbitrage de l'État pour prendre en compte les contrats d'affermage et de concession, ainsi que l'action des sociétés publiques locales (SPL). Je veux aussi prendre le contre-pied des propos démagogiques qui courent sur les indemnités versées aux élus, qui se sont souvent engagés dans ces syndicats en renonçant à un autre mandat ou à une part de leur activité professionnelle : il faudra prendre leur situation en compte. Au reste, ces dédommagements ne se montent qu'à 80 millions d'euros alors que les syndicats engagent environ 17 milliards d'euros de dépenses d'investissement et 9 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement. La question est bien plutôt de réduire les frais liés aux fonctions support, qui comptent pour une part non négligeable dans les charges de fonctionnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion