Intervention de Laurent Collet-Billon

Réunion du 9 juillet 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Je vous remercie de nous donner cette occasion de nous exprimer sur l'exécution 2013 du budget de la Défense. Comme l'a indiqué le général de Villers, je m'exprimerai sur le programme 146, dont la direction générale de l'armement est coresponsable, et sur le volet du programme 144 qui la concerne, à savoir les études amont et la prospective en matière de technologie de défense.

L'année 2013 a été une année charnière, avec l'élaboration du nouveau Livre blanc et la LPM pour 2014-2019, dans un contexte exigeant de redressement des comptes publics. Le premier semestre a ainsi été marqué par une gestion très prudente et un ralentissement des engagements, afin de préempter le moins possible les choix en cours d'examen dans le cadre de la LPM ; au second semestre, les décisions prises en Conseil de défense ont été mises en oeuvre, avec notamment le début de la renégociation des grands contrats.

Les engagements budgétaires sur le programme 146 ont atteint, en 2013, 9,4 milliards d'euros, en retrait de 3 milliards par rapport aux prévisions du projet de loi de finances, principalement en raison de l'attente de la LPM. En effet, le cadrage des ressources en crédits de paiement sur les années à venir a nécessité, dans la LPM, un certain nombre de décalages, d'étalements voire d'annulations de programmes. Certains contrats prévus en 2013 ont ainsi été retardés, qu'il s'agisse de l'acquisition des avions de transport MRTT ou des bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers – BSAH – pour la marine nationale, des travaux de conception du système de lutte anti-mines du futur – SLAMF –, de l'acquisition de torpilles lourdes du type Artémis ou encore de l'acquisition de missiles Aster 30.

Les paiements du programme se sont élevés à 9,4 milliards d'euros, 42 centimes étant restés en caisse par rapport à la norme autorisée… Le report de charges à la fin de 2013 s'établit à 2,4 milliards d'euros, soit 3,4 mois de retard, avec une dégradation de 300 millions par rapport à 2012 résultant de l'annulation de 650 millions d'euros de crédits en fin d'année.

Hors annulation de crédits, le report aurait donc été amélioré d'environ 350 millions d'euros, ce qui aurait permis l'exécution de la LPM dans les hypothèses prévues. Il s'agit donc d'une nouvelle dégradation, puisque ce report s'établissait à 2 milliards fin 2012. Afin de se prémunir d'une éventuelle rupture de paiement due à l'annulation de crédits de 650 millions d'euros, la DGA a par ailleurs mis en oeuvre, comme en 2012, une gestion optimisée de la ressource au dernier trimestre, en donnant la priorité au paiement des PME – pratique tolérée, bien qu'elle ne soit pas strictement conforme à la réglementation.

Le montant des intérêts moratoires s'est limité en 2013 à 4,8 millions d'euros, soit 0,05 % de la dépense, niveau en baisse par rapport à 2012. Cependant, la diminution dans la loi du délai global de paiement, la disparition des seuils minimums d'intérêts moratoires dans les nouveaux contrats et l'instauration d'une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture en retard contribueront de toute évidence à faire augmenter ces intérêts dans les années à venir.

Pour les études amont, les autorisations d'engagement s'établissent à 708 millions d'euros et les crédits de paiement à 725 millions, ce qui traduit, à quelques euros près, une exécution conforme aux ressources attribuées.

La levée partielle de la réserve a conduit à une diminution des ressources disponibles de 24 millions d'euros, en particulier pour abonder les 30 millions mentionnés par le général de Villiers.

Les résultats obtenus en 2013 en matière de coûts, délais et performances sont globalement satisfaisants, avec des devis maîtrisés – le plafond d'évolution annuelle moyenne des devis à terminaison ayant été fixé à 1,5 %. Les réductions de cibles adoptées dans le cadre de la LPM se traduisent par une décrue de l'indicateur de 1,83 % : c'est là un effet mathématique un peu artificiel, reconnaissons-le ; mais, même si l'on n'en tient pas compte, le résultat reste satisfaisant, avec une augmentation des devis de seulement 0,2 %.

Les délais ont été maîtrisés malgré une dégradation apparente, les mesures de la LPM relatives à l'étalement des programmes ayant porté l'évolution annuelle moyenne des délais de réalisation à 3,8 mois.

La réalisation des principales opérations d'armement est également maîtrisée. L'indicateur de progression s'établit à 75 %, contre un objectif de 85 % ; mais si l'on neutralise l'effet des étalements décidés par la LPM, il atteint 88 %. Le principal écart concerne le taux de livraisons valorisées qui, à près de 81 %, reste en deçà de l'objectif de 85 %, principalement en raison du décalage, en 2014, de la livraison d'un A400M, d'hélicoptères NH90, de systèmes SAMPT et de torpilles MU90.

Les commandes ont été significatives en 2013 avec, pour la fonction stratégique « connaissance et anticipation », 4 400 systèmes de communication radio Contact – postes radio de nouvelle génération de l'armée de terre – et le lancement des travaux de conception préliminaire du programme CERES – capacité de renseignement électromagnétique spatiale – ; pour la fonction stratégique « dissuasion », le marché TRANSOUM, qui permettra la rénovation et le maintien en condition opérationnelle des centres de transmissions pour les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins – SNLE –, et le lancement de la rénovation des Atlantique 2, prioritairement destinés à la lutte contre les sous-marins et les navires de surface ; pour la fonction stratégique « intervention », la notification du marché Rafale F3-R, le lancement du MMP, successeur du MILAN, et la commande de 34 hélicoptères NH90-TTH ; pour la fonction stratégique « protection », l'acquisition de trois bâtiments multi-missions B2M, qui doivent remplacer les navires déployés outre-mer pour protéger les intérêts français et les populations.

En outre, un certain nombre d'acquisitions ont été décidées au titre des urgences opérationnelles, dans le cadre de l'opération Serval au Mali : elles répondent à la nécessité d'interopérabilité des télécommunications, aux nécessités du renseignement – avec un outil projetable de surveillance cybernétique – et à la protection des forces – avec des systèmes de protection additionnels des véhicules terrestres.

Le montant total de ces acquisitions s'est limité à 13 millions d'euros, soit une légère hausse par rapport à 2012 ; mais la DGA et l'état-major des armées restent très vigilants sur le respect des délais pour les urgences opérationnelles comme sur la maîtrise de ces urgences.

L'effort consacré aux études amont a par ailleurs permis d'obtenir les résultats attendus en termes de progression des technologies : on peut notamment citer le succès d'essais à la mer de drones de guerre contre les mines. Nous avons également renforcé nos actions en lien avec des organismes civils, en particulier le ministère de la Recherche.

S'agissant des effectifs, le maintien de nos missions, notamment dans le domaine de la cyberdéfense – où le recrutement d'ingénieurs spécialisés dans les technologies nouvelles s'avère indispensable – ne permet pas de poursuivre une réduction sensible, bien au contraire.

J'en viens au bilan et aux perspectives. La DGA a réalisé une exécution globalement conforme à la loi de finances amendée par les mesures prises pour préparer la LPM, laquelle définit notre nouveau modèle d'armée dans un contexte financier extrêmement contraint ; elle résulte ainsi d'un équilibre délicat, que le changement d'un seul paramètre suffirait à déstabiliser.

Pour ce qui concerne les équipements relevant du programme 146, l'exécution de la LPM nécessitait un report de charges maîtrisé ; tel n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui. La renégociation des grands contrats est quasiment terminée, et se traduit par le respect des flux financiers prévus en LPM. Toute variation de ces flux induirait des contraintes ou des variations complémentaires difficiles à prendre en compte. D'autre part, la LPM est construite sur l'hypothèse d'une exportation du Rafale qui se traduirait par une limitation des commandes passées par l'État. Les conditions seront à vérifier fin 2014.

Enfin, il est nécessaire d'avoir une pleine visibilité sur l'intégralité des ressources de la LPM, y compris sur les ressources exceptionnelles – 500 millions d'euros en 2014, comme l'a rappelé le général de Villiers –, car nos contrats s'exécutent sur toute la période. Cela suppose que ces dernières ressources, encore insuffisantes, soient utilisables : beaucoup de questions restent en cours d'examen à ce propos.

Je terminerai en précisant que la DGA a récemment fait l'objet d'un contrôle sur place des deux commissions parlementaires en charge de la défense.

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