Si le Maroc et le Portugal sont des terres d'accueil pour les retraités, l'Angleterre ne réserve pas aux jeunes Français un traitement de faveur qui leur permettrait de trouver facilement un emploi ou de monter une entreprise.
Reste que ce sont souvent des profils intéressants. Ils possèdent une culture, même si certains, sortis des grandes écoles, ont l'arrogance des prétendues élites, alors que le diplôme importe moins que les qualités personnelles. Souvent, d'ailleurs, les lauréats des grandes écoles ne s'expatrient pas. En France, ils bénéficient d'emblée d'un ascenseur social et, s'ils savent faire jouer leur réseau, notamment leurs appuis politiques, ils parviendront sans grand effort à se faire nommer à la tête d'une grande banque. Telle n'est pas ma conception de l'entreprenariat, qui exige qu'on se dépasse et qu'on affronte les difficultés.
Pour ma part, j'ai fait des études modestes, puis j'ai fréquenté Harvard et le MIT – Massachusetts Institute of Technology –, où je n'ai pas constaté l'existence d'une diaspora française.
Je ne connais pas de pays qui propose particulièrement d'accueillir les Français, alors qu'il existe en France un brouhaha de personnes qui s'occupent de l'expatriation. Dans chaque conseil municipal, général ou régional, on rencontre de prétendus spécialistes du sujet, qui trouvent ainsi le moyen de voyager à l'étranger. Les services des ambassades se sont améliorés, mais leur action n'est pas déterminante. En revanche, il arrive qu'une entreprise offre un pont d'or à une personne qu'elle considère comme une locomotive. Les cadres dynamiques qui se consacrent corps et âme au développement de leur entreprise trouvent plus facilement des positions intéressantes en dehors de l'Hexagone.
Il y a trente ou quarante ans, on comptait sur les doigts d'une main les Français qui avaient monté des entreprises à l'étranger. Leur nombre a augmenté, ce qui est positif.
Quand j'ai fait des études à l'étranger, il y a plus de cinquante ans, il a fallu que je me batte. Je n'étais pas boursier. Ma femme a fait des ménages. Je n'avais pas la mentalité du boursier qui ne peut pas vivre sans son verre de beaujolais et considère les États-Unis comme un pays de sauvages. Les trois quarts de mes collaborateurs, qui vivent à l'étranger, n'ont d'ailleurs pas cette mentalité. Bien que très américanisé, j'ai toujours eu l'obsession de battre les Américains, qui sont nos seuls concurrents dans le monde. Chaque fois qu'on installait un Mercure, un Novotel, un Sofitel ou un Pullman, au lieu d'un Hilton ou d'un Sheraton sur leur territoire, j'avais le sentiment de remporter une grande victoire. Ce qui m'animait, c'était la présence française, mais je ne suis jamais allé voir un conseil général ou régional ni aucun de ces comités qui fleurissent de toute part.
Ce n'est pas à l'État d'organiser l'expatriation. Mieux vaudrait supprimer tous ces « comités Théodule » dont le seul but est de permettre aux élus de voyager deux fois par an à l'étranger dans des conditions privilégiées.