Intervention de François Soulmagnon

Réunion du 10 juillet 2014 à 11h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

François Soulmagnon, directeur général de l'Association française des entreprises privées, AFEP :

Si les entreprises ont accueilli favorablement le CICE, c'est qu'il s'agissait pour elles, après le rapport Gallois, d'un premier pas allant dans le bon sens. La question de la compétitivité et du coût du travail était enfin prise en compte.

Le pacte de responsabilité et de solidarité poursuit le même objectif avec des moyens différents, ce qui compliquera les évaluations : lorsqu'il existe plusieurs outils, il devient difficile de déterminer lequel produit tel effet.

Il nous a néanmoins semblé de bonne méthode d'interroger nos entreprises pour recueillir une appréciation préliminaire.

Des soixante-deux réponses que nous avons obtenues, il ressort que le temps de mise en oeuvre est une des limites du dispositif. L'astuce budgétaire de départ, qui visait à faire apparaître dès 2013 l'effet du CICE dans les comptes des entreprises, a largement manqué son but faute de confiance. Dans les faits, les premiers versements ont lieu cette année et les grandes entreprises n'en bénéficieront que dans trois ans. Les décisions seront donc prises au mieux cette année, et ne porteront leurs effets que les années suivantes.

La deuxième limite du dispositif réside dans son articulation avec les politiques économiques menées depuis plusieurs années. L'augmentation des prélèvements depuis 2011 occulte une grande partie de l'effet positif du CICE, cinq entreprises interrogées estimant même qu'elle lui est supérieure. L'annualisation de la réduction Fillon, le versement transport, les dispositions relatives aux cotisations vieillesse viennent brouiller encore plus le message en matière de prélèvements sociaux. Quant à la fiscalité, elle a continué à augmenter jusqu'à cette année, avec la prorogation de la contribution exceptionnelle sur l'IS.

Une troisième série de critiques porte sur l'absence de ciblage du dispositif. Pour 21 % des entreprises qui nous ont répondu, l'effet du CICE est inférieur à 1 % de la masse salariale ; pour 40 % d'entre elles, il est compris entre 1 et 2 % ; pour 24 %, entre 2 et 3 % ; pour 14 %, il est supérieur à 3 %. Dans l'industrie, l'effet est encore plus limité : inférieur à 1 % pour 20 % des entreprises, entre 1 et 2 % pour 54 % d'entre elles. Le CICE apparaît, dès lors, comme un outil parmi d'autres.

Je veux aussi souligner l'ambiguïté d'un dispositif visant à abaisser le coût du travail par un crédit d'impôt sur l'IS, alors que l'articulation entre coût du travail et impôt est loin d'être directe. Les filiales françaises de groupes étrangers ont du mal à expliquer cela à leurs maisons mères !

Autre ambiguïté, la commission des finances de l'Assemblée nationale constate une baisse du rendement net de l'IS en raison notamment de l'effet du CICE. Cependant, le CICE n'est pas une niche à proprement parler : c'est un moyen de paiement de l'IS. Et l'on ne saurait le comptabiliser deux fois, une fois sous forme de baisse d'IS, une fois sous forme de baisse du coût de travail. Les entreprises, d'ailleurs, ont souvent du mal à l'envisager sous ce second aspect.

Au plan macroéconomique, le CICE produit deux effets : d'abord, comme l'a relevé l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), sur le redressement des taux de marges, auquel il contribuerait à hauteur de 1,1 point au début de 2014 ; ensuite sur l'indice du coût du travail. Celui-ci présente une courbe en U, ce qui semble démontrer que le CICE creuse une « poche » temporaire, mais que l'effet salaire poursuivra ensuite sa trajectoire haussière supérieure à l'évolution de la productivité dans les grandes entreprises. Si cette hypothèse se vérifiait, cela signifierait qu'une partie du CICE est bien recyclée en salaires.

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