En réalité, la réforme que souhaiterait la population n’est probablement pas celle que vous proposez. Les conséquences de votre texte sont prévisibles : en premier lieu, une recentralisation régionale, cela a déjà été largement évoqué, perceptible dans ce texte et dans celui qui le suivra – et dont nous eussions préféré qu’il le précédât. Vous nous annoncez qu’à cette recentralisation politique régionale s’ajoutera une recentralisation administrative départementale. Moi qui vis dans un territoire rural, je puis vous dire que, cher Hervé Gaymard, que, même pour les territoires situés près d’une métropole, il y a tout à craindre d’une telle mécanique.
Votre réforme telle qu’actuellement proposée – je ne fais pas de procès d’intention sur la suite, que nous ne connaissons pas, et sans doute pour partie, vous non plus d’ailleurs ! – provoquera à l’évidence un affaiblissement de l’État. Comment pouvez-vous imaginer de constituer des territoires aussi importants que les régions que vous proposez sans avoir parallèlement recentré l’État sur des compétences essentielles ? Comment pouvez-vous imaginer de nous demander d’adopter une telle carte des régions sans avoir reconfiguré les relations entre ces territoires et l’État, en tant qu’acteur des politiques territoriales mais pas seulement ? Il y a là une incohérence qui enclenchera mécaniquement un affaiblissement.
Une autre conséquence de votre texte sera l’éloignement des centres de décision. C’est évident. Allez expliquer à un Belfortain – ce territoire m’est cher – qu’il devra aller partager une parcelle de décision avec quelqu’un qui se trouve à quatre cents kilomètres de chez lui ! Même s’il existe un bon réseau de communications entre Nevers et Belfort, tous les Belfortains ne vont pas à Nevers tous les jours, non plus que la réciproque. Le schéma que vous nous proposez ne repose sur aucun principe cohérent d’organisation territoriale. Il ne s’articule pas même autour des métropoles dont vous avez vous-même déterminé le statut, le complexifiant d’ailleurs à loisir. Vous avez inventé des statuts différents pour les territoires mais n’allez même pas au bout de votre propre logique : voilà ce qui est incompréhensible.
Je tiens à vous rassurer, monsieur de Rugy : des propositions ont été faites au sein du groupe UMP sur l’article premier ; elles se situent dans la logique développée par le Gouvernement, que nous prenons en définitive à sa propre incohérence. Puisqu’il souhaite organiser de grandes régions, qu’il le fasse vraiment, et avec une organisation territoriale cohérente, donnant vraiment aux régions le moyen d’entrer dans la compétition mondiale, puisque c’est ce qu’il prétend vouloir !