Intervention de Florent Boudié

Réunion du 8 juillet 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié, rapporteur pour avis :

Monsieur Yannick Favennec, je partage vos préoccupations relatives aux territoires ruraux. Dans la loi du 27 janvier 2014, premier acte de la réforme territoriale en cours, des pôles d'équilibre territoriaux sont prévus, pour que les territoires s'organisent au niveau infra-départemental et non seulement au niveau des métropoles. L'arrière-pays n'existe d'ailleurs pas en tant que tel, puisque des flux permanents relient les villes à leur environnement immédiat. Si les fractures territoriales se sont approfondies, le débat sur la taille des régions n'en est ni la cause, ni la conséquence. Il faut plutôt inventer des formes de coopération entre la ville et la campagne, entre métropole et territoire périurbain ou rural.

Monsieur Jean-Christophe Fromantin, madame Valérie Lacroute, vous avez abordé la question des économies attendues. Je ne pense pas cependant que ce soit la bonne clef d'entrée dans ce débat. Pour prendre l'exemple lyonnais, la création d'une métropole rhodanienne a conduit le département du Rhône à instituer sa propre agence de développement. Il ne faut donc pas exclure que de nouveaux coûts apparaissent dans un premier temps à la faveur de la réforme territoriale, même si des économies devraient se dégager in fine, avec la disparition des doublons.

Monsieur Patrice Carvalho, l' « usine à gaz », c'est la situation actuelle ! La carte de l'organisation territoriale est illisible pour nos concitoyens. Les maires de petites communes ne peuvent pas lancer un projet aujourd'hui sans mettre cinq ou six acteurs autour de la table et avec des doublons fonctionnels. Cette réforme n'intéresse pas nos concitoyens ? Je crois, au contraire, qu'ils sont très attentifs aux services publics, aux services rendus au public et à leur efficacité. La situation actuelle pose un problème démocratique. L'abstention est bien le résultat de cette situation illisible, où personne ne sait où sont les responsabilités, ce qui conduit à une fuite devant les urnes.

Monsieur Michel Heinrich, la menace sur le financement des contrats de plan Étatrégion provient pour l'essentiel de l'insuffisance des recettes attendues de l'écotaxe. Votre groupe a tant critiqué cet impôt après l'avoir mis en place sans vouloir le mettre en oeuvre. Aujourd'hui, il ne devrait rapporter que 300 millions d'euros, contre 1,2 milliard d'euros attendus initialement.

Monsieur François-Michel Lambert, la prégnance de la logique jacobine, y compris dans la définition de réformes décentralisatrices, n'est pas nouvelle dans notre pays. Sans même parler de la taille des régions, le mode de scrutin constitue indéniablement un problème, et les politiques régionales peinent à s'incarner dans les territoires.

Or la création du conseiller territorial ne constituait pas une solution convenable, plutôt un biais de contournement pour éviter d'avouer la suppression des départements. Pour rassurer les élus, l'ancien Président de la République avait annoncé que ce n'était « ni la mort, ni la fin du département », alors que tout était fait pour l'affaiblir et le faire mourir de sa petite mort. Ce n'était pas une façon sincère ou transparente de lancer le débat. (Murmures sur les bancs UMP). Le Premier ministre, au contraire, a préféré annoncer d'emblée cette suppression comme un objectif à l'horizon 2020. Au reste, la réforme du conseiller territorial ne conduisait qu'à une départementalisation de l'échelon régional, qui s'en trouvait ainsi gravement dénaturé, au moment même où il paraît si nécessaire de sortir des intérêts cantonaux.

Monsieur Alain Gest, vous avez insinué que le Président de la République avait tracé la nouvelle carte régionale sur un coin de table. C'est toujours mieux que de la dessiner dans une cuisine. (Murmures)

Lorsque le président du Conseil Edgar Faure, en 1955, demanda une carte des périmètres administratifs régionaux à Serge Antoine, conseiller référendaire à la Cour des comptes alors âgé de vingt-neuf ans, ce dernier se mit à la tâche avec sa femme, dans sa cuisine, comme il le raconte dans ses mémoires. Ils s'appuyèrent notamment sur les indices fournis par les communications enregistrées par les P&T. Parce que les habitants de Périgueux téléphonaient plus à Bordeaux qu'à Limoges, il lui avait semblé que l'Aquitaine devait inclure le Périgord.

Au vu de ces méthodes de découpage, il n'est pas illégitime, ce me semble, que le Président de la République se penche sur la question. D'ailleurs, d'après mes souvenirs, son prédécesseur n'était pas vraiment partisan d'une « déprésidentialisation » du régime.

Quant au référendum sur la suppression des départements, j'en étais partisan. Mais ce que vous-même et le Sénat présentez, c'est une motion référendaire visant à consulter les Français sur la carte des régions, bref à leur poser une mauvaise question en les interrogeant sur le Meccano territorial. Le référendum du 27 avril 1969 portait sur la création de conseils régionaux et sur la réforme du Sénat qui en aurait résulté, puisqu'il serait devenu la représentation au niveau national de la nouvelle carte régionale. Ce n'est pas non plus la question que vous voulez poser aujourd'hui.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion