Intervention de Geneviève Gaillard

Réunion du 9 juillet 2014 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard, rapporteure pour avis :

La proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui pour avis vient compléter le projet de loi « Biodiversité », dont nous avons débattu lors de nos réunions des 24, 25 et 26 juin dernier. Le contexte et les principales finalités de ce projet étant connus de tous, je me bornerai donc à une intervention brève, en résonance avec le dispositif lui-même très bref de la proposition de loi – puisque celle-ci ne comprend que deux articles, dont l'un modifie le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010, elle-même relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Pourquoi prévoir une nomination du président du conseil d'administration de la future Agence française pour la biodiversité (AFB) en conseil des ministres, après avis public des commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ? La réponse tient, me semble-t-il, dans la question : du fait de l'importance que nous souhaitons donner, et qu'aura effectivement demain, cette agence.

La France peut aujourd'hui s'enorgueillir de disposer, sur ses territoires métropolitain et ultramarin, de l'un des plus riches patrimoines naturels et biologiques qui soit au monde. Notre pays héberge ainsi plus du tiers des espèces recensées au niveau mondial et la France est le seul État présent dans cinq des vingt-cinq « points chauds » (hotspots) de la biodiversité, ces espaces qui accueillent une combinaison d'écosystèmes à la fois riches et rares – à savoir la Méditerranée, les Caraïbes, l'Océan indien, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.

Quant à la richesse floristique et faunistique de la Nouvelle-Calédonie, elle est comparable à celle de l'ensemble de l'Europe continentale – sur un espace, je le rappelle, d'une superficie de 16 000 km² environ, soit trois départements de taille moyenne.

Pour piloter cette politique de la biodiversité plus dynamique que nous appelons tous de nos voeux, le projet de loi crée une agence à laquelle il appartiendra – entre autres missions – d'apporter son appui scientifique, technique et financier à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements menées dans son domaine de compétence, et ce, dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité. Dès lors, prévoir la nomination du président de son conseil d'administration en conseil des ministres ne peut que constituer un signal politique fort, de nature à conforter l'autorité et la visibilité de la future AFB.

Une question supplémentaire se pose néanmoins : le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution dispose en effet « qu'une loi organique détermine les emplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée » : la future Agence française pour la biodiversité entre-t-elle donc bien dans le périmètre ainsi défini ? La question n'est pas de pure forme, puisque, dans une décision du 14 novembre 2013 portant sur la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le Conseil constitutionnel avait censuré la volonté du Parlement de soumettre à son contrôle la nomination du président de l'Institut national de l'audiovisuel, au motif que les fonctions de ce dernier n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 13 précité.

Votre rapporteure estime néanmoins que la présente proposition de loi organique, qui sera soumise de plein droit à l'appréciation du juge constitutionnel en application de l'article 61, alinéa 1er de la Constitution, échappera à sa censure pour au moins trois raisons.

D'une part, le Conseil constitutionnel n'a émis aucune objection de principe à l'inscription dans le champ de la loi organique d'organismes intervenant dans le domaine du développement durable et assurent la mise en oeuvre de politiques publiques transversales : ce fut notamment le cas de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ou encore de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA).

Il est, en second lieu, difficile de nier que la préservation de la biodiversité représente aujourd'hui un enjeu considérable pour la « vie économique et financière » de la Nation : une étude, présentée le 29 mai 2008, à une conférence de l'ONU a situé entre 1 350 et 3 100 milliards € la valeur économique de l'érosion annuelle de la biodiversité dans le monde et la contribution majeure des territoires sous souveraineté française à la biodiversité mondiale vient d'être rappelée.

Chacun mesure enfin que la préservation de la biodiversité entre directement en résonance avec la préservation des droits et libertés des citoyens : elle est en effet mentionnée à plusieurs reprises dans la Charte de l'environnement, de valeur constitutionnelle.

La soumission de la nomination du président du conseil d'administration de la future AFB à l'avis des commissions parlementaires compétentes m'apparaît donc, pour l'ensemble de ces raisons, conforme à la Constitution. Elle apparaît surtout souhaitable et souhaitée par tous ceux qui attendent un geste fort de la représentation nationale en faveur de la protection du vivant, en même temps que l'exercice légitime par celle-ci de son pouvoir de contrôle sur un établissement public appelé à constituer le bras armé de l'État en matière de reconquête et de préservation de la biodiversité.

Il faut enfin rappeler que notre commission – parallèlement à la présente proposition de loi – a également amendé le projet de loi relatif à la biodiversité afin que la loi du 23 juillet 2010, relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, prenne en compte la compétence des commissions parlementaires chargées de l'environnement pour se prononcer sur la nomination du président de l'Agence (article 17 bis [nouveau] du texte adopté par la commission du développement durable).

Je forme donc le voeu qu'aux termes de nos débats, nous puissions adopter à l'unanimité cette proposition de loi de cohérence et de nature à renforcer le contrôle parlementaire sur un opérateur dont le rôle sera bientôt essentiel.

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