Je souhaite souligner les qualités de Mme la rapporteure, qui apporte à la mission son expérience professionnelle sur les questions qui nous intéressent. Sans revenir sur l'ensemble des points déjà traités, je voudrais faire trois observations. La première pour rappeler qu'il y a un intérêt à revisiter la loi musée du 4 janvier 2002 à la rédaction de laquelle nombre de députés ici présents ont participé. La deuxième concerne les avancées en matière de gestion de nos musées, qu'ils soient nationaux ou territoriaux. La troisième porte sur les collections et les restitutions.
Revisiter la « loi musées » fait partie de notre travail parlementaire. C'est ainsi que nous exerçons notre contrôle sur le Gouvernement ou les gouvernements successifs et, au-delà, sur la façon dont les administrations prennent possession des lois que nous adoptons. Même si la mission ne s'est pas donnée essentiellement comme objectif de regarder l'application de la « loi musées », il est clair qu'elle en permet une évaluation, au moins partielle. L'appellation « musée de France » est entrée pleinement dans le champ muséal. Elle couvre, fin 2012, 1 218 musées, dont 84 % sont des musées territoriaux, 13 % sont liés à des personnes morales et 5 % à l'État. Cette appellation permet aujourd'hui de jongler aisément avec les notions d'imprescriptibilité, d'insaisissabilité et d'inaliénabilité. Par ailleurs, nous constatons aujourd'hui que le nombre de musées nationaux ayant acquis la personnalité juridique devient significatif : Orsay, Versailles, Pompidou, Guimet, Picasso, Fontainebleau ont rejoint Le Louvre en devenant des établissements publics à vocation administrative. Nous aurons à coeur, bien sûr, d'en dresser la liste complète.
Sur les avancées en matière de gestion, il est clair que le label « musée de France » a permis l'application de principes communs, notamment scientifiques, à tous les musées. C'est un résultat encourageant à mettre au crédit de cette loi. Le récolement décennal dont Isabelle Attard a parlé, est en cours. Il devait être réalisé pour le 12 juin 2014. Ses résultats ne sont pas si mauvais que cela, dès lors que nous prenons en compte la diversité des musées et la date de parution de la circulaire d'application, en 2006 seulement. Le bilan de ce récolement n'est pas si mauvais car il donne lieu à une vraie prise de conscience. On constate que le nombre de plans de récolement est significatif. Dans la suite de nos travaux, nous le préciserons et donnerons leur état. Cela nous permettra d'avoir une connaissance réelle de nos richesses et de faciliter leur circulation.
Ma troisième observation concerne les collections, leur circulation et leur conservation. Nous aurons intérêt à creuser davantage la notion de dépôt pour la clarifier. La situation des dépôts qui ont été réalisés auprès des musées territoriaux au fil du temps doit être redéfinie. Le rapport d'étape signale qu'il y a des marges nettes de progression ; il conviendra d'être plus précis et de faire des propositions. Concernant les restitutions, je ne reprendrais pas les propos d'Isabelle Attard. Je voudrais simplement reprendre l'adage populaire selon lequel « quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». Notre déplacement à New York et notre rencontre avec un service compétent en la matière montre que, dès lors qu'une question est posée à la France, une solution est vite trouvée. Pourquoi alors ne pas être plus proactif comme le suggère Mme la rapporteure ? Incontestablement, nous avons intérêt à remettre ce sujet sur l'établi. Pour de nombreux conservateurs, cette question est désormais derrière eux. Si tel est le cas, alors n'ayons pas peur d'une plus grande transparence. Peut-on renforcer la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) ? Peut-on, comme la rapporteure le demande, rendre plus accessible le site Rose-Valland ? Et pourquoi ne pas trouver une autre dénomination pour les oeuvres « Musées Nationaux Récupération » ? La restitution des oeuvres est un devoir envers les familles spoliées pendant la dernière guerre, mais aussi envers notre pays tout entier.
Cependant, derrière le terme de « restitution » des oeuvres, se cachent des arrière-pensées. La notion même de musée est interrogée. La Vénus Hottentote ou les têtes Maories montrent que derrière la question de la restitution, la question de l'inaliénabilité des oeuvres est posée. Qui n'est pas ému en constatant qu'au moment où des travaux importants sont réalisés pour la restauration du Parthénon, ses frises sont conservées à Londres ? Je serais tenté de dire qu'une réflexion et des précisions sont nécessaires pour éviter la tentation de l'ethnocentrisme. Le musée que l'on nomme communément « Musée du Quai Branly » s'appelle en réalité « Musée des cultures d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des deux Amériques ». Où est l'Europe ? Au centre, laissant entendre que les autres cultures seraient secondaires par rapport à celle de l'Europe ? Il y a là, je le vois bien, matière à réfléchir sur la notion de musée, sur notre rapport à la culture, à la conservation et… à la restitution.
Pour conclure le travail qui avance correctement sous l'autorité de Mme la rapporteure, nous pourrons prochainement vous apporter encore plus de matière afin de préciser les préconisations que pourrait retenir notre commission.