Intervention de Anne Paugam

Réunion du 2 juillet 2014 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Anne Paugam, directrice générale de l'Agence française du développement, AFD :

Oui, mais nous devons en discuter avec notre ministère de tutelle.

Quant à la politique européenne, elle justifierait qu'on y consacre une réunion spécifique, car elle recouvre de gros enjeux. Nous avons essayé de construire une architecture de l'aide européenne, dans laquelle il y ait de la synergie et de la complémentarité, de sorte que la Commission européenne ne soit pas un énième bailleur, mais joue un rôle « faîtier ». La programmation conjointe ne doit pas conduire pour autant à ce que tout le monde fasse la même chose. Nous avons par ailleurs oeuvré en faveur d'une bonne complémentarité des outils, en particulier avec les facilités mises en place au niveau européen. Il y a à cet égard une tentation de l'Europe d'ouvrir à l'ensemble des opérateurs de la terre entière la mise en oeuvre des fonds d'aide européens pour s'assurer que ceux-ci décaissent rapidement, ce qui s'oppose à l'architecture que nous défendons. Faut-il mettre l'AFD ou la KfW sur le même pied que la Banque mondiale et l'ONU dans l'attribution des fonds européens ? C'est une des questions qui va se poser.

Sur la croissance démographique, j'aimerais que nous puissions faire davantage ; nous allons relancer la réflexion dans ce domaine. Nous faisons déjà beaucoup de choses sur les projets en santé maternelle et infantile et avons été partie prenante d'un certain nombre de conférences qui ont permis de faire en sorte que ce sujet ne soit plus tabou – je pense notamment à la conférence de Ouagadougou. Nous travaillons aussi avec de grandes fondations engagées dans ce domaine, notamment la Fondation Gates, mais ce sujet dépasse la question de la santé. Ce que nous faisons en matière d'accès à l'éducation ou à l'eau a également un impact. Reste que nous devons formuler une politique plus volontariste et faire revenir ce sujet davantage sur le devant de la scène, car certains pays n'en ont pas ouont peu entamé leur transition démographique. La jeunesse africaine peut être un atout pour autant qu'elle ait des perspectives.

S'agissant de la lutte anticorruption, je rappelle que nous disposons d'un corpus de règles.

Enfin, en ce qui concerne les fonds d'investissement, Proparco applique strictement la politique de sécurité financière de l'AFD, qui prévoit l'identification des investisseurs du fonds à partir d'un seuil de détention défini en fonction du risque associé au pays d'immatriculation du fonds, afin de nous assurer de l'identité des bénéficiaires effectifs. Or ces seuils vont bien au-delà de ce qu'exige la réglementation bancaire européenne et française.

Cette politique de sécurité financière repose aussi sur l'analyse d'une procédure très rigoureuse en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, conforme aux exigences du GAFI. Le fonds doit appliquer à ses propres investissements le même degré de vigilance que le nôtre à l'égard de nos partenaires ou de nos investissements directs. L'analyse de la structure du fonds requiert de notre part une attention particulière : nous cherchons à détecter et bannir les montages artificiels évoqués par la loi. Nous vérifions que celui-ci n'est pas immatriculé dans une juridiction non coopérative (JNC) et qu'aucune entité impliquée dans les équipes de gestion ou l'actionnariat ne figure dans les listes de sanctions de l'ONU, de l'Union européenne et de la France.

Je rappelle que la politique de sécurité financière, récemment renforcée par l'AFD, définit comme JNC la liste des pays non coopératifs visés par le code général des impôts et, depuis avril 2013, les pays que le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange des renseignements à des fins fiscales considère comme ne pouvant pas passer à la phase 2.

Or les juridictions mentionnées dans l'article du Canard enchaîné, à savoir l'île Maurice, les îles Caïman, le Luxembourg et Chypre, ne font partie d'aucune de ces deux listes et ne sont donc pas considérées comme des JNC, ni par la France, ni par le Forum de l'OCDE au titre de la phase 1. L'AFD est par conséquent en mesure d'y investir, sous réserve d'effectuer les diligences que je viens d'évoquer. Je ne reviens pas sur les raisons de ces investissements, qui tendent à éviter une double imposition. Mais si le Luxembourg et Chypre ne se mettent pas en conformité au titre de la phase 2, toute l'activité de financement des PME en Afrique risque d'en souffrir.

L'alternative serait d'imaginer une convention fiscale internationale favorable au développement, mais elle est compliquée à mettre en oeuvre.

Cela étant, la description de deux projets, en Tunisie notamment, faite par ce journal est aux antipodes de la réalité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion