Intervention de Anne Paugam

Réunion du 2 juillet 2014 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française du développement, AFD :

Notre mission est de favoriser le développement. Nous cherchons donc à générer des « impacts » de développement au bénéfice des populations et des pays partenaires.

Les leviers pour financer ce développement consistent à soutenir les politiques publiques, favoriser l'accès aux services essentiels et conforter la création d'emplois et l'essor du tissu économique local.

Les acteurs dans ce domaine – avec lesquels le groupe AFD doit travailler – sont l'État, les collectivités locales, des entreprises publiques, les organisations non gouvernementales (ONG), mais aussi les entreprises privées et le système bancaire local censé les financer et permettre leur développement.

Le secteur privé constitue en effet un des vecteurs du développement. Je me réjouis d'ailleurs de voir que ce sujet soit redevenu une évidence dans la réflexion sur le développement, alors qu'avec l'emploi, il a longtemps été absent des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Ainsi, en Afrique, on estime qu'il y a 200 millions de personnes de 15 à 24 ans et, récemment, une experte nous a livré un chiffre stupéfiant, selon lequel 95 % des jeunes de 15 à 30 ans seraient africains en 2035. On voit donc l'ampleur du défi pour intégrer ces générations sur le marché du travail et faire en sorte que ces phénomènes démographiques soient positifs.

De même, en Afrique, le secteur privé représente deux tiers de l'investissement et 70 % de la production, mais plus des trois quarts des emplois sont informels. La formalisation de l'économie constitue donc un enjeu important.

Le secteur privé est l'assise même des politiques publiques car il constitue la base fiscale sur laquelle les États peuvent de manière durable et autonome conduire celles-ci. Il a aussi un rôle important à jouer pour l'accès aux services essentiels.

En outre, dans l'agenda du développement, l'aide publique au développement (APD) ne constitue qu'une petite partie des financements à mobiliser pour atteindre les différents objectifs en termes d'infrastructures, d'accès à l'eau, à l'éducation ou aux transports. Un des enjeux pour les acteurs publics est donc de mobiliser les financements privés – que ce soit au travers d'investissements directs ou par le biais du système bancaire – là où ils n'ont pas forcément envie d'aller. Notre rôle est en effet d'être subsidiaire, c'est-à-dire d'investir là où le financement est insuffisant ou d'une durée trop courte, sans y perdre – ce qui est essentiel pour entraîner les autres financeurs.

En France et en Europe, on a d'ailleurs ressenti le besoin d'un outil de ce genre, comme la Banque publique d'investissement (BPI) pour les PME ou la Banque européenne d'investissement (BEI) pour les grandes infrastructures du continent.

Les entreprises ont non seulement besoin d'un environnement sain mais aussi de ressources financières que ni le secteur privé ou l'épargne locale, ni les financeurs extérieurs privés ne leur apportent suffisamment. Il y a à cet égard une coalition européenne de bailleurs de fonds homologues de Proparco, qui apporte des financements à moyen et long terme.

Les orientations stratégiques du COM s'appliquent à Proparco, notamment la priorité accordée à l'Afrique, l'importance attachée aux projets ayant des « cobénéfices » sur le climat, la promotion des bonnes pratiques de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) et la prise en compte de l'influence et de la diplomatie économique.

De même, les principes généraux de responsabilité du groupe s'appliquent à Proparco, que ce soit en matière de standards environnementaux et sociaux ou de sécurité financière, sur laquelle l'AFD a une politique qui va au-delà de la réglementation française, en particulier depuis 2013, où nos règles ont été renforcées sous l'impulsion notamment de Pascal Canfin.

L'AFD, qui est un outil bilatéral, n'a jamais été aussi mobilisée qu'aujourd'hui sur la diplomatie économique. Non seulement les directeurs d'agence participent aux réunions d'ambassade, mais ils ont aussi pour instruction d'organiser régulièrement des réunions avec les entreprises, les bureaux d'études et les acteurs français dans leur pays pour développer une forme d'intelligence économique en amont et éclairer les choix de stratégie. Mais si, dans un pays pauvre, on nous demande de travailler sur la santé maternelle et infantile et qu'il n'y a pas d'entreprise française dans ce domaine, il fait partie de notre mission d'y répondre, sachant que notre mandat n'est pas celui de la BPI, d'Ubifrance ou de la Coface.

J'observe, par exemple, que notre ministre des affaires étrangères a annoncé en Inde que l'AFD allait mettre en place 1 milliard d'euros de financements dans les années à venir avec ce pays sur des priorités partagées avec lui, pour lesquelles les entreprises françaises ont des savoir-faire.

En outre, en accompagnement des opérations que nous finançons, nous avons développé des appels d'offre avec des exigences renforcées en matière de normes environnementales et sociales, pour éviter que des chantiers soient attribués à des entreprises tierces de pays émergents, ce qui donne parfois lieu à de très mauvais résultats en raison d'une sous-estimation des coûts et d'une qualité de prestations médiocre. Nous avons déjà une dizaine de projets pilotes en la matière. Mais ce travail doit être fait avec d'autres bailleurs comme la BEI ou la KfW allemande. Un des enjeux est de convaincre les grandes banques multilatérales comme la Banque mondiale de faire de même.

Par ailleurs, le financement de l'expertise française est un de nos outils majeurs de promotion de l'influence de notre pays et de diplomatie économique indirecte. Je ne reviens pas sur l'importance du Fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences, le FEXTE, qui nous a été donné au travers du COM : il est essentiel pour nous permettre de remplir notre mission. La question se posera de son renouvellement.

S'agissant de la politique de sécurité financière, notre dispositif tient compte non seulement de la liste des juridictions non coopératives du code général des impôts mais aussi de celle du Forum de l'OCDE sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales. Certains pays ont été considérés comme en faisant partie dans le passé, comme les îles Caïman, mais ont passé le test de la phase 1 de cette organisation. Pour nous, les pays qui n'ont pas passé ce test sont bannis. Reste à savoir comment on traite les pays qui ne sont pas ressortis de façon pleinement satisfaisante de la phase 2, comme Chypre ou le Luxembourg. Nous en discutons avec nos tutelles, sachant qu'il faudra fixer des délais, au terme desquels les pays qui n'ont pas franchi cette phase s'excluent. Or si le Luxembourg ne passe pas le test, la BEI devra déménager, ce qui fait porter sur ce pays une forte pression pour que les résultats de l'examen de la phase 2 soient satisfaisants..

Les institutions financières de développement, n'arrivent pas à toucher directement le tissu des PME et il est donc indispensable de passer par des échelons intermédiaires – les banques pour les prêts et les fonds d'investissement pour les fonds propres. Nous ne cherchons en aucun cas à faire de l'évitement fiscal au sens où on voudrait réduire ce que le tissu économique que nous soutenons doit payer comme impôts.

La France est l'un des pays à avoir le mieux compris le sujet : nous avons un fonds commun de placement à risque (FCPR) qui permet , en cas d'intermédiation par un fonds d'investissement, que les PME ne soient pas pénalisées et qu'il n'y ait pas un double niveau d'imposition.

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