La Lettonie a un budget de défense de 250 millions d'euros…
Étienne de Durand. S'il ne s'agit pas d'envoyer une brigade française sur place, on pourrait par exemple développer un partenariat entre notre brigade alpine et les pays nordiques, avec des entraînements ou des rotations et une petite présence d'une trentaine d'individus.
Les Russes nous accusent d'avoir violé notre parole à cause du Kosovo : on peut les accuser avec au moins autant de légitimité du même tort envers la Crimée.
S'agissant de la Chine, ils ont passé un important contrat gazier avec elle, en leur défaveur. On observe à cet égard, d'une part, la montée en puissance de « l'eurasisme » dans le débat politique russe, avec l'idée de se détourner de l'Occident et, d'autre part, leur difficulté à s'entendre avec nous, l'Europe se résumant pour eux à « la défense des homosexuels ».
S'il ne s'agit pas d'entrer dans une logique d'affrontement avec eux, nous avons bel et bien changé d'époque.
Concernant les sanctions, les Européens sont en désaccord et nos intérêts à l'égard de la Russie divergent – si l'on frappe les aspects financiers, ce sont essentiellement les Anglais qui seront touchés, les aspects industriels et commerciaux, ce seront les Allemands, et si ce sont les aspects militaires, ce seront les Français. Je pense que nous n'arriverons pas à nous mettre d'accord.
D'ailleurs, avant de mettre en place un dispositif de sanction, il faut s'interroger sur son bien-fondé. S'il s'agit d'obliger Poutine à faire machine arrière sur la Crimée, l'objectif est hors de portée, sauf à vouloir la destruction financière et économique de la Russie. Veut-on vraiment prendre ce risque avec une puissance nucléaire ?
Déployer quelques troupes ou un dépôt de matériels aux confins de la Pologne est infiniment moins provocateur et agressif à l'égard de la Russie que de la couper de tous les circuits financiers mondiaux, comme le proposent certains aux États-Unis – ce qui serait de nature à radicaliser le régime et à le rendre imprévisible et dangereux.
S'agissant du système Mistral, la question n'est pas simple, mais le fait de le vendre pose un problème qu'il ne faut pas se dissimuler. Je rappelle à cet égard que nous avons des perspectives de marchés d'armements importants dans le Nord et l'Est de l'Europe.
Eu égard au manque d'unité des Européens sur ce point, cette vente n'enverrait pas un très bon message. Raison de plus, pour nous Français, d'être sérieux sur la réassurance, d'autant que nous avons une certaine proximité avec les Russes et que nous ne pouvons être taxés de sentiments russophobes primaires.
Moins nous serons crédibles, nous Français et Européens, plus nous risquons, vu le croisement des courbes que j'évoquais, de créer des tentations et une déstabilisation dans les années à venir.