Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 15 juillet 2014 à 14h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Mongin, candidat à la présidente de la RATP :

La réforme ferroviaire, qui est importante, était nécessaire pour le système ferroviaire français. Un certain nombre de décisions prises à cet égard ont d'ailleurs pu trouver un terrain d'expérimentation dans ce que nous avons vécu ces dernières années à la RATP.

Nous avons par exemple organisé, à la suite de l'adoption d'un amendement parlementaire, la séparation entre l'opérateur de transport et le gestionnaire de l'infrastructure en deux entités indépendantes d'un point de vue comptable, avec une autonomie de gestion et des règles propres, en les maintenant dans la même entreprise. Celle-ci est dotée d'un seul responsable pour la sécurité ferroviaire commun, institution que j'ai créée et qui m'est directement rattachée : ce délégué général a les pleins pouvoirs partout dans l'entreprise pour imposer des mesures correctives en cas de risque ou de problème.

Un autre aspect positif de cette réforme est l'ouverture à la concurrence : les réseaux ferroviaires de la RATP y seront soumis. Or certains des principes que vous êtes en train d'adopter, qui permettront le libre accès et le traitement non discriminatoire d'entreprises dans le réseau, pourront lui être un jour transposés. Il y aura beaucoup de choses à apprendre de la mise en oeuvre de cette réforme par la SNCF et RFF pour en tirer le meilleur.

De même, on ne peut imaginer des systèmes ferroviaires dont la dette est sans limite. À la RATP, j'ai fait en sorte de restituer de manière contractuelle au STIF chaque année une fraction non négligeable de la productivité, qui est un élément important pour financer le système dans sa globalité, le reste m'étant laissé en résultat net, lequel est réinvesti sans aggraver la dette. La maîtrise dans une entreprise intégrée d'un certain nombre de synergies, que vous avez voulue à travers l'établissement public industriel et commercial (EPIC) de tête commun dans la réforme ferroviaire, permettra de mieux contrôler demain les enjeux économiques du système. Nous allons suivre cet exemple avec beaucoup d'intérêt.

Monsieur Alexis Bachelay, merci de vos propos. Ma préoccupation personnelle est le transport du quotidien et il ne se passe de jour sans que je ne commence par faire le point sur la façon dont s'est passée l'heure de pointe du matin. Le transport quotidien est un défi pour les entreprises et une exigence légitime des Franciliens. Il est vrai qu'il existe une inégalité profonde entre certains territoires très bien desservis – disposant probablement de la meilleure desserte du monde – et d'autres dépourvus de transports – c'est le cas d'une grande partie de l'Île-de-France. L'impact négatif du taux de consommation du déplacement automobile, qui reste une des plus élevés des grandes capitales du monde développé, tient à cela, sachant que la pollution se déplace partout. Ce problème devra davantage être pris en compte, de manière à trouver des solutions à la question du développement de l'offre de transport.

Je crois beaucoup aux bus comme le moyen le plus important sur la planète pour résoudre le problème de la mobilité urbaine dans les cinquante ans à venir, car il est très maniable et permet de transporter les gens le plus loin possible géographiquement et le plus près possible de leurs besoins. Le défi d'exemplarité des bus propres, que je vais essayer de relever, aura un effet d'entraînement sur la mobilité urbaine dans le monde considérable et sera un grand marqueur de la région parisienne.

Au-delà de la mission mercantile, consistant à gagner de l'argent sur des territoires extérieurs, nous avons en effet aussi à promouvoir une certaine image de notre pays, avec des exigences en matière de développement durable et des solutions opérationnelles importantes en termes de mobilité. La tenue à Paris l'an prochain de la Conférence mondiale sur le climat doit être l'occasion de faire connaître ce modèle français industriel de la mobilité urbaine, dont la RATP est un des acteurs leaders dans le monde.

La solution du bus est d'autant plus appropriée en attendant les nouvelles infrastructures qu'il faut compter en moyenne un délai de sept ans entre la décision d'un projet et sa réalisation, sachant que ce délai est encore plus long pour un tramway ou un métro. Il convient de réserver des emprises de voirie à ce mode de transport et développer des bus propres éventuellement cadencés, avec une meilleure régulation. Nous venons d'ailleurs de centraliser toute notre politique de régulation dans ce domaine en installant à Romainville un poste de commandement (PC) qui gérera le cadencement de toutes nos 350 lignes de bus, avec des méthodes de travail, une exigence, un suivi et une transparence inédits. L'offre additionnelle doit de fait s'accompagner d'une régularité plus grande à l'égard de nos voyageurs. En outre, cela est bâti sur un système d'information des voyageurs : le système SIEL, que j'ai déployé pour les bus et les métros, permet de gérer les temps d'attente des voyageurs, avec à la fois une fonction d'exploitation et d'information. Il n'y a donc pas d'écart possible entre l'information voyageurs qu'on donne et ce qui se passe en termes de production.

S'agissant du Grand Paris Express, le rôle de la RATP est important et complexe. Je suis reconnaissant au législateur d'avoir décidé qu'elle serait le gestionnaire de cette infrastructure. Nous exercerons cette fonction avec le souci de la continuité de nos méthodologies sur le réseau existant, lesquelles seront transposées au nouveau réseau. Mais, pour l'exploitation, un appel d'offres sera lancé par le STIF. Nous serons candidats sur la ligne 15 ; il est bon que nous soyons forcés à être meilleurs que les autres en termes de prix, comme de qualité de service ou d'exigence de sécurité.

Nous sommes également présents sur les appels d'offres pour bâtir ce réseau, au travers de la maîtrise d'oeuvre. Notre filiale Systra, commune à la SNCF, a réussi à remporter en moyenne 50 % des appels d'offres d'ingénierie. Nous sommes également présents dans les interfaces avec les stations, car beaucoup de stations nouvelles du Grand Paris vont communiquer avec le réseau existant. Il faut que ces liaisons soient parfaitement étudiées pour éviter des kilomètres de couloirs, des incommodités ou des risques d'inaccessibilité. Parfois, nous avons besoin de l'arbitrage de l'État par rapport au maître d'ouvrage délégué qu'est la Société du Grand Paris (SGP) dans la mesure où, sur certains points, les intérêts ne sont pas convergents.

Monsieur Yves Albarello, merci de vos appréciations. Le coeur du métier d'entrepreneur est, de fait, d'animer et de manager. Pour le Grand Paris, nous aurons aussi le rôle de constructeur de la ligne 14, dont la longueur a fait débat, lequel a été tranché par l'ancien Premier ministre : elle ira de Saint-Denis Pleyel à Orly. Nous avons lancé le 11 juin à Paris, porte de Clichy, la première section de cet ouvrage au nord, qui va aller de la gare Saint-Lazare à Mairie de Saint-Ouen puis à Saint-Denis Pleyel. Nous allons recevoir un mandat de la SGP pour faire le même travail au sud et le Premier ministre a annoncé la semaine dernière sa décision qu'il n'y ait pas d'interruption à Villejuif et que la ligne sud aille directement jusqu'à Orly – ce qui nous réjouit car nous avions plaidé en ce sens pour éviter des surcoûts aberrants. Nous serons très mobilisés sur cette maîtrise d'ouvrage, pour laquelle nous sommes techniquement prêts.

Je pense qu'une partie des difficultés des Franciliens sur cet axe, qui est devenu pratiquement aussi important que l'axe est-ouest en termes de volume, sera résorbée car nous n'avons aujourd'hui que la ligne B pour assurer ce transport. D'ailleurs, je vous assure de mon engagement total avec le président de la SNCF pour rendre celle-ci plus disponible et fiable. Reste que la solution d'une grande ligne 14, qui sera une épine dorsale parallèle, est indispensable le plus rapidement possible. Si on peut anticiper l'échéance, il faut y travailler avec la SGP et le Gouvernement.

Monsieur Jean-Christophe Fromantin, les voyageurs extérieurs à l'Île-de-France représentent 10 % de nos recettes pour l'EPIC, ce qui est considérable, d'autant que cela est majeur aussi en termes d'image. Nous avons eu une très bonne nouvelle : l'enquête de KPMG, faite auprès de 500 chefs d'entreprise du monde entier, a placé en première position mondiale les transports publics comme facteur d'attractivité de l'Île-de-France. Cela prouve que notre système, qui souffre d'insuffisances exaspérant à juste titre nos concitoyens, reste globalement un outil de compétitivité pour la région, même s'il doit s'élargir, se moderniser et s'améliorer.

Nous sommes mobilisés sur l'aspect numérique de l'accueil des touristes, qui est essentiel : l'application téléchargeable « Visitez Paris en métro » ne nécessite pas par exemple pour un Chinois à Paris de faire fonctionner son téléphone avec la Chine, ce qui coûterait très cher, et permet d'accéder à toutes les fonctions pour se guider ou découvrir les musées. Elle sera d'ailleurs traduite en mandarin en septembre, à la demande du ministre des affaires étrangères. 250 jeunes étudiants parlant quatre à cinq langues sont embauchés chaque été pour toutes les stations touristiques. Nous souhaitons en effet être plus attentionnés à l'égard des touristes. Ainsi, pour la sécurité, nous travaillons en active coopération avec le préfet de police, sous l'autorité du ministre de l'intérieur.

Monsieur Denis Baupin, les investissements considérables sur la ligne 13 ont consisté notamment à rénover tous les trains. Nous changeons également la signalisation pour permettre un rapprochement des signaux et augmenter la fréquence des trains. Le programme « Ouragan », qui a souffert de difficultés techniques, est en train d'être finalisé. Nous avons aujourd'hui les premiers trains approuvés par l'autorité de sûreté qui circulent en accueil voyageurs avec le système « Ouragan » phase 1, ce qui permettra dans les mois à venir – à condition que les expérimentations sur une dizaine de trains soient probantes – de stabiliser l'offre et d'apporter une quasi-automatisation de la ligne, avec conducteur. En effet, compte tenu de la foule au moment de la fermeture des portes, bien que j'aie fait rajouter des portes palières dans treize stations, je pense que nous aurons besoin d'avoir du personnel à bord. Ce système va se déployer dans les deux ans à venir et nous avons aujourd'hui le premier train de voyageurs de ce type commençant à circuler. Je suis prêt naturellement à informer la représentation nationale des développements que nous allons conduire sur la ligne 13. Ce sera un axe prioritaire de mon action si je suis renouvelé dans mes fonctions.

Sur le pass Navigo unique, il revient au STIF d'en décider, sachant que j'ai perdu le pouvoir sur la tarification au moment de la décentralisation de 2004. Il n'empêche qu'il faut rester prudent dans l'approche tarifaire car les difficultés budgétaires des collectivités territoriales rendront les compensations des faveurs tarifaires malaisées à financer : il ne faudrait pas que ces faveurs soient accordées au détriment des investissements, de la modernisation du réseau et de son extension. Mais techniquement, cela ne nous pose aucun problème d'avoir des systèmes tarifaires simplifiés. La moitié des jours de l'année bénéficie déjà d'un mécanisme de dézonage.

Monsieur Gilles Savary, le développement international n'est pas seulement le fait de la déspécialisation lié à la loi SRU ou du règlement OSP, mais d'une volonté fondée sur la conviction que les savoir-faire uniques que nous avions – sachant qu'il y a 70 métiers répertoriés dans l'entreprise – ne devaient pas disparaître, soit en raison du renouvellement de génération – nous avons mis en place une gestion de protection du savoir par des dispositifs de compagnonnage et de transmission, notamment au travers d'un accord avec les directions syndicales –, soit par un manque d'investissement et de renouvellement. C'est bien la décentralisation depuis 2006 qui a donné un coup de fouet à la modernisation des réseaux. Nous avons alors demandé à notre actionnaire, l'État, la permission d'aller conquérir de nouveaux marchés, bien sûr en ingénierie avec Systra, mais aussi en opérations et maintenance – ce que nous faisons dans plus de douze pays dans le monde avec succès.

Nous avons pour objectif que ce secteur représente 30 % de notre activité en 2020, contre 17 % aujourd'hui. Nous avons la capacité de l'atteindre, ce qui conduirait à une situation économique meilleure pour l'Île-de-France, où les recettes tirées de cette croissance externe seraient profitables aux Franciliens.

La gestion des ressources humaines de la RATP, qui m'occupe largement, fait l'objet d'un large consensus interne en raison de deux principes : celui du dialogue, qui implique qu'il n'y ait pas de réforme sans qu'on en parle avant, sachant qu'il appartient à la direction de prendre ses responsabilités ; celui de l'humanisation de nos métiers, car il n'est pas question de supprimer massivement des emplois dans des secteurs de service ou les secteurs dans lesquels la présence humaine est jugée utile par nos voyageurs. Cette politique ralentit un peu notre rythme de productivité, par comparaison à ce qui se passe à Londres par exemple, qui connaît des suppressions massives d'emplois dans les stations. Tant que le STIF pourra nous permettre par le contrat – dont j'ai fait un des objectifs immédiats de l'entreprise – de financer ces salariés, nous le ferons car nous pensons que cela correspond à l'intérêt général et que les voyageurs ne comprendraient pas de se trouver, comme à Berlin, dans un métro où il n'y a plus personne.

Quant aux économies d'énergie, nous en faisons partout, y compris sur les bâtiments et les ateliers : nous sommes le seul transporteur au monde à avoir changé toutes ses lampes, ce qui nous permet de disposer de systèmes d'énergie permettant de baisser de 30 à 40 % notre consommation électrique. Mais c'est le remplacement des trains qui nous fait gagner le plus d'énergie car, au fur et à mesure que nous modernisons notre matériel roulant, nous générons en général une économie de 30 à 40 % par rapport au système ancien. C'est régulièrement la consommation en électricité d'une ligne de métro que nous supprimons par les économies que nous faisons sur notre réseau.

Si l'ouverture à l'ouest de l'Île-de-France est indispensable, Eole n'est pas de la responsabilité de la RATP, mais de la SNCF et RFF comme exploitants. Nous suivons de près ce projet car des ingénieurs de la RATP travaillent en ce moment, dans le cadre d'une collaboration que j'ai voulue avec les présidents de ces deux entreprises, à réaliser le projet de signalisation et de contrôle des trains sur Eole. On calque en effet le modèle de contrôle de commande des trains du métro sur ce dernier. C'est dire combien la collaboration entre nos entreprises est confiante, dans l'intérêt général.

Enfin, le risque de réciprocité en Europe est réel : il ne faudrait pas qu'à l'occasion de la discussion sur le quatrième paquet ferroviaire, on revienne à cette notion anti-européenne et anti-communautaire de réciprocité. Si chacun au sein de l'Union européenne décide d'imposer des règles de ce type à un autre pays membre, on entre dans la désintégration du marché commun. J'espère que la raison communautaire et l'esprit européen auront le dessus. Je répète que nous ne craignons pas la concurrence, qui est en train de devenir un axe fort de la dynamisation de l'entreprise, et l'Île-de-France est plus ouverte que beaucoup de capitales européennes – ce que nous venons de vivre à Berlin, en tant que candidat, l'a démontré. Cette notion de réciprocité est en outre contraire à l'universalisme du marché commun.

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