Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 8 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

Vous l’aviez supprimée les yeux fermés. Puis, en deux ans d’explosion du chômage, de destruction inégalée d’emplois et d’enlisement de la crise, vous avez eu le temps d’ouvrir les yeux. Aujourd’hui, vous demandez à l’Assemblée nationale de voter la première salve de mesures de votre pacte de responsabilité. Malgré le temps perdu, nous pourrions saluer le revirement du Gouvernement sur la question du coût du travail : l’amplification des allégements Fillon, la baisse des cotisations patronales familiales et les allégements de la C3S vont dans le bon sens.

Mais nous avons deux inquiétudes puissantes. La première est que nous doutons de la capacité du Gouvernement à tenir sa promesse en matière de financement. Sous la contrainte de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale et des amendements de notre rapporteur M. Bapt à l’annexe A, nous savons bien que vous allez compenser ces baisses de charges à l’euro près, parce que c’est la loi. Mais la question est de savoir comment vous allez le faire. Allez-vous augmenter la TVA ? Allez-vous augmenter la CSG ? Allez-vous taxer encore plus les Français ? Allez-vous tenir vos engagements en matière d’économies ? Ou alors, laisserez-vous ces baisses de charges peser sur les déficits, puis sur la dette que vous faites grossir ?

Oui, monsieur le ministre des finances, le doute est permis parce que vos promesses ne tiennent pas le choc de la réalité économique de la France. La courbe du chômage s’est-elle inversée ? La réponse est non. Allez-vous tenir votre objectif de réduction du déficit à 3,8 % du PIB ? La réponse est non.

Quand nous avons à maintes reprises posé la question des pistes de financement, M. le ministre du budget brandissait les tableaux d’équilibre comme une preuve qui se suffirait à elle-même. Nous avons donc le droit de nous inquiéter. L’annexe A mentionne 45 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour tous les régimes, à trouver d’ici à 2017. Quelles sont les pistes de financement ? Vous pourrez compter sur notre vigilance sur ce sujet lors de l’examen du PLFSS pour 2015.

Notre seconde inquiétude tient au fait que nous doutons de la capacité du Gouvernement à tenir les promesses de son propre pacte de responsabilité. Nous le savons : cette loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, à l’exception de son article 9, est une loi d’affichage. En effet, nul besoin d’inscrire dans une loi rectificative pour 2014 des baisses de charges ne prenant effet qu’en 2015, et non financées de surcroît.

C’est donc une loi d’affichage, mais qui n’affiche pas tout. Elle n’affiche pas l’extension de la baisse des cotisations famille pour tous les salariés gagnant jusqu’à 3,5 SMIC annoncée pour 2016, ni la disparition de la C3S en 2017. Nous avons bien compris, monsieur le ministre des finances, que vous attendez de voir avant de donner ; c’est d’ailleurs le débat des contreparties cher à la gauche du parti socialiste. Mais attention, les entreprises ont besoin de stabilité sociale et fiscale ! À force de ménager les frondeurs socialistes et de faire le grand écart entre eux et les entreprises, vous risquez de casser dans l’oeuf une dynamique difficile à créer.

Voilà quelles sont nos inquiétudes. Mais nous avons également un regret, celui de voir, six mois après la promulgation de votre loi sur les retraites et malgré une opposition patente de l’ensemble des députés de notre groupe, réitérer le coup du gel des pensions. Vous vous livrez à une démonstration de force, mais nous avons bien vu que le Gouvernement était prêt à tout pour ce texte, quitte, dès la première minute, à mettre en réserve tous les votes ; quitte même à brandir les armes du vote bloqué et de l’article 49-3 de la Constitution.

Vous aviez l’occasion de poursuivre un effort structurel lors de la réforme des retraites, et vous préférez faire des économies de bouts de chandelle qui cassent le pouvoir d’achat des classes moyennes. Ce gel s’ajoute à la fiscalisation du bonus pour trois enfants qui concerne 3,8 millions de foyers sur lesquels on prélève la modique somme de 1,3 milliard d’euros.

Tout comme une partie de votre majorité, l’UMP ne l’accepte pas, même si vous faites du rétropédalage sur l’allocation logement famille. Où sont les réformes structurelles seules à même de résoudre l’évolution tendancielle des dépenses ? Votre projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale n’est ni plus ni moins qu’un chèque en blanc pour des entreprises qui grognent, qui ne vous croient pas. C’est pourtant aujourd’hui qu’elles ont besoin de mesures plus profondes et plus lisibles. C’est pourquoi, tout en ayant voté les articles 1, 2 et 3, qui prévoient des baisses des charges salariales et patronales, le groupe UMP votera contre l’ensemble de ce PLFRSS, car c’est une occasion ratée de restaurer la confiance des Français et des entreprises.

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