Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 17 juillet 2014 à 9h30
Délimitation des régions et modification du calendrier électoral — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, en l’absence de mon collègue et ami François Sauvadet, qui n’a pu être présent ce matin, il me revient de vous donner lecture de son intervention.

La réforme, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, nécessite, certes, beaucoup de volonté, et sans doute du courage, mais aussi une vision de ce que l’on veut pour le pays et son avenir. Mais franchement, dans quel pays sommes-nous ?

Il y a un peu plus d’un an, nous étions appelés à voter une loi instaurant un binôme cantonal et redécoupant tous les cantons de France. M. Valls, alors ministre de l’intérieur, nous disait, le mardi 16 avril 2013, à cette même tribune : « Avec ce mode de scrutin, nous préservons le département et approfondissons notre démocratie départementale ». Et un an plus tard, on nous annonce la suppression des départements et le redécoupage des régions !

Oui, dans quel pays sommes-nous pour discuter d’une carte de quatorze régions décidée un soir de printemps dans un bureau de l’Élysée, sans le moindre débat public, sans la moindre discussion préalable sur les compétences et les moyens, si ce n’est entre élus du parti socialiste ?

On croit rêver quand on apprend au détour d’un tweet du rapporteur socialiste du projet de loi que le Limousin change de région. Et, après le travail en commission, le groupe socialiste nous annonce qu’une nouvelle carte est sortie hier.

Oui, je le pense vraiment, notre démocratie ne fonctionne plus comme elle le devrait.

Une telle réforme ne peut pas se concevoir ainsi sur un coin de table. Elle doit faire l’objet d’une définition rigoureuse de ce que nous voulons pour l’organisation de notre pays et de ses territoires : quelles compétences, avec quels moyens et quelles solidarités ?

Une telle réforme doit se discuter avec les acteurs locaux, avec les habitants.

Aujourd’hui, le moindre investissement dans nos communes nécessite un processus décisionnel, une procédure, de la réflexion, une enquête publique, des études d’impact, bref, de la concertation. Et, là, alors qu’on va engager une réforme cruciale pour notre pays, son développement, l’aménagement de son territoire, rien. Aucune concertation avec les habitants, aucun dialogue avec les élus locaux. De qui se moque-t-on, ai-je envie de demander ?

Dans une démocratie normale, on aurait assigné des objectifs à cette réforme, on aurait défini des critères, et, sur ces objectifs et ces critères, engagé des discussions avec nos concitoyens pour faire coïncider deux exigences : efficience et proximité. Et, là, une nouvelle fois, nous sommes confrontés à une méthode de gouvernement qui est insupportable dans une démocratie digne de ce nom.

Au lieu de parler de compétences, d’efficience de l’action publique, on nous parle de redécoupage. Oui, c’est une erreur.

Et puis, franchement, engager une telle réforme en session extraordinaire et dans l’urgence, est-ce bien sérieux, monsieur le secrétaire d’État, quand on connaît votre attachement au Parlement ?

Et que dire du Sénat, rangé au rang des accessoires par le Gouvernement, un Sénat qui représente les collectivités et qui, avec pourtant une majorité de gauche, a refusé cette réforme ?

Dans tout cela, quand s’intéresse-t-on aux habitants, aux populations de pans entiers du territoire national qui se sentent abandonnés et se trouvent ballottés d’une région à l’autre, au gré des discussions entre le parti socialiste et le Gouvernement, au gré des réunions du groupe socialiste ?

On nous parle de modernisation de la France quand, en réalité, on est en train d’organiser le plus grand désordre territorial que l’on ait jamais connu.

Une chose est claire, on va voir le plus grand recul de la proximité et le grand retour de l’État dans les pires conditions, puisqu’il n’a plus les moyens d’agir. Nous attendions l’acte III de la décentralisation, vous nous proposez l’acte I de la recentralisation. Bref, c’est une régression.

Quant aux arguments avancés pour justifier le redécoupage, ils mériteraient à tout le moins d’être débattus.

On nous dit vouloir de grandes régions européennes. Je sais, à ce jour, la Bourgogne est plus vaste que la Belgique. Le mariage avec la Franche-Comté fera-t-il de cet ensemble une région puissante, capable d’assumer l’innovation et les solidarités locales avec 71 milliards d’euros de PIB ? On peut se poser la question.

Sur le fond, vous ne cessez de citer le rapport Krattinger-Raffarin. Il rappelle que la recherche de régions plus fortes ne passe pas uniquement par un regroupement de ces régions. Selon ce rapport, « une meilleure efficacité de l’action publique est corrélée à l’approfondissement de la décentralisation », et, surtout, à « une clarification des compétences qui confierait à celles-ci – les régions – les compétences stratégiques destinées à préparer la France de demain ». À aucun moment, il ne parle de supprimer la collectivité départementale. Bien au contraire, il insiste sur son rôle indispensable en matière de gestion des services de proximité.

Pensez-vous sérieusement que le transport scolaire ou le réseau routier départemental soient des compétences stratégiques ? Ce n’est pas en supprimant les départements que nous allons créer des régions stratèges.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion