Intervention de Yves Fromion

Réunion du 9 juillet 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, rapporteur :

Conformément à notre mission de suivi des OPEX, nous avons aussi porté un regard attentif sur la RCA.

Les deux OPEX sont très différentes : au Mali, nous étions dans une logique de ligne de front, soutenant un État (présent au moins au Sud) contre un envahisseur. En RCA, l'ennemi est dans les deux camps : anti-balakas et ex-Séléka rivalisent de violence dans leurs exactions, de méfiance vis-à-vis de la force française et, il faut le dire, de confusion des genres entre lutte politique et banditisme avéré. L'intervention française a porté des coups sérieux aux ex-Séléka, mais ils restent forts dans leurs fiefs du Nord et de l'Est – notamment dans la « région des trois frontières » entre le Tchad, le Soudan et la RCA –, et si le mouvement se fragmente, la ligne radicale semble prendre le dessus. Quant aux anti-balakas, à défaut de véritable structure étatique, ce sont eux qui tiennent une large partie du pays, avec nombre de complicités dans ce qui est censé être la force publique et l'administration de l'État, et non sans être pour certains noyautés, voire instrumentalisés, par les partisans du président déchu François Bozizé. Dans les deux cas, la combativité et la résilience de l'ennemi ont été manifestement sous-estimées.

Sur le terrain, la force Sangaris a fait au mieux avec ce qu'elle avait : 2 000 hommes et peu d'appuis. L'armée centrafricaine n'est plus qu'une virtualité, et ni la police ni la gendarmerie nationales n'ont la moindre consistance en dehors de la capitale. Il n'y a plus d'État hors de Bangui. Quant à l'Europe, on touche le fond : la mission EUFOR-RCA n'a pas suscité l'enthousiasme de grand monde. Pour preuve : il a fallu six tours de génération de force pour constituer à peu près une mission de 800 personnels, et encore, la moitié d'entre eux sont fournis soit par la France, soit par des États qui ne sont pas membres de l'UE… Voilà ce qu'il reste de la virtualité européenne. Reste la MISCA, qui sera bientôt intégrée à la MINUSCA. Mais là encore, quels que soient le dévouement de ces soldats et l'implication politique de l'Union africaine, il faut être lucide : la MISCA est ce qu'elle est. Ses forces manquent cruellement de moyens de commandement et de projection. Le rôle ambigu du Tchad n'a rien facilité. Et les circuits financiers entre l'Union européenne – qui n'est pas un modèle de souplesse – et l'Union africaine - qui, inversement, n'est pas un modèle de rigueur - font que la MISCA n'est pas payée, et que tous les approvisionnements sont très compliqués. On mise donc beaucoup sur le déploiement, le 15 septembre, de la MINUSCA, qui aura également une composante civile chargée d'appuyer la RCA dans la reconstruction d'un État viable. Là encore, comme au Mali, le scénario de sortie d'OPEX est moins que clair. Depuis notre déplacement en RCA, la situation est toujours aussi tendue : autour de Bambari, où nous sommes allés, on assiste à des affrontements extrêmement violents. Or notre dispositif militaire y est extrême tendu, pour ne pas dire distendu. Ainsi, par exemple, nous n'avons à Bria, le principal centre de production diamantifère, que l'équivalent d'une section, alors qu'avec la saison des pluies, la mobilité des forces est considérablement réduite, ce qui place nos soldats dans des situations très inconfortables. Il faut saluer leur dévouement.

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