Intervention de Cécile Pendaries

Réunion du 10 juillet 2014 à 9h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Cécile Pendaries, sous-directrice « Affaires juridiques, politique de la concurrence et de la consommation », de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF :

Nos services ont reçu cinq plaintes d'entreprises relatives à ce qu'on a appelé le « racket au CICE » – dont deux concernaient le secteur du travail temporaire –, dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Réunion, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Rhône-Alpes. Après analyse, nos services n'ont pas trouvé matière à poursuivre pour des faits de comportement abusifs. Au-delà, nous n'avons pas constaté de pratique généralisée du « racket au CICE », contrairement à ce qu'ont laissé entendre certains articles de presse.

En effet, soit les entreprises étaient conscientes que de tels abus étaient sanctionnés par le code de commerce et donc passibles de poursuites par nos services, soit des demandes ont été faites de rétrocession du bénéfice du crédit d'impôt, qui peuvent être formulées dans le cadre de la négociation du contrat sans qu'il s'agisse d'une infraction : demander une réduction de prix peut faire partie de la discussion entre deux entreprises du fait que l'une d'elles peut bénéficier d'un crédit d'impôt.

La DGCCRF dispose d'équipes d'enquêteurs au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Ces enquêteurs ont l'habitude de recevoir des informations des entreprises qui n'hésitent pas à faire des signalements anonymes lorsqu'elles craignent des représailles de leurs partenaires commerciaux. Aussi les entreprises potentiellement victimes ont-elles les moyens de se plaindre, directement de manière anonyme ou via leurs fédérations.

Reste le cas particulier du travail temporaire, la question étant de savoir qui, de l'entreprise de travail temporaire ou de l'entreprise qui a recours aux intérimaires, doit bénéficier des réductions d'impôt. Au-delà du seul CICE, ce point ressurgit à chaque fois qu'apparaît une réduction d'impôt, au point de faire parfois l'objet d'un véritable bras de fer. En 2009, le Conseil de la concurrence a sanctionné une entente entre plusieurs sociétés de travail temporaire ayant eu pour effet de confisquer à leur profit tous les allègements de charges sociales prévus dans le cadre des « réductions Fillon ». La Cour de cassation a donné un avis sur le sujet le 3 mars 2014, rappelant qu'aux termes du code de la sécurité sociale, la part des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, qui incombe à l'employeur, reste exclusivement à sa charge.

Reste que le principe reste celui de la libre négociation commerciale. Nos services sont chargés de repérer les abus qui conduiraient une des parties à accepter contre son gré de rétrocéder une partie du crédit d'impôt, donc de réduire ses prix sous la menace d'un déréférencement ou de pressions mettant en jeu la poursuite de la relation commerciale. Mais une entreprise qui bénéficie du CICE peut évidemment accorder des réductions de prix à son entreprise partenaire.

Se pose également, mais cela ne relève pas à proprement parler de nos attributions, le problème des incidences du CICE sur l'indexation des contrats de marchés publics dans le cadre des contrats de délégation de service public (DSP) dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. L'inclusion du CICE dans l'indice du coût horaire du travail établi par l'INSEE – indice retenu par les parties pour fixer les tarifs des contrats – a eu pour effet de diminuer les rémunérations. La direction juridique de Bercy vous donnera davantage d'éléments que la DGCCRF sur ce point. Pour contourner cette difficulté, l'INSEE a publié un indice hors CICE.

Le code de commerce prévoit un dispositif assez complet permettant au ministre de l'économie d'assigner devant les tribunaux de commerce une entreprise auteur de pratiques abusives. Il peut en réclamer la cessation et, éventuellement, exiger la restitution des sommes indûment perçues. C'est la DGCCRF qui est chargée de ces dossiers à la suite des contrôles effectués dans les régions ; elle prépare les assignations et suit les contentieux devant les tribunaux de commerce et devant la Cour d'appel de Paris. La loi relative à la consommation donne la possibilité aux agents chargés de ces contrôles de délivrer des injonctions pour demander la cessation des agissements incriminés.

Dès que nous avons été informés d'abus, un travail important de sensibilisation a été mené pour alerter les entreprises sur le fait que si elles ne souhaitaient pas renégocier le prix du contrat, elles devaient dénoncer ce genre de pratiques soit auprès des agents des DIRECCTE, soit en ligne sur le site de la DGCCRF, soit auprès de la médiation interentreprises. On peut penser que ce dispositif, sur lequel nous avons largement communiqué auprès des fédérations comme des entreprises, a porté ses fruits et conduit des entreprises enclines à se laisser aller à des comportements répréhensibles à y renoncer. Pour l'heure, nous n'avons pas eu de nouveaux signalements sur des demandes abusives de rétrocession du bénéfice du CICE.

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