Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 8 juillet 2014 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard :

Citant le rapport de la commission présidée par Édouard Balladur, vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il y avait urgence à réformer nos collectivités territoriales. Pourtant, vous vous êtes empressés, à peine François Hollande élu, de faire voter l'abrogation en juillet 2012 de la loi créant le conseiller territorial, que nous avions adoptée en décembre 2010 et qui constituait une vraie réforme. Pourquoi une telle décision ?

Pourquoi, par ailleurs, avez-vous entrepris un redécoupage cantonal, qui vous a beaucoup occupé et qui occupe actuellement les juges du Conseil d'État, pour nous annoncer aujourd'hui la suppression des élus départementaux ?

Enfin, alors que votre Gouvernement transmettait en début d'année au Conseil d'État un projet de loi sur les collectivités territoriales qui renforçait singulièrement les compétences des conseils généraux, le Premier ministre recommandait, quelques semaines plus tard, dans sa déclaration de politique générale, la suppression de ces mêmes conseils généraux, ce qui achève de démontrer votre absence de vision stratégique à long terme.

Pour le reste, nous attendrons les amendements du Gouvernement et du rapporteur à ce texte très léger qui nous arrive du Sénat et qui s'appuie sur quelques chimères que j'aimerais dissiper ici. La première d'entre elles concerne la « grande région européenne », dont vous usez comme d'un mantra, statistiques territoriales et démographiques à l'appui. Je signale que vingt États américains ont moins de trois millions d'habitants et que la superficie moyenne des régions européennes est inférieure à celle de nos régions, lesquelles sont, pour certaines, plus grandes et plus peuplées que les petits pays de l'Union européenne.

Je dénonce également le mythe selon lequel des régions dotées de budgets publics importants dynamiseraient l'économie. Ce qui fait la force des Allemands, ce ne sont ni les Länder ni l'organisation administrative des territoires, mais l'existence d'un puissant capitalisme local, qui s'appuie sur l'alliance entre des entreprises de taille intermédiaire et le réseau des Sparkassen.

Enfin, alors que nous nous accordons tous sur la nécessité de réaliser des économies, cette réforme coûtera dans un premier temps plus qu'elle ne rapportera. Elle signe de surcroît la fin de la politique de proximité, compte tenu de la diminution du nombre d'élus.

La réforme instaurant les conseillers territoriaux divisait par deux le nombre d'élus territoriaux, ce qui avait poussé l'opposition d'alors à crier au scandale. Vous divisez aujourd'hui ce nombre d'élus par cinq, ce qui va inévitablement conduire à une technocratisation et à une recentralisation de notre organisation territoriale. À titre d'exemple, la Savoie compte aujourd'hui trente-huit conseillers généraux et douze conseillers régionaux ; à l'issue de la réforme, elle n'en comptera plus que sept ou huit, élus à la proportionnelle – donc désignés par les partis politiques – et qui, d'emblée absorbés par l'obligation qui leur est faite de siéger dans les conseils d'administration des collèges et des lycées, devront pratiquer la politique de la chaise vide s'ils veulent trouver le temps de s'occuper des autres sujets.

Nous devons en finir avec une vision trop jacobine de notre organisation territoriale. Si, dans certaines zones urbaines, le regroupement des collectivités ou la suppression des départements se justifie, cette suppression conduirait, dans les territoires ruraux ou montagnards qui n'ont pas et n'auront jamais de métropoles, à une réelle forme de déshérence.

Pour toutes ces raisons nous abordons l'examen de ce texte dans un esprit constructif mais en restant extrêmement vigilants à ce que cette réforme n'accroisse pas les fractures territoriales dans notre pays.

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