Intervention de Denis Piveteau

Réunion du 8 juillet 2014 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Denis Piveteau, conseiller d'état, ancien directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, CNSA :

Merci de votre accueil.

La prudence m'a conduit à envisager de décliner votre invitation : j'ai en effet quitté mes fonctions de directeur de la Caisse il y a six ans ; entre-temps, presque deux mandats complets de directeur se sont écoulés et je n'ai pas voulu me mêler des affaires de celle-ci, ce qui aurait été déplacé à l'égard de mes successeurs. Reste que certaines intuitions de départ me semblent toujours valables et que j'ai remis il y a une quinzaine de jours à la ministre des affaires sociales un rapport traitant des besoins des personnes handicapées.

La CNSA constitue à mon sens un quatrième pied complémentaire au service de l'administration centrale, qui définit les politiques, des autorités politiques locales – aujourd'hui, les conseils généraux, qui disposent d'une marge d'initiative encore insuffisamment exploitée selon moi – et des organismes de mise en oeuvre comme les agences régionales de santé (ARS) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ces trois pôles de responsabilité ont en effet besoin de cette institution pour une assistance à la maîtrise d'ouvrage – aussi bien s'agissant de l'État que des conseils généraux – et un appui à la mise en oeuvre – vis-à-vis des ARS comme des MDPH.

Dès le début, dans l'organisation administrative de la CNSA, il existait deux volets complémentaires : un premier portant sur l'aide directe à la personne, avec une direction de la compensation, et un second traitant du financement des structures, avec la direction des établissements et services médico-sociaux (ESMS). Cette distinction a d'ailleurs toujours prévalu dans la définition des politiques publiques. Dans un cas, il s'agit de répartir des concours nationaux entre des prestations individuelles et de conforter les outils d'évaluation des besoins, dans l'autre, de redistribuer des enveloppes relevant essentiellement de l'assurance maladie et, accessoirement, des crédits propres de formation ou issus d'une fraction de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA).

Or ces deux volets doivent évoluer si l'on veut éviter des ruptures de parcours des personnes handicapées, notamment dans le champ de l'autisme. Mon rapport fait plusieurs propositions à cet égard.

S'agissant de l'aide à la personne, il faut aller vers des procédures de réponses accompagnées, autrement dit un processus d'orientation permanent pour accompagner au mieux les personnes compte tenu des moyens disponibles sur le terrain et de la lourdeur du handicap. Cela implique, pour les MDPH, à la fois une décision fixant ce qui est souhaitable et autant de plans d'accompagnement nécessaires pour établir ce qui est possible.

Cela suppose de modifier en profondeur le travail de ces instances, pour qu'elles sachent gérer, non pas des files d'attente dans les établissements, mais des situations d'attente, qui sont la mesure de l'écart entre le possible et le souhaitable. La CNSA a, à cet égard, un rôle très important à jouer d'appui à la mise en oeuvre d'un mode de travail radicalement différent au sein du réseau des MDPH, dont elle est en quelque sorte l'animatrice.

S'agissant de l'organisation de l'offre, il faut passer d'une logique de places à une logique de réponse, ce qui suppose de s'interroger, non seulement sur la place en établissement, mais aussi sur la formation des personnels, l'analyse des pratiques, les outils de supervision, les modes de management ou les aides à l'investissement dans l'établissement. Cela implique d'examiner les procédures selon lesquelles l'accès à l'établissement est organisé : les protocoles de travail relatifs à un hébergement temporaire doivent ainsi être mis en place en même temps que celui-ci est ouvert. Face à des situations complexes, il est nécessaire de disposer d'appuis experts dans le champ médico-social comme dans le champ sanitaire. Il s'agit de pouvoir proposer une réponse multidimensionnelle, modulaire et évolutive et, là encore, la CNSA est bien placée pour accompagner les conseils généraux et les ARS dans la gestion de l'offre des établissements.

Il faut beaucoup plus de flexibilité dans l'offre d'établissements et de services, ce qui justifie une capacité de réaction d'une agence de ce type, en mesure d'appuyer la définition des stratégies et la mise en réseau des acteurs pour la maîtrise d'oeuvre. L'assistance à maîtrise d'ouvrage peut porter sur l'appui à l'évolution des appels à projets, la recherche, les conventions globales de qualité de service avec les MDPH, et la maîtrise d'oeuvre, sur la méthodologie d'indicateurs ou les fonds d'intervention notamment.

Dans une logique de construction de réponses accompagnées autour des personnes, une agence du type de la CNSA me paraît indispensable sur trois points : les systèmes d'information, les enjeux de formation de tout ordre et les outils d'évaluation. Il y a aujourd'hui, aussi bien en termes de qualité de service au sein des MDPH que de conditions de financement, un important travail à faire de réflexion et de mise en partage d'un bon tableau de bord d'indicateurs, qui puisse être représentatif de ce qui est attendu par les usagers et mobilisateur pour les équipes accompagnant les personnes handicapées.

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