Intervention de Thierry Mandon

Réunion du 9 juillet 2014 à 11h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises

Thierry Mandon, secrétaire d'état auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'état et de la simplification :

Une loi d'habilitation est une loi d'un type un peu particulier : le législateur y fixe au Gouvernement des objectifs pour la rédaction d'ordonnances qu'il se borne ensuite, en général, à valider par une loi de ratification. Comme parlementaire à une époque encore récente, je me suis interrogé sur les moyens d'assurer la qualité de la loi en instituant des rapports « adultes » entre le Parlement et le Gouvernement, et je pense que nous devons aller au-delà de cette procédure habituelle pour associer le Parlement, après l'habilitation, à l'élaboration des ordonnances, d'autant que, dans le cas présent, celles-ci introduiront des changements profonds sur lesquels il serait sage de vous entendre. C'est en tout cas l'esprit dans lequel j'aborde cet examen avec vous.

La présente démarche de simplification s'inscrit dans une longue lignée de travaux amorcés par notre collègue Jean-Luc Warsmann. Mais, si la même politique se poursuit, la méthode a changé, comme en atteste notre rendez-vous d'aujourd'hui, mais aussi deux autres qui l'ont précédé. Il s'agit en effet d'une méthode collaborative, qui prend pour point de départ la complexité vécue et dénoncée par les entreprises. Dix groupes de travail collaboratif ont été constitués avec celles-ci et ont identifié des « noeuds » de complexité, sources de coûts, d'insécurité juridique et de perte de temps. D'où un agenda qui, sans être impératif, s'est ensuite imposé à l'exécutif : en résulte bon nombre des mesures qui font ici l'objet d'une demande d'habilitation après avoir été élaborées au sein du Conseil de la simplification pour les entreprises, institué sur le modèle d'exemples étrangers.

Notre méthode se veut également pragmatique et modeste : plutôt que d'attaquer les montagnes par la face nord, nous préférons isoler les difficultés pour les réduire comme par des frappes chirurgicales. Le Conseil de la simplification a ainsi arrêté cinquante propositions d'action, opération qu'il renouvellera tous les six mois. De cette première série, quatorze relèvent du domaine de la loi, d'autres sont d'ordre réglementaire, d'autres encore peuvent être mises en oeuvre par un simple changement des pratiques administratives.

Notre rendez-vous d'aujourd'hui est, je l'ai dit, le troisième de ce type. La loi du 1er juillet 2013 a déjà habilité le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction. Elle a été suivie par la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. J'en rappellerai brièvement le contenu pour dresser un état des lieux.

La loi de 2013 visant à accélérer les projets de construction en s'attaquant aux deux bouts de la chaîne a donné lieu à une vague d'ordonnances, publiées le 3 octobre 2013, qui ont modifié le mode de délivrance des permis de construire, mais aussi l'instruction des recours déposés contre ces permis.

Dans le cadre d'une nouvelle « procédure intégrée pour le logement », toutes les formalités sont condensées, de telle sorte qu'elles font l'objet d'une démarche et d'une autorisation uniques. Ce dispositif prometteur s'accompagne d'un encadrement des recours : sanction des recours abusifs ; obligation pour le requérant de faire connaître dans un délai de trois à six mois les moyens à l'appui de son recours, de manière à réduire les délais de jugement par le tribunal administratif, et suppression, pour les opérations d'une certaine importance, d'un niveau de juridiction, l'appel ayant lieu directement devant le Conseil d'État. Ces règles nouvelles seront étendues le 16 juillet prochain, par une dernière ordonnance, à l'immobilier d'entreprise.

Ces mesures sont très peu connues des professionnels du secteur de la construction. Elles sont pourtant d'une importance considérable pour eux comme pour ceux d'entre vous qui êtes aussi élus locaux. Certes, cela n'affecte pas la construction de pavillons isolés mais, sur des projets plus vastes, le progrès est réel. Douze à quatorze ans étaient auparavant nécessaires pour qu'ils sortent de terre, puisque l'instruction du permis de construire pouvait prendre six ans et le contentieux à peu près autant de temps. Ce délai est désormais divisé par deux.

La loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a quant à elle allégé les obligations comptables des micro-entreprises et des petites entreprises, assoupli les règles de recours à des salariés pour certaines professions du droit, simplifié les obligations déclaratives qui pèsent sur les entreprises en matière de participation des employeurs à l'effort de construction, créé un cadre juridique pour le financement participatif et pour la facturation électronique entre l'administration et ses fournisseurs.

Outre ces mesures, sont en cours dans certaines régions des expérimentations portant sur la simplification de l'encadrement des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation. L'article 11 du présent projet de loi tend d'ailleurs à les prolonger autant que de besoin au-delà du délai initialement prévu de trois ans.

Au fond, ce sont deux projets en un qui vous sont soumis. Les quatorze premiers articles reprennent celles des cinquante propositions d'amélioration présentées le 14 avril dernier par le Conseil de la simplification qui réclament une modification législative. L'article premier étend aux entreprises de neuf à vingt salariés l'utilisation du titre emploi simplifié entreprises (TESE), qui, comme le chèque emploi service, a l'avantage de faciliter les déclarations de salariés et le paiement des cotisations sociales. L'article 2 harmonise la notion de « jour » dans le code du travail, afin d'éliminer les nombreux contentieux nés de l'hésitation entre jours ouvrés, jours ouvrables et jours calendaires. L'article 3 tend à développer la procédure de rescrit, sujet qui a fait l'objet d'interventions de beaucoup d'entre vous. L'article 4 supprime le régime d'autorisation préalable pour certaines professions pour lesquelles il n'a aucun sens. L'article 5 tend à réduire le nombre de commissions locales compétentes en matière d'aménagement du territoire et de services au public. Plus loin, l'article 12 simplifie les modalités de constitution des sociétés anonymes. La France est en effet le seul pays d'Europe où l'on exige au moins sept associés pour en créer une, ce qui conduit à des montages artificiels. L'article 13 vise à simplifier certaines obligations déclaratives en matière fiscale et comptable, afin de ne plus obliger les entreprises d'y déférer jusqu'à trois fois dans l'année.

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