Intervention de Geoffroy Roux de Bézieux

Réunion du 10 juillet 2014 à 11h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du MEDEF :

Le MEDEF est évidemment favorable à toute évaluation des dispositifs. Néanmoins, comme vous l'avez indiqué, le CICE commence à peine à faire sentir ses effets sur les comptes des entreprises et en tout cas, pour beaucoup d'entre elles, pas encore sur leurs comptes en banque. Dans le monde des TPE et des PME, et surtout dans la période de tension extrême que nous vivons, on raisonne principalement en cash. Pour de nombreuses entreprises, le CICE ne sera effectif en trésorerie que dans trois ans, ce qui influe sur sa perception.

Il n'en reste pas moins que nous soutenons le dispositif. Même s'il faut prendre en compte l'évolution d'ensemble des prélèvements obligatoires depuis trois ans, il est de très grande ampleur. Il approche sans doute les 20 milliards d'euros, mais nous attendons un chiffrage plus précis de la part de Bercy. Il va donc dans la bonne direction, celle qu'indiquait le rapport Gallois, et contribue à restaurer les marges, notamment dans les entreprises où le coût du travail pèse de façon importante.

S'il est trop tôt pour dresser un bilan, on peut néanmoins signaler que les comptes d'exploitation des TPE et PME font plus ressortir les prélèvements fiscaux globaux que le coût du travail. L'approche du CICE par les grandes entreprises et les ETI est plus analytique. Cela dit, les montants de prélèvements obligatoires sont relativement fongibles dans les comptes d'une entreprise. Celle que je dirige enregistrera quelque 115 000 euros de CICE – le salaire moyen dans le secteur des télécommunications est relativement élevé – pour un peu moins de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires et 12,5 millions de masse salariale. Dès lors, la discussion menée il y a quelques semaines en comité d'entreprises a été rapide : la somme n'aura pas d'utilisation définie, elle servira seulement à restaurer une petite part de notre marge.

Alors que des critiques contre sa complexité apparente s'étaient élevées y compris au sein des organisations patronales, les remontées de nos adhérents montrent que le dispositif s'avère assez simple à utiliser. Les demandes d'avance à la Banque publique d'investissement (BPI) fonctionnent plutôt bien, même si celle-ci a mis un peu de temps à se mettre en ordre de marche.

Dans les PME cependant, la crainte psychologique du contrôle du fisc ou de l'URSSAF demeure, bien qu'elle soit en l'occurrence injustifiée.

Peu d'entreprises font appel au préfinancement, ce qui s'explique mal étant donné les tensions sur les trésoreries. Celles qui le font ne rencontrent pas de problèmes particuliers.

Le Trésor public verse assez rapidement les remboursements de CICE. À l'inverse, on nous signale de nombreux retards dans les remboursements de TVA et de crédit d'impôt recherche (CIR). Il s'agit peut-être d'une conséquence de la mobilisation des effectifs des services fiscaux autour du CICE.

Comme le montrent les études d'intention, les usages du dispositif sont très variés : reconstitution de trésorerie, investissement, augmentations de salaires… Tout dépend de la situation de l'entreprise, de sa taille, de son secteur. Il est donc difficile de tirer des conclusions. Mais la position du MEDEF est claire : tout fléchage coercitif, ex post ou ex ante, de l'utilisation du CICE serait totalement contre-productif, tant les situations des entreprises sont variées.

Sans méconnaître les polémiques au sujet de la grande distribution, de La Poste, etc., nous considérons qu'il serait très difficile de détourer l'outil pour le mettre plus encore au service des secteurs exposés à la concurrence internationale. Il y a certes quelques « effets de bord » indésirables, mais chercher à restreindre le dispositif aux sociétés exportatrices serait s'exposer à des effets pervers inverses. Dans l'automobile, par exemple, les multiples sous-traitants ne sont pas eux-mêmes exportateurs alors que leurs donneurs d'ordre le sont, et les mettent en concurrence avec des fournisseurs situés partout en Europe. De même, un fournisseur de solutions de centres d'appels n'est pas lui-même exportateur, ce qui ne l'empêche pas d'être soumis à la concurrence des centres d'appels offshore. Dans cette industrie où la main-d'oeuvre représente 70 % du prix de revient, une baisse de 6 % du coût du travail a un impact significatif.

On nous a également signalé un effet pervers sur certains contrats en cours, notamment ceux qui ont été passés avec la puissance publique : du fait de l'introduction du CICE, les prix sont revus à la baisse, ce qui entraîne la perte du gain sur les marges.

J'évoquerai pour terminer les discussions avec les instances représentatives du personnel, qui se déroulent de façon plutôt satisfaisante. Le dispositif ouvre un débat sur la compétitivité de l'entreprise et le coût du travail. Cette transformation du dialogue social en dialogue économique nous semble aller dans le bon sens.

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