Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 17 juillet 2014 à 9h30
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Faut-il rappeler, en contrepoint l’immense bouillonnement démocratique suscité par la Constituante de la fin de l’été 1789 jusqu’au mois de janvier 1790 ? Certains ont d’ailleurs fait preuve d’une ignorance encyclopédique – je reprends un mot de Jean Jaurès –, d’une ignorance encyclopédique à ce propos, hier. Des mètres linéaires d’archives en témoignent, comme tous les historiens le savent, des mètres d’archives, où reposent les interventions des 1 200 députés et des multiples délégations de citoyens venus à Versailles : une parole alors démocratique, une mobilisation citoyenne, un vrai débat parlementaire, une construction réfléchie, progressive ont permis de passer d’un quadrillage mathématique en quatre-vingt-trois rectangles à une carte intégrant l’identité territoriale, l’économie locale, l’héritage historique. Tout le contraire de la méthode mise en oeuvre aujourd’hui ! Tout Gouvernement de gauche responsable et progressiste aurait tenu, préalablement à toute réforme en profondeur de l’architecture territoriale et administrative de la France, à organiser un large débat public associant les collectivités territoriales, les élus, les organisations syndicales, les usagers des services publics et l’ensemble des citoyens. Ce n’est pas ce qui s’est passé.

L’argument du mille-feuille territorial auquel prétend s’attaquer le Gouvernement, argument martelé sur toutes les ondes, n’est qu’un alibi pour confisquer les pouvoirs locaux et éloigner les centres de décision de nos concitoyens, alors que ces derniers, principales victimes de la crise, sollicitent, je l’ai dit, une proximité toujours plus importante avec leurs élus. Le fameux argument du mille-feuille, des prétendues mutualisations nécessaires, c’est le cache-misère de la réforme, utilisée comme une machine à austérité, avec le passage au crible de toute l’action publique pour qu’elle mette ses moyens au service du capitalisme mondialisé, avec une mise en concurrence renforcée des territoires ; le ministre de l’intérieur l’a ouvertement dit hier.

De plus, comment concevoir un fonctionnement transparent et démocratique de nos institutions en créant des féodalités territoriales qui ne manqueront pas de nier l’échelon local et de contester l’autorité de l’État ? Je le répète, l’entêtement à faire adopter cette réforme qui va un peu plus éloigner la population de ses élus est une réponse préoccupante après les élections municipales et européennes, qui ont sanctionné l’autoritarisme, l’éloignement et le mépris du pouvoir pour les Français.

Cette réforme territoriale vise également à faire disparaître les communes. Pour la première fois, le Président de la République s’est fixé pour but leur disparition en déclarant : « L’intercommunalité deviendra la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale. »

À terme, un autre échelon essentiel des institutions républicaines, le conseil général, sera aussi supprimé. Dans un premier temps, il est appelé à être vidé de ses compétences.

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