Intervention de Guy Drut

Réunion du 21 mai 2014 à 18h45
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Guy Drut, ancien ministre, membre du Comité international olympique :

La double candidature de Paris et d'Albertville pour 1992 a été examinée par le CIO en 1985, alors que François Mitterrand était Président de la République et Jacques Chirac maire de Paris – il deviendra peu après Premier ministre. Le président du CIO était à l'époque Juan Antonio Samaranch, un diplomate redoutable, qui voulait absolument que les jeux d'été se déroulent dans sa ville natale, Barcelone. Il a donc favorisé la candidature d'Albertville pour les jeux d'hiver : personne ne peut me dire le contraire ! Samaranch est allé jusqu'à inverser l'ordre du vote des jeux d'été et d'hiver – le CIO a d'abord voté pour les jeux d'hiver puis pour les jeux d'été. De plus, comme Jacques Chirac s'était montré très convaincant devant le jury dans sa plaidoirie pour les jeux d'été, Samaranch a pris peur et a repoussé au lendemain le vote alors que celui-ci a lieu ordinairement dans la foulée des auditions. Il a ainsi pu consacrer la nuit à renverser la situation. C'était de bonne guerre et, d'ailleurs, tout le monde a été content : la France a pu organiser les jeux d'hiver et Barcelone les jeux d'été.

Lorsque la ville de Lille a fait acte de candidature, j'étais ministre. Étant natif du Nord-Pas-de-Calais, je me doutais bien que, pour Pierre Mauroy, que je ne connaissais pas personnellement, il s'agissait seulement de se servir de cette candidature comme d'un outil promotionnel pour Lille et sa région. La ville n'avait, en effet, aucune chance.

Quand Jean Tiberi, alors maire de Paris, a décidé de faire acte de candidature pour l'organisation des jeux de 2008, il a commis une erreur. Nous n'avions aucune chance d'être choisis, car la ville de Pékin, devant laquelle Sidney était passée de justesse pour l'organisation des jeux de 2000, ne pouvait pas perdre l'organisation de ceux de 2008. Pékin a été choisie en 2001, année du départ de Juan Antonio Samaranch et de l'élection à la tête du CIO de Jacques Rogge.

C'est également sous l'ère Tiberi que s'est préparée la candidature de Paris pour 2012, qui, elle, avait toutes ses chances de succès. Le changement de maire intervenu entre temps n'a en rien affecté le bon déroulement du dossier, et c'est Bertrand Delanoë qui a reçu la commission d'évaluation. Or c'est précisément pendant la semaine de sa visite que les syndicats ont choisi d'organiser une grève générale ! Eu égard à l'importance de l'enjeu, la gauche aurait peut-être pu intervenir auprès des dirigeants syndicaux pour qu'ils avancent ou retardent leur mouvement social. Depuis, les membres du CIO considèrent la France comme le pays des grèves. Mes interlocuteurs me demandent régulièrement des nouvelles de la situation sociale française et de l'attitude des syndicats, que l'ancien ministre turc des sports, membre de l'AKP, n'appréciait pas – il n'a pas favorisé notre candidature !

La candidature d'Annecy est l'exemple type de ce qu'il ne faut pas faire : outre que Pyeongchang devait avoir les jeux, le président du comité a été inefficace et le comité lui-même inexistant. C'est pourquoi nous nous sommes désolidarisés. Comment mener à bien une candidature à partir du moment où les membres du CIO sentent que ceux du comité olympique du pays candidat ne sont pas motivés ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion