Si l'effectif de nos forces à Djibouti devait être ramené à 950 hommes, il faudrait alors faire des choix irréversibles. Ces forces comprennent aujourd'hui, principalement, le 5e régiment interarmes d'outre-mer (RIAOM) et un détachement aérien armé de chasseurs Mirage. Or, à la différence du Rafale, le Mirage n'est pas polyvalent : aussi faut-il deux types de Mirage pour assurer les deux missions de ce détachement que sont la défense aérienne et l'appui au sol. Ainsi, sauf à sacrifier la composante terrestre du dispositif, le plafond de 950 hommes impose de renoncer à la capacité d'appui au sol pour la composante aérienne, car le maintien d'une capacité de défense aérienne découle du traité précité. Cela reviendrait à désarmer le dispositif français à Djibouti et à placer nos forces devant un dilemme intenable. Nous avons tous deux saisi de cette question le ministre de la Défense, ainsi que le chef d'état-major des armées. Il en ressort qu'une autre solution pourrait être trouvée. Nous militons donc pour le maintien d'une force de 1 300 hommes à Djibouti, ce point stratégique vers lequel se ruent d'autres puissances.
À titre personnel, j'aimerais conclure en évoquant trois points.
D'abord, je crois que ce qui se passe en Afrique est le révélateur de la situation de nos forces armées en général. C'est particulièrement frappant du point de vue des matériels et des équipements. La situation est extrêmement difficile. Depuis longtemps, les moyens ne suffisent même plus à maintenir le matériel à niveau : il est, pour une partie, en phase de délitement. Ce phénomène n'est pas très visible lorsque l'on se déplace auprès de nos forces en métropole, mais en Afrique, on est plongé dans la réalité de la vie militaire. On ne pourra pas laisser très longtemps nos matériels et nos équipements se déliter ainsi.
Ensuite, s'agissant des effectifs de nos forces, il faut souligner qu'ils sont déjà soumis à des tensions considérables. À l'évidence, la nouvelle réduction des effectifs, dans les conditions où elle est prévue, est fort peu opportune. Il faut se poser franchement la question de savoir ce que l'on veut pour nos forces armées, telles que l'on les voit en Afrique. Jusqu'à présent, on a joué sur les rotations des personnels, en privilégiant les personnels « tournants » plutôt que les personnels « permanents » à des fins d'économies. Mais ce système, poussé très loin, s'avère difficile à gérer, tant pour les commandants d'unités en Afrique que pour les commandants de leurs unités de rattachement en France.
Enfin, je tire de nos travaux le sentiment que le prépositionnement de nos forces a des avantages, mais aussi des inconvénients. Incontestablement, il constitue à certains égards un atout : en palliant en partie la faiblesse de nos moyens de projection stratégique, il donne de la réactivité à notre dispositif, et par l'existence d'installations d'entraînement variées ainsi que d'un système de relèves régulières, il contribue à l'aguerrissement de nos troupes. Il permet ainsi de mettre nos soldats en situation de combat, et ceux-ci suscitent l'admiration de nos grands alliés, à commencer par les Américains et les Britanniques. Mais ce système a également un inconvénient : il risque de nous entraîner dans des situations difficiles. En effet, personne ne pourrait comprendre que des soldats français restent barricadés dans leurs casernements quand un drame humanitaire se produit autour d'eux. Avec les prépositionnements, on perd une certaine capacité de recul, ce qui complique la gestion diplomatique des crises.