Intervention de Guy Drut

Réunion du 21 mai 2014 à 18h45
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Guy Drut, ancien ministre, membre du Comité international olympique :

Les critères sont vraiment subjectifs, les villes candidates répondant aujourd'hui dans l'ensemble aux exigences techniques de l'événement. Après avoir fait partie de la commission d'évaluation des jeux de 2016, j'ai fait partie de celle des jeux de 2020, qui se dérouleront à Tokyo ; je fais maintenant partie de la commission de coordination de ces mêmes jeux. S'agissant des jeux de 2016, je dois avouer qu'un grand nombre des membres du CIO et moi-même regrettons d'en avoir accordé l'organisation aux Brésiliens : s'ils sont assurément très sympathiques, voire attendrissants – ils pleurent facilement –, ils ne remplissent pas leurs engagements.

Le processus de sélection du CIO est en cours de modification. À l'heure actuelle, dès que les villes ont fait acte de candidature, les membres du CIO n'ont plus le droit de s'y rendre, une interdiction particulièrement difficile à respecter lorsque des villes comme Paris ou Londres sont candidates. Aussi le CIO ferme-t-il le plus souvent les yeux sur de tels déplacements. De plus, aucun des membres du comité de candidature d'une ville, sauf s'ils sont eux-mêmes membres du CIO, n'a le droit de rendre visite aux membres du CIO. Là encore, devant les difficultés que pose le respect de cette interdiction, il est prévu d'assouplir le règlement.

Les dossiers des villes « requérantes » – celles qui ont fait acte de candidature – sont examinés par une commission ad hoc du CIO : celles, au nombre de trois ou quatre, dont les dossiers ont été sélectionnés, de villes « requérantes » deviennent « villes candidates ». Les États concernés doivent se porter caution et les maires, ainsi que les présidents des comités olympiques locaux, signer un engagement. Les villes ont alors neuf mois pour préparer leur dossier définitif. Au cours de cette période, elles reçoivent la visite de la commission d'évaluation, qui est composée pour moitié de membres de CIO et pour moitié d'experts, en environnement, en sécurité ou en transports. Les permanents du CIO que sont le directeur des sports et celui des candidatures font aussi partie de cette commission.

Après que la commission a rendu son rapport, aussi épais que quatre Gaffiot et donc rarement lu dans son intégralité par les membres du CIO, les villes candidates ont deux occasions de présenter leur projet : une première fois, lors d'une session ouverte à tous et à la presse, trois mois avant la session officielle d'attribution qui a lieu, pour les jeux d'été, au mois d'août ou de septembre ; une deuxième fois, au cours d'une session délibérative durant laquelle elles exposent leur projet et répondent aux questions des membres du CIO. Le jour de la session officielle d'attribution, chaque ville candidate dispose d'une heure pour convaincre – une demi-heure d'exposé et une demi-heure d'échanges – avant que le jury ne passe au vote.

La présentation du projet à la session officielle d'attribution est très importante : si les Britanniques ont remporté l'organisation des jeux de 2012 alors que Paris était jugé gagnant, c'est que leur présentation a été bien meilleure que la nôtre. Bertrand Delanoë avait fait le choix, avec lequel je n'étais pas d'accord, de faire reposer toute la présentation sur le film, qui devait parler par lui-même, et non sur des intervenants. Jacques Chirac, alors président de la République, était à Singapour : il n'a parlé que trois minutes alors qu'il était très apprécié des membres du CIO. Le maire de Paris, qui est un bon orateur, n'a lui aussi que fort peu parlé. Aucun des membres du comité national olympique et sportif français n'est intervenu : seul son président, Henri Sérandour, s'est exprimé, alors qu'il était déjà très affaibli par la maladie qui devait l'emporter. Il faut savoir aussi que le président du comité britannique n'était autre que Sebastian Coe, une icône du monde sportif, que tous les membres du CIO connaissent et qui s'exprime largement aussi bien que le maire de Paris. Sebastian Coe parlait à sa famille, contrairement à Bertrand Delanoë.

Je regrette également que personne ne nous ait demandé notre avis sur le film, qui avait été conçu par Luc Besson, un réalisateur de talent mais dans lequel peu de sportifs s'y exprimaient, ce qui est grave. Trois mois avant l'échéance finale, lors d'une réunion de dirigeants, je me rappelle très bien avoir rappelé au maire de Paris que les Britanniques présentaient une candidature sportive soutenue par les politiques alors que la France en présentait une de plus en plus politique soutenue par les sportifs. Une scène du film se déroule au Fouquet's : on y voit deux sportifs habillés en serveurs – Jean Galfione, champion olympique du saut à la perche, et Marie-José Pérec, triple championne olympique sur 200 et 400 mètres – apporter un café à deux acteurs célèbres. C'est l'inverse qu'il aurait fallu filmer ! C'était aux stars du cinéma de servir les deux athlètes. À un autre moment, les leaders de chaque centrale syndicale s'expriment : quel intérêt pour les membres du jury du CIO, qui viennent du monde entier, de l'Uruguay comme de la Mongolie ou de la Corée du Nord ? Les Britanniques, eux, ont tenu un discours complètement orienté sur la jeunesse. C'est une des grandes raisons pour lesquelles Paris a perdu.

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