Je vais vous présenter brièvement les principaux points de ce rapport d'information, avant d'aborder plus longuement les recommandations proposées.
En 2012, la France comptait 15 millions de personnes âgées de 60 ans et plus, et ce chiffre devrait atteindre 24 millions en 2060, même si cela reste à confirmer. Si c'était le cas, ce vieillissement de la population peut être considéré comme une chance, mais aussi un formidable défi collectif ! La première partie de mon rapport montre la place centrale des femmes dans cette « révolution de l'âge » qui s'annonce, ce qui justifie pleinement la saisine de notre délégation sur ce texte.
Il existe tout d'abord, des différences sexuées en matière de vieillissement, qui doivent être prises en compte. De fait, les femmes sont plus concernées par le vieillissement et, corrélativement, par la solitude et la perte d'autonomie. Avec une espérance de vie parmi les plus élevées en Europe – 84,8 ans contre 78,2 ans pour les hommes en 2012 –, les femmes sont en effet surreprésentées dans la population âgée ; en 2010, elles représentaient par exemple 70 % des 85-94 ans. Or le risque de dépendance augmente fortement avec l'âge, comme nous pouvons tous le constater. Par ailleurs, à un âge donné, la prévalence de la dépendance est toujours supérieure chez les femmes : à 85 ans, 23 % des femmes sont dépendantes, contre 15 % des hommes.
Les femmes sont aussi plus souvent confrontées à des problèmes de santé et des incapacités dans la vie quotidienne. Leur espérance de vie étant plus longue, elles passent plus d'années en mauvaise santé que les hommes. Ainsi, lorsque l'on considère l'espérance de vie en bonne santé, l'écart entre les femmes et les hommes n'est plus que d'un an et demi.
Pour toutes ces raisons, les femmes représentent les trois quarts des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). De même, au moins 75 % des résidents dans les établissements pour personnes âgées, et peut-être un peu plus, sont des femmes.
Les femmes âgées sont aussi plus souvent dans des situations de précarité et cette situation reflète les inégalités qui se sont construites au fil du temps. Comme l'a souvent rappelé la délégation, les niveaux de pension de droits propres des femmes restent très inférieurs à ceux des hommes. Je rappelle qu'en 2008, cela représentait 879 euros par mois, contre 1 657 euros pour les hommes. S'agissant du minimum vieillesse, 57 % des bénéficiaires étaient des femmes à la fin de l'année 2010.
Par ailleurs, le taux de pauvreté des femmes âgées de plus de 75 ans dépasse de plus de cinq points celui des hommes, soit 14,1 %, contre 8,9 % pour les hommes en 2010. Cette plus grande précarité des femmes est le reflet des inégalités accumulées au fil du temps, du fait de parcours professionnels interrompus par les maternités, d'une plus grande implication dans les responsabilités familiales mais aussi d'une ségrégation professionnelle et d'écarts salariaux persistants. Pour lutter contre la précarité des femmes âgées, il est donc essentiel de déployer une politique volontariste en matière d'égalité professionnelle, ce à quoi contribueront les différentes actions engagées depuis 2012 dans ce domaine.
Les femmes sont aussi très présentes dans l'accompagnement des personnes âgées, que ce soit à titre professionnel ou auprès de leurs proches.
En effet, les femmes représentent une écrasante majorité des salariés dans le secteur de l'aide à domicile, soit plus de 97 %, avec une proportion importante de temps partiel (70 % environ) et des métiers peu valorisés. Il y a là une ségrégation professionnelle, autrement dit des « parois de verre », avec la quasi-absence d'hommes dans ce secteur – je n'en connais d'ailleurs pas personnellement. Cela s'inscrit dans le cadre d'une forme d'assignation des femmes au travail domestique, qu'il s'agisse des tâches ménagères ou des soins aux ascendants et descendants.
Il en va de même pour les aidants familiaux, qui comptent une proportion plus importante de femmes, même si les données sexuées mériteraient clairement d'être actualisées et affinées dans ce domaine. Par ailleurs, lorsqu'ils aident, hommes et femmes n'apportent pas le même soutien. Or pour ces femmes, le rôle d'aidant n'est pas sans conséquences sur leur vie sociale mais aussi leur santé. Et cela peut également induire des difficultés d'articulation entre travail et vie personnelle, voire entraîner leur retrait du marché du travail.
Au-delà des questions en lien avec la perte d'autonomie, je voudrais souligner enfin le rôle essentiel des aînés dans la société, comme en témoignent par exemple l'engagement des seniors dans le bénévolat ou encore l'aide apportée par les grands-parents à leurs enfants actifs. Il y a là aussi, plus largement, des enjeux en termes de développement des solidarités intergénérationnelles, de transmission des savoirs et des compétences et de renforcement de la cohésion sociale. L'allongement de la durée de la vie représente par ailleurs une opportunité économique et un levier de croissance, avec la création d'emplois et le développement de la silver economy et des gérontechnologies notamment.
Autrement dit, le regard sur le vieillissement doit évoluer, parce qu'il s'agit d'abord d'une chance de progrès social et d'une opportunité de mobilisation collective, citoyenne et solidaire, en portant un modèle de société plus fraternelle et humaniste. Et cela suppose notamment d'envisager très largement ces questions, bien au-delà de la « dépendance », pour mieux adapter la société au vieillissement de la population.
C'est précisément l'objet de ce projet de loi qui, dès son intitulé, annonce le changement de perspective opéré, en embrassant toutes les dimensions de l'avancée en âge, avec le souci de prendre en compte la question du vieillissement dans l'ensemble des politiques publiques.
Sans revenir sur les différentes et nombreuses avancées prévues par cette réforme majeure, en particulier pour les femmes, qui sont présentées dans la seconde partie de ce rapport d'information, je vous propose dès à présent d'examiner ensemble les différentes recommandations proposées, qui sont fondées sur trois orientations stratégiques :
– renforcer la prévention et mieux prendre en compte la question du vieillissement dans les politiques publiques (recommandations n° 1 à 4) :
– améliorer la prise en charge des personnes en perte d'autonomie, soutenir et valoriser les aidant-e-s (recommandations n° 5 à 11) ;
– mieux prendre en compte la dimension sexuée dans le pilotage et la gouvernance des politiques (recommandations n° 12 à 16).
Les deux premières recommandations visent à instaurer un bilan médical systématique des séniors au moment du départ à la retraite et à améliorer le dépistage de l'ostéoporose.