Il s'agissait de rénover les cuisines, les salles de bains et les toilettes.
Avec la ville de Vitry-sur-Seine, nous avons mené un projet baptisé « Les résidences solidaires », en partant du constat que, pendant le week-end, les résidences sont souvent un peu tristes pour les personnes les plus âgées et les moins mobiles, même si un employé de la municipalité est d'astreinte. Le bailleur a mis à notre disposition trois logements où nous hébergeons trois jeunes, sachant que sommes habilités à faire de l'intermédiation locative.
Ces jeunes paient quatre-vingt-dix euros par mois tout compris pour un appartement de vingt-sept mètres carrés entièrement équipé. En contrepartie, ils assurent, à tour de rôle et selon leur emploi du temps, une présence dans la salle commune où ils sont à la disposition des seniors : deux heures chaque soir de la semaine, et de quatorze à dix-sept heures le samedi et le dimanche.
L'expérience ayant été très concluante dans la première résidence, nous allons la reproduire dans les trois autres à la rentrée. La ville de Vitry nous demande de favoriser les jeunes de la communauté de communes, dans la mesure où ils ont le profil requis.
Nous avons aussi mis en place un système d'aide aux aidants. Les enfants de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladie cognitives apparentées souffrent souvent d'un épuisement moral et physique car ils ont très peu de moments de répit. Il y a très longtemps, nous avons mené une première expérience dans la banlieue nord. En échange d'un studio indépendant dans la maison d'un couple, la jeune fille assurait une présence trois soirs par semaine pour que le mari puisse aller jouer au bridge. Ces soirs-là, elle passait tout simplement de son appartement à la partie de la maison occupée par le couple. Cet échange nous semblait très correct.
À Sèvres, une personne nous a sollicités parce qu'elle ne conduisait pas et qu'elle avait parfois besoin qu'on l'emmène faire une course ou chez des amis, mais surtout parce qu'elle ne supportait plus de dîner seule. Quand le conjoint n'est plus apte à échanger, certains moments peuvent être difficiles à vivre. Elle a donc hébergé deux jeunes en échange d'un loyer modique et d'une certaine disponibilité.
S'agissant de nos points forts, qui sont nombreux, nous avons tout d'abord une réelle expertise en tant que fondateur de la première association et initiateur du concept. Nous sommes très vigilants et nous veillons à ce que le lien entre la personne âgée et le jeune ne soit pas un lien de subordination. Le jeune ne travaille pas au service de la personne âgée, il ne se substitue pas à une infirmière et n'a pas à effectuer des gestes médicaux. Nous avons installé un modèle de communication entre le jeune, le senior et la famille qui nous permet de limiter les risques de dérive. Ce bon lien tripartite peut encore être amélioré.
Notre bureau d'accueil du XIIIe arrondissement est ouvert toute l'année, du lundi au vendredi de dix heures à dix-huit heures, et il reçoit sans rendez-vous l'après-midi. C'est extrêmement rassurant pour les personnes âgées, qui peuvent passer à n'importe quelle heure, mais aussi pour les jeunes, qui peuvent être confrontés au décès de leur hôte. Je pense à une jeune femme qui vient de perdre la personne âgée avec laquelle elle vivait depuis six ans et qui ressent cette perte comme un drame personnel. Nous travaillons avec les psychologues du centre Popincourt qui peuvent recevoir en urgence un jeune qui serait très perturbé.
Notre méthodologie est rodée et réadaptée dès que la moindre faille est décelée. Nous modifions alors les termes de nos chartes, base du contrat passé entre le jeune et le senior. À l'intérieur de son domicile, la personne âgée fait ce qu'elle veut et elle peut accepter que le jeune reçoive toute sa famille ou son copain dans la chambre qui lui est réservée. Le Pari Solidaire et les autres associations du réseau COSI ne peuvent intervenir dans les relations du binôme que pour des questions qui relèvent du respect de la charte.
C'est un travailleur social professionnel qui opère une sélection rigoureuse du senior et du jeune. Il s'assure notamment que l'état de santé du premier lui permet d'accueillir le second et que les caractères vont pouvoir s'accorder : une vielle dame qui fait de la peinture s'entendra sans doute mieux avec une étudiante des beaux-arts qu'avec un scientifique. Lors de la visite de la personne âgée, qui se fait toujours en présence d'un membre de la famille ou d'un référent, on essaie de cerner le profil idéal du jeune. L'accès à nos formules de cohabitation est ouvert à tous les jeunes, qu'ils soient étudiants, actifs ou en recherche d'emploi.
Sollicités par des structures françaises et étrangères, nous avons désormais une activité de conseil. Au Québec, au Japon et en Argentine, des associations sont en train d'adapter notre modèle à leur cadre légal. En Écosse, nous intervenons en tant que consultants pour un projet financé par le Fonds social européen qui vise à favoriser la mobilité des jeunes.
Nous avons inventé la cohabitation intergénérationnelle mais nous ne nous sommes pas limités à cette formule, d'autant que nombre de nos nouveaux adhérents sont très âgés, parfois centenaires, et les décès sont nombreux.
Nous avons également une importante capacité de gestion et de pilotage des projets, des partenariats institutionnels forts, une recherche continue d'amélioration de notre action, une couverture médiatique encore insuffisante mais indéniable qui nous apporte une notoriété y compris à l'étranger.
Les associations du réseau COSI rencontrent néanmoins quelques difficultés. Elles peinent à trouver des financements pérennes leur permettant d'envisager un développement à plus grande échelle tout en continuant à assurer un travail de bonne qualité. Si nous ne pouvons envisager l'embauche d'un salarié supplémentaire qu'à partir d'un seuil de 200 hôtes par exemple, comment faire pour assurer un bon niveau de service lorsque nous n'avons qu'entre 120 et 200 adhérents ? Peut-être la démarche « La France s'engage », portée par le Président de la République, sera-t-elle pour nous une source de financements inattendus ?
Nous avons également des besoins de communication récurrents. Nous avons bénéficié d'une bonne couverture médiatique, mais les pouvoirs publics devraient promouvoir la formule, notamment par des campagnes d'affichage public, à l'instar de ce qu'a fait la mairie de Paris pendant une durée hélas trop brève. L'information n'arrive pas aux oreilles de toutes les personnes qui pourraient en bénéficier ; certaines s'étonnent et regrettent de ne pas avoir découvert notre existence plus tôt.