Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 15 juillet 2014 à 14h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Mongin, candidat à la présidente de la RATP :

C'est un grand honneur pour le serviteur de l'État que je suis d'être devant vous, sur la proposition du Président de la République, pour solliciter votre accord sur la poursuite de ma mission à la tête de la RATP.

Le 18 juin dernier, je suis venu en effet vous présenter les résultats de l'entreprise et le bilan de mon action.

Je rappelle que, premièrement, l'entreprise est économiquement en bonne santé : le chiffre d'affaires a augmenté de 22 % depuis 2006 et, dans le même temps, le résultat net a été multiplié par 6,5. Nous avons la meilleure rentabilité du secteur en Europe et des investissements à un niveau historiquement haut – dépassant 1,5 milliard d'euros par an – pour moderniser les infrastructures franciliennes, tout en maîtrisant la dette.

Deuxièmement, notre stratégie d'investissement, de modernisation, mais aussi le service rendu à nos voyageurs sont largement formatés par notre contractualisation avec le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) qui nous assigne des objectifs précis auxquels nous répondons avec enthousiasme.

Troisièmement, le pilotage de la RATP, relayé par un management de grande qualité, s'appuie sur un dialogue social permanent, loyal et constructif. Ma conviction est qu'on ne peut pas changer en profondeur une grande entreprise publique sans associer et faire adhérer ses salariés.

Voilà pour le diagnostic, mais aussi pour le projet car poursuivre la maîtrise de la dette et respecter les fondamentaux économiques de l'entreprise avec le plan d'entreprise « Vision 2020 » doivent rester notre impératif quotidien. De plus, réussir tous les jours à transporter 11 millions de passagers est un défi permanent et continuer de moderniser l'entreprise est indispensable pour préparer la RATP à la concurrence et mettre ses atouts au service du développement international de notre pays.

Je souhaiterais évoquer les défis qui sont encore devant nous et que nous allons relever avec les 55 000 collaborateurs du groupe. J'en vois trois principaux.

D'abord, la satisfaction de nos clients. Or satisfaire le client, c'est d'abord lui proposer une offre supplémentaire dans une région Île-de-France où nous n'avons pas encore la capacité de transport nécessaire. Cela implique plus de places dans les RER, métros et bus avec des matériels plus capacitaires – c'est ce que nous faisons sur la ligne A en mettant des trains à deux étages – ou des fréquences accrues – sur la ligne 14, nous avons réduit l'intervalle à 85 secondes en heure de pointe. En huit ans, nous avons ainsi accru de 20 % notre offre disponible.

Mais satisfaire le client, c'est aussi fournir un service plus attentionné, avec une plus grande régularité et une information des voyageurs fiable et personnalisée.

Tout cela sera au coeur de la négociation que nous allons ouvrir prochainement avec notre autorité organisatrice, le STIF, pour nous doter d'un nouveau contrat quadriennal.

Or nous savons que des contraintes financières plus importantes vont peser sur les collectivités locales qui financent le STIF. Plus de contraintes signifiera plus de sélectivité et encore plus de vigilance pour l'opérateur-mainteneur que nous sommes. Et ce, d'autant plus que ni le STIF, ni nous, n'ont achevé le travail pour mieux desservir les territoires de la périphérie de l'Île-de-France qui restent le parent pauvre du transport public, même si, depuis que je suis à la RATP, nous avons renforcé l'offre de bus, inauguré quatre nouveaux tramways, prolongé deux autres et en mettrons encore deux nouveaux en service cette année. Ce contrat devra bien sûr refléter les arbitrages des élus, en s'appuyant sur notre expertise et notre savoir-faire pour trouver des solutions gagnant-gagnant. Je suis persuadé que nous y parviendrons.

Nous concilierons cette exigence croissante et des conditions de mise en oeuvre réellement motivantes pour nos salariés. Ma priorité en tant que chef d'entreprise, c'est en effet de veiller constamment à la qualité de la vie au travail des salariés, surtout dans une entreprise qui évolue aussi vite.

Malgré un contexte financier plus difficile, je serai toujours inflexible sur la question de la sécurité ferroviaire. C'est le socle de la culture de la RATP, qui se traduit par un très haut niveau de maintenance et de suivi, assuré notamment par notre gestionnaire d'infrastructures interne.

Dans le contrat précédent, nous avons réussi, avec le STIF, grâce à des cofinancements, à mobiliser 6,5 milliards d'euros en quatre ans pour accroître l'offre et moderniser le réseau. J'estime les besoins pour continuer cette action à un montant comparable d'ici 2019. Notre négociation avec le STIF devra permettre d'y parvenir sans aggraver la dette de la RATP.

La modernisation du métro, inscrite dans notre programme « Métro 2030 », doit se poursuivre, avec par exemple l'automatisation de la ligne 4, le remplacement des trains de la ligne 14, les prolongements de la ligne 12 et des lignes 11 et 4, qui seront, elles, reliées au métro du Grand Paris Express.

À ce stade, je voudrais juste mentionner deux priorités. D'une part, la ligne 13 qui, malgré des investissements de plus de 250 millions d'euros depuis mon arrivée à la RATP, n'a pas encore atteint l'optimum – elle sera heureusement dé-saturée par le prolongement de la ligne 14 vers le nord. D'autre part, les RER A et B, pour lesquels une modernisation sans précédent est lancée avec le STIF dans le cadre de schémas directeurs d'investissement – avec, par exemple, immédiatement un chantier de pilotage automatique des trains à l'intérieur du corps central de la ligne A –, verront leur trafic s'améliorer. D'autant que sont prévues une unification de l'information voyageurs, d'ores et déjà opérationnelle sur la ligne B et dans les prochains mois sur la ligne A, et une unification du pilotage de ces lignes – les trois partenaires que sont la RATP, la SNCF et RFF s'engageant en ce sens. L'unification de ce pilotage est d'ailleurs en cours pour la ligne B et sera effective pour la ligne A au cours de 2015.

Le deuxième défi est celui du développement durable. Même si le transport collectif est en lui-même vertueux du point de vue environnemental, il nous faut aller beaucoup plus loin encore et accompagner la transition énergétique. Nous avons une obligation d'exemplarité. Ce sera le cas, par exemple avec mon projet de réseau de bus propres en 2025 : « zéro émission, zéro particule, zéro bruit ».

Cette conversion énergétique du parc en dix ans impliquera d'expérimenter tous les modes électriques, d'innover conjointement avec cette filière industrielle et celle du biométhane, et de garder une longueur d'avance sur nos concurrents en devenant un leader mondial des bus propres. Nous ne travaillons pas seuls : j'ai signé récemment une convention de coopération avec GDF sur les bus à gaz, qui ont vocation à représenter un quart du parc, et une autre avec EDF, pour expérimenter les meilleurs systèmes de batteries et de recharges.

D'ailleurs, cette question de l'environnement est pour nous une préoccupation constante car elle concerne la santé. Par exemple, nous suivons en permanence la qualité de l'air dans nos espaces pour l'améliorer. De même, la généralisation du freinage électrique permet une baisse de 60 % des taux de particules, et la ventilation assure un renouvellement de l'air jusqu'à 40 fois par heure.

Dès 2005, nous avons réalisé notre bilan carbone et nous sommes fixé un objectif clair : réduire de 15 % nos émissions de gaz à effet de serre et notre consommation énergétique à horizon 2020 par rapport à 2004. Or nous dépasserons cet objectif, et grâce au plan Bus 2025, ce taux de réduction passera à 50 %.

La responsabilité sociale de l'entreprise, qui va au-delà du transport, c'est aussi la responsabilité sociétale d'une société qui revendique d'être différente des autres. Cela se traduit par l'accessibilité pour tous pour favoriser la mobilité des personnes handicapées : aujourd'hui, 94 % de nos bus sont munis d'une rampe, les rendant accessibles aux fauteuils roulants, et 61 des gares de RER – c'est-à-dire presque toutes – sont déjà accessibles. Il nous faut en outre tenir compte du vieillissement de la population : 45 nouveaux escaliers mécaniques ont été installés depuis 2008. Nous allons en déployer 200 de plus d'ici 2018 et en remplacer 50.

Notre différence s'exprime également par l'ouverture de l'entreprise à des personnes éloignées de l'emploi. Nous sommes, avec un flux de 3 000 recrutements annuels, un des tout premiers recruteurs d'Île-de-France et nous faisons preuve d'un vrai volontarisme en offrant par exemple 500 emplois d'avenir à des jeunes en difficulté d'insertion.

Troisième défi : nous préparer à la concurrence et accélérer le développement du groupe.

Le défi de la concurrence ne date pas d'aujourd'hui. Elle est d'ores et déjà là, depuis 2010, sur les nouveaux réseaux créés par le STIF. À cet égard, Paris est la seule capitale d'Europe qui, après l'adoption du règlement communautaire « OSP », dont l'application date de décembre 2009, a décidé d'ouvrir immédiatement toutes ses lignes nouvelles à la concurrence. L'ingénierie est aussi complètement concurrentielle, en particulier pour le projet du Grand Paris Express, pour lequel nous soumissionnons avec notre filiale Systra à des appels d'offres. En 2024, c'est la totalité des lignes de bus franciliennes qui seront soumises à appel d'offres.

L'enjeu principal, c'est de nous préparer de manière offensive et dynamique à ces échéances ; ne pas en avoir peur, les affronter sereinement, en nous appuyant sur les progrès permanents de l'entreprise en termes de compétitivité. En outre, nous allons avoir, d'ici deux à trois ans, à faire face à un autre appel d'offres majeur : celui de l'exploitation de la grande rocade du Grand Paris Express – la ligne 15. Pour la RATP, c'est un enjeu technique, économique et d'image. Je crois aux capacités de notre entreprise pour gagner cet appel d'offres et, dès maintenant, nous nous y préparons. En effet, aucune entreprise qui a une ambition mondiale comme la RATP ne peut se développer sans démontrer ses forces sur son propre territoire.

La conquête internationale est déjà une réalité avec un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros cette année pour nos filiales et un objectif de 30 % du chiffre d'affaires du groupe provenant de celles-ci. Elle va pouvoir se déployer davantage encore. Quelle est notre stratégie ? Nous sommes déjà présents dans douze pays. En province, nous proposons une offre alternative pour les collectivités locales, qui leur donne le choix de travailler avec un troisième opérateur. Nous avons une ambition particulière pour le tramway, dont nous voulons être – et pensons déjà être – le leader mondial de l'exploitation.

Mais ce qui nous différencie le plus par rapport à nos concurrents, c'est notre modèle multimodal, à la pointe des technologies du transport à haute densité. En effet, notre point fort est le métro automatique, dont les lignes 1 et 14 sont des vitrines internationales. C'est ce que nous allons développer à Riyad, où nous venons d'être choisis pour bâtir et exploiter un immense réseau de bus. Et, demain, nous serons prêts à le faire pour son métro. Ces contrats en province et à l'étranger nous permettent d'apprendre la concurrence et, par retour d'expériences, de progresser pour nous préparer mieux encore à l'ouverture du marché en Île-de-France.

En conclusion, ces trois défis que nous avons à relever viennent compléter la feuille de route exigeante que m'avait donnée en 2012 M. Frédéric Cuvillier, qui s'est traduite dans notre plan stratégique Vision 2020. Celui-ci nous permettra d'atteindre nos objectifs de croissance en améliorant encore notre efficacité.

Pour réussir, il nous reste un chemin à tracer avec les salariés, les organisations syndicales, les collectivités territoriales et le STIF.

Je le ferai, si je suis reconduit, avec constance, cohérence et un souci de dialogue permanent. Aujourd'hui, la RATP est une entreprise apaisée grâce au dialogue social ; je continuerai, comme je l'ai fait depuis 2006, à associer les partenaires sociaux aux décisions stratégiques. Le conseil d'administration tripartite jouera tout son rôle pour fixer les lignes directrices. Au-delà, la concertation avec tous les salariés va se poursuivre.

Je n'oublie jamais dans mes fonctions que la RATP est aussi un outil au service de la politique économique et industrielle de l'État. Nous avons notamment un devoir vis-à-vis de nos fournisseurs – qui sont plus de 4 000 – pour nouer des partenariats permettant de conquérir ensemble des marchés, grâce au développement de produits innovants.

Sur un plan plus personnel, je ressens une très grande motivation dans l'accomplissement quotidien de ma tâche, dans une entreprise dont l'activité est sanctionnée par des résultats mesurables, mais aussi une société fondamentalement inspirée par l'esprit du service public, une haute conscience de l'intérêt général et un sens profond de la solidarité. C'est donc avec beaucoup de modestie, un peu d'expérience et beaucoup d'ambition pour servir ma mission que je soumets aujourd'hui ma candidature à votre approbation.

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