Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 17 juillet 2014 à 9h30
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

…suivant des logiques de territoires. Nous regrettons donc le choix du Gouvernement. La carte issue des travaux de notre assemblée devra donc permettre des ajustements à la marge en prévoyant un droit d’option souple, beaucoup plus souple que celui contenu dans le texte, en supprimant notamment le droit de veto de la région de départ et l’exigence du vote à la majorité des trois cinquièmes. Nous nous interrogeons sur la logique d’une modification des limites régionales ne pouvant qu’être validée par la loi et non plus par décret en Conseil d’État. N’est-il pas incohérent de prévoir, pour l’exercice du droit d’option, une procédure préalable aussi lourde ? C’est un obstacle important de plus, car même si la volonté d’un département de changer de région était avalisée par les trois collectivités locales concernées à la majorité des trois cinquièmes et dans le bref délai qui leur est imparti pour ce faire, il faudrait encore que le Gouvernement et le Parlement daignent l’approuver. Nous sommes dans un véritable parcours du combattant que l’on peut même qualifier de verrou législatif et dont aucun département n’arrivera à bout. On nous dit que c’est pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore. Mais regardons la carte : cela ne concernerait qu’une dizaine de départements. C’est pourquoi nous étions favorables à la version du droit d’option adoptée par le Sénat.

Néanmoins, compte tenu des réorganisations territoriales à venir, le report des élections régionales et cantonales nous paraît relever du bon sens. En effet, quel serait l’intérêt d’élire des conseillers régionaux et départementaux qui ne connaîtraient pas leur périmètre ? Mais pour clarifier l’architecture, il est indispensable que l’élection au sein des intercommunalités et des conseils métropolitains se fasse le plus rapidement possible au suffrage universel direct.

Concernant le nombre d’élus dans chaque nouveau conseil régional, nous n’avons pas de religion ; il faut surtout vérifier que l’ensemble des territoires soient bien représentés.

J’en reviens à la modification de la carte des régions. On nous présente souvent l’exemple des Länder allemands, qui ont en moyenne une population d’environ cinq millions d’habitants contre trois millions pour les régions françaises. En fait, la France se situe au niveau de la moyenne européenne, mais l’Allemagne compte quatre-vingt-deux millions d’habitants sur un territoire un tiers plus petit, et ceci explique cela. Avec 25 000 kilomètres carrés en moyenne, les régions françaises sont les deuxièmes en superficie après les espagnoles. Par contre, le point sur lequel elles ne soutiennent absolument pas la comparaison, c’est le budget par habitant. Selon les chiffres de l’association des régions de France – l’ARF –, le budget est de 3 125 euros par habitant en Suède, 3 561 euros en Allemagne et 4 940 euros en Autriche… alors qu’il n’est que de 395 euros en France, soit dix fois moins en moyenne ! Voilà le véritable retard à rattraper par rapport à nos voisins européens. Pour y parvenir, nous attendons des propositions sur l’autonomie fiscale des régions, qui n’est aujourd’hui que de 12 % en moyenne. Une étude menée par l’institut de recherche BAK Basel Economics révèle une corrélation positive entre l’indice de décentralisation et le PIB par habitant. À cet égard, il n’est pas nécessaire que les régions soient très peuplées. Ainsi, les comparaisons entre les régions françaises et les Länder allemands sont particulièrement éloquentes en termes d’innovation : dans le Land de Sarre – un million d’habitants –, l’effort régional en la matière atteint 240 millions d’euros alors qu’il n’est que de 140 millions en Île-de-France qui compte douze fois plus d’habitants et, à population équivalente, le Land de Bavière consacre, lui, 3 milliards d’euros à l’innovation.

On voit donc que le postulat de départ de cette réforme territoriale, faire de grandes régions pour avoir des régions puissantes, est totalement biaisé. Nous affirmons, pour notre part, que pour faire des régions puissantes, il faut leur transférer les compétences adéquates, leur donner bien sûr les moyens budgétaires et législatifs, mais aussi qu’elles soient cohérentes. Le généticien Axel Kahn, actuellement engagé dans une traversée à pied de la France en diagonale, témoigne qu’il existe une corrélation entre un sentiment d’appartenance fort et le dynamisme d’un territoire. En effet, ce qui fait sens, ce n’est pas tant le poids démographique et la taille du territoire mais le sentiment d’appartenance et la volonté d’avoir un destin commun chez les populations qui y vivent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

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