Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du 8 novembre 2012 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

Financer la politique familiale essentiellement par des cotisations patronales est une spécificité française qu'on ne retrouve pas à l'étranger, notamment en Allemagne, pays le plus proche du nôtre en termes d'organisation de la protection sociale. En Allemagne, la politique familiale – qui représente 3 % du PIB – est adossée non à la sécurité sociale mais directement au budget de l'État. Elle passe surtout par des prestations et très peu par des services, alors que notre politique combine les deux logiques. Nos dispositifs de garde des jeunes enfants ou de prise en charge des moins de dix-huit ans au sein de différentes structures d'animation et d'accompagnement n'ont pas d'équivalents en Allemagne.

La réflexion sur l'évolution du système de financement de la branche famille peut s'organiser autour de deux modèles.

Le premier – auquel on se limite généralement – consiste à l'envisager dans le cadre d'une organisation structurelle inchangée. La sécurité sociale reste alors pilotée par les partenaires sociaux qui tirent leur légitimité de ce que son financement est encore assuré à hauteur de deux tiers par les éléments de salaire différé que représentent les cotisations patronales. En restant dans cette logique – qui préside à l'organisation de la CNAF et du réseau des caisses d'allocations familiales, les CAF –, et au-delà des efforts d'économie et de régulation de la dépense, il faut trouver des ressources suffisamment dynamiques pour compenser la croissance des charges. Sans avoir complètement exploré cette question difficile, nous sommes convaincus que la quête de la recette miracle s'apparenterait à celle du Graal. Il faudra nécessairement faire appel à un mélange de recettes, qu'on peut concevoir de différentes façons. Un financement à assiette large serait cohérent avec la logique universaliste de la branche, telle qu'elle a été mise en place à partir de 1978. La CSG, initialement destinée à la branche famille, obéissait à l'origine à cette considération. Mais aujourd'hui que ce robinet arrose beaucoup de platebandes, il a perdu de sa logique contributive. Au-delà du niveau de la CSG, la répartition de son produit constitue une question en soi qui mérite d'être explorée.

La deuxième piste de réflexion, toujours à cadre inchangé, est de distinguer, à l'intérieur de la branche famille, différentes catégories de prestations. Si la branche obéit depuis toujours à une volonté de redistribution horizontale, entre familles avec et sans enfants, elle porte de plus en plus, depuis les années 1970, une logique de redistribution verticale, entre familles aux niveaux de revenus différents. Dès lors, les prestations familiales sous condition de ressources devraient-elles être financées d'une manière différente de celles qui sont universelles ? Cette distinction peut-elle servir d'élément de structuration d'un dispositif de financement différencié ?

Plusieurs pistes sont donc possibles à organisation inchangée : chercher à construire, rebus sic stantibus, un système de recettes en adéquation avec la dynamique de la branche, ou bien distinguer des blocs de prestations aux logiques de financement différentes.

Le deuxième terme de l'alternative consiste à changer de paradigme pour ne plus affecter à la branche des ressources dédiées, mais la financer par des dotations de l'État, la CNAF et les CAF continuant à piloter le réseau. Il ne s'agit plus, dès lors, de spécifier des ressources pour des types de dépenses particuliers, mais de consacrer une partie du budget de l'État – alimenté par les prélèvements les plus divers – à la branche famille, pour financer les prestations familiales, à la manière de ce qui se fait déjà pour l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, et une partie des aides au logement. Ce modèle se rapprocherait davantage du système allemand.

Nous n'avons étudié en détail aucune de ces solutions, restant au niveau d'un état des lieux. Mais nous indiquons en fin de rapport les différentes pistes possibles, bien plus nombreuses que celles qu'on a l'habitude d'évoquer.

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