Intervention de Gérard Pélisson

Réunion du 3 juillet 2014 à 16h15
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Gérard Pélisson, président de l'UFE :

Les 35 heures ont cassé le monde du travail. Leur suppression ne changerait pas grand-chose. Il faudrait une véritable rééducation pour persuader les gens que ceux qui ne travaillent pas ne peuvent pas réussir.

De nos jours, les entrepreneurs sont soumis à des contraintes administratives ahurissantes. J'ai monté le groupe Accor avec un associé un peu anachronique, mais génial dans le domaine de la conception. Il y a trois ans, il a imaginé un nouveau produit : un hôtel à vingt euros la nuit. Pour réussir cette performance, il fallait construire un bâtiment d'une centaine de chambres, pour un investissement de 20 000 à 22 000 euros par chambre, ce qui supposait certaines dérogations aux normes en vigueur.

Une loi a créé de nouvelles contraintes de construction pour les hôtels. Elle a notamment imposé que les personnes handicapées puissent accéder à tous les étages, alors que nous étions prêts à leur consacrer 25 % du rez-de-chaussée. Nous avions même l'accord des pompiers. Ces contraintes absurdes ont porté le prix du projet à 34 000 euros d'investissements par chambre et le prix de la nuitée à 28 euros. De ce fait, la rentabilité est impossible. Pourtant, j'ai constaté que pour des établissements publics, l'application des normes est repoussée de quelques années. La France a pris l'habitude de céder à tous les groupuscules de pression. Quoi qu'il en soit, le projet est pratiquement abandonné. Nous avons ouvert deux hôtels de ce type, et nous n'irons pas plus loin.

Quand on a instauré l'impôt sur les grandes fortunes – IGF –, ceux qui détenaient 25 % de leur société en étaient exonérés, au motif que celle-ci constituait leur outil de travail. Mon ami Serge Kampf, qui a créé Capgemini, n'était pas assujetti à l'IGF, contrairement à son directeur général, qui ne détenait que 15 % des parts. J'ai trouvé en M. Michel Charasse une oreille attentive, ce qui a permis de modifier ce système absurde. Actuellement, les milliardaires, comme MM. Bernard Arnault et François Pinault, payent très peu d'ISF – sans aucun rapport avec leur patrimoine qui est essentiellement constitué des actions des sociétés qu'ils contrôlent et qui sont exemptées d'ISF, ce qui est par ailleurs une bonne chose car ils auraient dû quitter la France. M. Dominique Strauss-Kahn l'a très bien dit : la France est un paradis fiscal pour les milliardaires et un enfer pour les millionnaires.

On n'a jamais vu d'impôt aussi bête ni aussi absurde que l'ISF dans ses modalités, que personne ne remet en cause, ni à gauche ni à droite. La fiscalité française, punitive, n'est pas viable économiquement.

L'incertitude fiscale est dramatique. On constate des changements permanents et des mesures rétroactives, ce qui est exceptionnel dans les autres pays. En France, il arrive au Parlement de voter en septembre une loi qui s'applique dès le 1er janvier de l'année en cours. Les lois fiscales obéissent à des motivations purement idéologiques.

Enfin, avec ses 7 400 articles et ses 3 000 pages, le code du travail est un casse-tête pour les PME. Quand on me demande d'aider des jeunes, je n'ai pas d'autre solution que de les adresser à Bercy. Sans une réforme intelligente, aucun chef d'entreprise à la tête d'une PME ne pourra s'en sortir. Comment peut-on être en règle avec 7 400 articles applicables ? Dans aucun pays au monde, le code du travail n'est aussi pointilleux.

Je suis attaché à la France, et je n'ai pas l'intention d'émigrer pour des raisons fiscales, mais je suis inquiet. Il faudrait sortir de l'idéologie selon laquelle les gens riches ne contribuent pas à l'économie française. Les Français détestent les riches. Cela ne me pose pas de problème, car j'ai commencé pauvre, et je suis devenu riche presque malgré moi. Je pourrais l'être beaucoup plus. J'ai sacrifié mes intérêts personnels pour bâtir une grande société. La fiscalité appauvrit la France. Bercy ne dispose d'aucune statistique fiable à ce sujet. Je me demande à quel moment on pourra briser ce tabou et faire l'inventaire des dégâts causés par notre système d'imposition.

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