Vous parlez d’un renforcement des pouvoirs de l’État avant de nous dire comment ils seront renforcés, où et pour quoi faire. En réalité, nous travaillons à l’aveuglette avec une méthode dont le seul caractère n’est pas tant la cohérence que l’erratisme.
D’une certaine manière, les régions basculent d’un jour à l’autre d’un territoire à l’autre et d’un regroupement à l’autre au gré non de votre « cohérence initiale », monsieur le ministre – je la cherche encore – mais de l’évolution des rapports de force internes au seul Parti socialiste.
La réalité de cette préparation, c’est celle-ci. Au bout du compte, hors en s’asseyant sur la complexité interne propre à votre famille politique, il n’est pas possible de déceler la moindre cohérence dans ce projet.
Quant à la force économique des régions, monsieur le ministre, permettez-moi d’en douter.
Votre pétition de principe, c’est que de grosses régions sont de meilleurs intervenants économiques que des petites. Pour le prouver, vous vous appuyez sur l’exemple des pays voisins, comme s’ils ne comptaient pas en leur sein des régions plus petites qui constituent pourtant de véritables intervenants économiques de poids.
Là encore, cela a été rappelé : la taille ne fait rien à l’affaire. C’est bien l’articulation intelligente entre les collectivités, quelle que soit leur taille, l’attention de l’État aux décisions des élus et à leurs projets, la capacité d’écoute des assemblées régionales actuelles aux territoires tels qu’ils sont constitués aujourd’hui, qui font le dynamisme économique d’une région et d’un territoire, et pas simplement le fait de regrouper artificiellement et arbitrairement des territoires qui, parfois, n’ont rien à voir entre eux, hors leur proximité.
Cette articulation, monsieur le ministre, ne figure que d’une manière dans votre projet : la juxtaposition de territoires existants. C’est cela qui constitue le coeur de votre réforme.
Votre conception de l’efficacité ne repose pas sur l’attention réciproque des territoires les uns à l’égard des autres mais sur la volonté d’un alignement sur le modèle européen.
J’en profite pour dire que cette espèce de frénésie d’alignement sur ce que font nos voisins est curieuse : en effet, la tradition française – M. de Rugy l’a très bien rappelé tout à l’heure – est fondée sur le régime issu de la Révolution articulant l’organisation territoriale sur le triptyque commune, département, État. Nous sommes en train, paraît-il, de passer à une autre organisation : intercommunalité, région, Europe.
Je ne suis pas réputé pour avoir des accointances fédéralistes prononcées et c’est pourquoi le modèle qui se profile ne me convient pas tout à fait, c’est peu de le dire.