Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui porte désormais mal le nom que lui avait donné le Gouvernement. Si le Sénat a adopté, moyennant quelques modifications de forme, les dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux, il a substitué à celles relatives à la délimitation des régions – notamment au redécoupage effectué à l'article 1er du projet de loi – des considérations de principe. S'il a adopté la plupart des dispositions concernant les élections régionales, il a supprimé le tableau prévoyant la composition des conseils régionaux ainsi que les dispositions relatives au report du calendrier électoral. Nous ne pouvons que regretter qu'un certain nombre de nos collègues sénateurs – pour la plupart membres des groupes communiste et UMP – n'aient pas laissé la Chambre haute faire véritablement son travail. Cela n'est bon ni pour la représentation nationale ni pour les sénateurs.
Monsieur le ministre, le Sénat a quasiment fait de votre projet de loi une page blanche. Il revient donc à notre Commission de prendre sa plume pour esquisser ce que pourrait être, d'une part, une nouvelle carte de France avec des régions plus fortes, plus efficaces et plus cohérentes, et déterminer, d'autre part, le nombre d'élus par région et par département.
En tant que rapporteur, j'ai reçu au moins les quatre groupes politiques principaux de chacun des actuels conseils régionaux. Toutes les personnes que j'ai entendues m'ont dit leur attachement à leur région, et le travail engagé depuis des décennies en faveur du transport, du développement économique, de la solidarité ou du tourisme. Beaucoup a été fait par les régions ! J'ai aussi entendu des doutes nombreux et des analyses contradictoires. J'en ai tiré la conviction que la réforme proposée était attendue, et qu'il revenait bien à l'État d'agir et de le faire rapidement. J'ai en effet eu la certitude que l'addition des bonnes volontés individuelles n'aurait pas permis de construire un projet global.
Le Gouvernement a d'ores et déjà précisé qu'il n'était pas hostile à une modification de la carte présentée lors de l'adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, pourvu que ce découpage s'appuie sur les périmètres des régions existantes et respecte l'objectif de réduction du nombre de régions.
Afin de permettre la plus large concertation possible, j'ai auditionné les élus régionaux de la majorité comme ceux de l'opposition. J'ai tiré de nos échanges un amendement qui reprend la carte présentée en conseil des ministres en la modifiant sur un point : la réunion du Limousin et de l'Aquitaine. Je souhaite que le Gouvernement s'exprime d'ores et déjà sur cette proposition.
Si le Sénat a par ailleurs affirmé son attachement aux régions existantes, il a choisi d'adopter un amendement permettant à un département de rejoindre une région contiguë par simples délibérations concordantes. S'il me semble possible d'envisager un tel « droit d'option », il doit à mon sens, pour garantir la préservation de l'intérêt général, être approuvé à la majorité des trois cinquièmes.
J'aimerais également connaître la position du Gouvernement sur la fixation du chef-lieu des nouvelles régions, même s'il s'agit avant tout d'une dénomination honorifique, le conseil régional pouvant organiser ses locaux et ses réunions sur l'ensemble du territoire régional. Quant aux noms des nouvelles régions, je proposerai par voie d'amendement de laisser aux conseils régionaux la possibilité de proposer au Gouvernement le nom qu'ils souhaitent adopter.
Le projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait de plafonner à 150 le nombre de conseillers régionaux par région. Il est apparu, lors des différentes auditions, que cela créait des difficultés, notamment en Île-de-France ou en Auvergne-Rhône-Alpes, ce nombre étant difficilement conciliable avec la nécessité que le conseil régional soit représenté dans de nombreux organismes, par exemple les conseils d'administration des lycées. Le Gouvernement est-il prêt à envisager de relever ce plafond ?
Le projet de loi prévoyait en outre qu'il y ait au moins un conseiller régional par département. Je proposerai de porter ce plancher à deux conseillers régionaux, dans le respect du principe constitutionnel selon lequel il ne peut y avoir, au sein d'une même région, plus de 20 % d'écart, entre les différents départements, quant au nombre de conseillers rapporté à la population.
Le conseil des ministres a examiné le 18 juin deux projets de loi : celui dont il est question aujourd'hui, relatif à la délimitation des régions et à la modification du calendrier électoral, et celui portant sur la clarification des compétences des collectivités, qui sera rapporté devant notre assemblée par Olivier Dussopt. Nous entendons, lui et moi, travailler de concert ; dans cette optique, nous avons organisé en commun deux tables rondes, la première réunissant des démographes et des géographes, la seconde des acteurs du monde économique.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous rassuriez notre Commission et, avec elle, l'ensemble de la représentation nationale, sur la cohérence entre ces deux lois, car la perspective de la réforme territoriale ne manquera pas d'innerver nos débats sur le redécoupage des régions, le nombre des élus et la date des élections. Je suis confiant néanmoins dans notre capacité à faire oeuvre utile.