Intervention de Pierre de Villiers

Réunion du 9 juillet 2014 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées :

Je laisserai le délégué général pour l'armement et le contrôleur général des armées répondre aux questions qui les concernent plus précisément.

Sur le moral des troupes, je ne suis pas ici pour vous raconter des sornettes mais pour vous donner une appréciation objective. Nous avons de belles armées, et je suis fier d'être à leur tête. Il ne faut pas confondre les inquiétudes pour l'avenir avec l'engagement en opération. Aujourd'hui, 7 500 soldats participent aux OPEX, et plus de 20 000 sont engagés à l'extérieur de la métropole. Nous pouvons en être fiers, et c'est à juste titre que notre armée est respectée et admirée à travers le monde. Ces soldats font remarquablement leur métier, non seulement en opération mais aussi au quotidien. Nous sommes aussi parvenus à les fidéliser.

Leur moral est par ailleurs très contrasté selon les lieux et les unités. Ceux qui sont engagés en OPEX sont bien équipés, bien entraînés et ils ont un moral de vainqueurs. Nous n'avons jamais eu des soldats d'une telle qualité depuis des dizaines d'années : je ne le dis pas à la légère, et pourrais vous le démontrer.

Pour les personnels confrontés aux réformes, le moral dépend des lieux et des cursus personnels : ils peuvent nourrir des inquiétudes, par exemple, sur le modèle de ressources humaines que nous construisons, les restructurations, l'arrivée de tel ou tel équipement ou les programmations. Le moral n'est pas très bon, notamment, à Paris et en région parisienne ; en tout cas il ne s'améliore pas, car le phénomène n'est pas nouveau. Par le fait, nous enchaînons une deuxième réforme après celle mise en oeuvre en 2007 : à une première déflation de 45 000 postes succède une seconde de 34 000, avec les changements profonds que cela suppose dans les unités et les états-majors parisiens. La fragilité du moral qu'on y constate est une préoccupation quotidienne pour moi, car mon action se fonde tout entière sur les hommes et les femmes des armées.

J'en viens aux économies à réaliser d'ici à la fin du mois de juin. Afin de tenir les objectifs de la LPM, nous avons engagé une réforme profonde, axée sur trente et un chantiers majeurs. Un peu plus de la moitié d'entre eux sont conduits par le chef d'état-major des armées, et les autres par le SGA et le DGA. L'organisation mise en place nous permet de suivre ces chantiers. Le Premier ministre a d'ailleurs déclaré que la Défense ne paierait pas deux fois. La LPM, je le rappelle, implique une décrue de 40 milliards d'euros sur la période 2014-2019 par rapport au précédent Livre blanc, à périmètre comparable. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'il soit difficile de trouver des sources d'économies dans les effectifs.

Les chantiers dont j'ai parlé ne produiront pas tous leurs effets immédiatement : on peut donc s'attendre à un cap difficile en 2015 et 2016. Afin de privilégier les forces, nous cherchons les déflations, à raison des deux tiers, dans leur environnement : la tâche est donc ardue. Des analyses fonctionnelles sont menées afin d'éviter une déstructuration de l'organisation dans son ensemble ; cependant, je ne partage pas le pessimisme qui vient de s'exprimer. Un homme sans souci est proche du désespoir, dit-on ; pour ma part je suis plein d'espérance. Nous tiendrons les objectifs de déflation, j'en suis convaincu, et ce sans compromettre notre organisation, à une condition cependant : que le Livre blanc, la LPM et le projet Cap 2020 respectent le pied de colonne budgétaire. Les REX restent effectivement un point d'attention majeur, avec deux dossiers urgents : les 250 millions d'euros en moins pour 2014 et le 1,5 milliard pour 2015. Il faudra respecter, dans la construction du triennal, le pied de colonne à 31,4 milliards pour 2015 si l'on veut bâtir l'édifice prévu ; en d'autres termes, toute la LPM, rien que la LPM. La copie générale est cohérente, mais la cohérence n'implique pas l'absence de difficultés. Cette copie, il faut donc la défendre, en restant vigilant sur les difficultés.

Le surcoût des OPEX atteindra quelque 775 millions d'euros, même si l'expérience des années antérieures m'incite à la prudence, car nous ne sommes qu'à la moitié de l'année. La déflation des effectifs sera plus lente que prévu au Mali et en RCA. Le socle de 450 millions avait été prévu en fonction d'une moyenne annuelle ; il faudra compenser le surplus d'une manière ou d'une autre. C'est là l'enjeu du traditionnel calcul de fin de gestion : outre les 250 millions d'euros de REX, des crédits sont encore gelés et le report de charges se monte à 3,45 milliards.

J'appelle bien entendu de mes voeux l'aide européenne pour les OPEX et leur non-intégration dans le calcul du déficit. La LPM est en effet taillée au plus juste en ce domaine ; aussi la coopération internationale, qu'elle soit bilatérale ou multilatérale, qu'elle vienne de l'OTAN ou de l'Union européenne – comme à Koulikoro au Mali –, est-elle nécessaire. Tout ce qui est source d'économies est naturellement bon à prendre. Quoi qu'il en soit, pour répondre directement à une question qui m'a été posée, à ce jour, je n'ai pas eu à annoncer aux autorités politiques qu'une mission était abandonnée faute de moyens.

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