En 2013, le budget des régions était de 27,4 milliards d’euros, soit 2 % de la dépense publique, dont une dizaine de milliards consacrés à l’investissement. Même après la fusion-absorption des compétences départementales, les régions françaises ne seront jamais l’égal de Länder allemands aux compétences régaliennes, police, justice, et au budget plus de dix fois supérieur.
Une vraie réforme aurait été de créer huit ou dix grandes régions dotées de vraies compétences stratégiques, en laissant la gestion de proximité au triptyque, département, intercommunalité et commune.
Je continue de penser que la bonne réforme, c’était d’abord de partir des compétences. La carte n’aurait dû venir qu’après ce débat. C’était d’ailleurs la philosophie de la réforme du conseiller territorial.
Monsieur le secrétaire d’État, vous parlez d’économies, mais tout le monde sait que c’est faux. Les 25 milliards d’euros annoncés au départ, non seulement n’ont cessé de fondre mais, surtout, le calcul qui y aboutit repose sur des modèles purement théoriques.
On peut difficilement agir sur le personnel des régions. Près des deux tiers des agents qu’elles employent, soit 52 000 sur un total de 82 000, sont des agents titulaires, les personnels techniques, ouvriers et de service, les TOS, travaillant dans les lycées.
En revanche, la Cour des comptes, en 2013, pointait les nombreux doublons qui existent avec les 82 285 agents de l’État dans les services déconcentrés. Il y aurait 25 000 agents en région ayant des fonctions de nature proche. On voit bien que le gisement d’économie se situe à ce niveau et que la réforme de l’organisation territoriale ne peut se concevoir sans réforme de l’État.
Mes chers collègues, il y a 1 245 structures, opérateurs de service public agissant pour le compte de l’État, de nature associative ou sous forme d’établissements publics, comme Pôle Emploi ou l’ADEME. Cela représente 442 900 agents et ces effectifs ont progressé d’environ 6 % entre 2007 et 2012, alors que ceux de l’État baissaient de 6 % dans le même temps.
Avec le découpage proposé, les indemnités de base passeraient de 1 520 à 2 660 euros. Après un petit calcul rapide, cela devrait coûter au total 35 millions d’euros supplémentaires à la charge des conseils régionaux sur la durée du mandat, hors charges patronales, preuve que l’étude d’impact mérite d’être précisée.
Je veux pour finir vous faire une proposition d’économie : il suffirait d’abandonner le changement de nom du conseil général en conseil départemental, puisque vous voulez le supprimer, et vous feriez ainsi économiser 100 millions d’euros aux départements. Voilà au moins une réforme utile.
Vous l’aurez compris, nous ne sommes absolument pas convaincus, ni par la méthode, ni par l’objectif affiché par votre texte, et nous vous invitons à ne pas persévérer dans l’erreur. Notre pays ne peut se permettre de sombrer ainsi dans le désordre et la confusion, car votre projet n’a pas fini d’agiter la France des territoires.
Vous me permettrez, pour terminer, de vous livrer mon sentiment personnel, celui d’un parlementaire élu d’un territoire proche de Lyon, un peu moins de Grenoble, mais se rattachant géographiquement au Massif central, et qui s’interroge sur la pertinence des découpages ainsi imposés.
Pour le Ligérien que je suis, le regroupement Rhône-Alpes-Auvergne peut sembler plutôt favorable à notre territoire, historiquement considéré comme en marge de la dynamique lyonnaise. C’est d’ailleurs pourquoi je ne conteste pas l’idée d’une vraie redéfinition de la carte de nos territoires et des régions qui n’ont pas encore d’histoire. Reconnaissons néanmoins qu’en moins de trente ans d’existence, le niveau régional a démontré sa pertinence, même si trop de régions ont aujourd’hui une taille insuffisante.
Ce qui est toutefois choquant dans cette réforme, c’est tout autant la méthode utilisée, brutale et centralisatrice, que l’objectif avoué, lui aussi très éloigné des enjeux de l’aménagement du territoire et, surtout, d’une démocratie locale de plus en plus malmenée.
L’idée même de mariages arrangés a de quoi choquer, tant cette formule est contraire à l’esprit de la décentralisation. Et que dire de cette logique arithmétique qui ignore les réalités territoriales, humaines et géographiques, alors même que nombre de liaisons routières et ferroviaires transversales laissent encore bien souvent à désirer ? Je connais bien la question avec une autoroute que l’on ne cesse de nous annoncer depuis plus de trente ans et qui n’est toujours pas là, la fameuse autoroute A45, que vous connaissez, monsieur le secrétaire d’État.
Il se dit aussi qu’un tel charcutage n’est peut-être pas étranger à la logique électorale.