Ce mouvement mené pas à pas, jalonné par la création des communautés de communes en 1992 – je pense à ce ministre charentais-maritime, Philippe Marchand qui, et ce n’est pas Dominique Bussereau qui me démentira, y a contribué à l’époque depuis la place Beauvau – et par l’avènement de la République décentralisée en 2003, doit être poursuivi, il en va de notre responsabilité.
Le texte que nous devons examiner – et qui fait débat depuis plusieurs semaines – est ce projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Son ambition est grande : mettre fin aux différentes couches que nous avons empilées depuis 1789, formant un ensemble illisible et coûteux.
C’est pourquoi, quarante ans après, il n’est pas vain de revenir sur la réforme instituant les établissements publics régionaux, ancêtres de nos régions, consacrée par la grande réforme Defferre de 1982.
Il faut donc mettre fin à ce qui rend illisible l’action publique et faire en sorte que l’organisation territoriale de notre pays soit enfin plus claire.
C’est pourquoi notre débat, qui se focalise logiquement sur la fusion des régions – aspect le plus médiatique de la réforme – devra aussi et surtout aborder plus tard la clarification des compétences avec la suppression de la clause de compétence générale, la suppression des conseils départementaux et – peut-être surtout – l’affirmation des intercommunalités, qui deviendront le véritable échelon de proximité de la nouvelle administration territoriale.
En moins de dix ans, plusieurs rapports se sont succédé pour préconiser le regroupement des régions : rapport de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale au mois d’octobre 2008, rapport du comité pour la réforme des collectivités territoriales – présidé par Édouard Balladur –, au mois de mars 2009, rapport de la mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales au mois de juin 2009, puis, le dernier, au mois d’octobre 2013, qui propose de réduire le nombre de régions à huit ou dix entités : c’est le rapport des sénateurs Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger au nom de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République.
Chacun de ces rapports a mis précisément le doigt là où la République décentralisée souffre. Elle souffre, en premier lieu, d’un manque d’efficacité réelle de l’action publique et, en second lieu, d’une confusion des rôles réciproques de l’État, des territoires et des collectivités. L’extrême complexité du paysage actuel affaiblit la légitimité des collectivités au regard des entreprises et des citoyens. C’est pour cela que je pense que cette réforme est avant tout une réforme utile.
Premièrement, c’est une réforme utile et juste pour les entreprises, car leurs attentes sont très fortes. Elle doit permettre une plus grande efficacité. Elle doit être un outil de simplification pour les entreprises souvent perdues dans le dédale administratif. Elle doit aussi permettre l’application des règles au plus près des territoires.
La vraie question que nous devons nous poser est donc celle-ci : a-t-on besoin d’un service économique installé et piloté dans les régions, dans les départements, au sein des intercommunalités et même dans les grandes villes ? Ce doublon entre les services de l’État et ceux des collectivités et la multiplication des guichets, des subventions ou des aides fiscales découragent les entreprises qui finissent par renoncer. La décision est éparpillée à travers les différentes couches de notre organisation territoriale. En supprimant la clause de compétence générale pour laisser la région chef de file en matière économique, nous faciliterons et accélérerons la réalisation des projets.
Oui, la région est l’instance des choix stratégiques qui doit préparer le territoire régional dans le contexte de la concurrence entre les territoires, de même que les entreprises à la compétition du XXIe siècle, notamment grâce à la recherche et aux aides à l’innovation et au développement économique.
Deuxièmement, cette réforme est utile pour le citoyen. L’incompréhension face à l’organisation territoriale de la République est encore plus forte pour les citoyens que pour les entreprises. Cette réforme du territoire à l’ère de la croissance limitée doit permettre aux citoyens de renouer avec une meilleure qualité de vie. En faisant émerger une action publique directe et cohérente et en défendant une simplification de l’organisation territoriale de la République, afin de savoir qui fait quoi et d’améliorer les services rendus, les citoyens seront enfin reconnus dans une administration où ils se sentent souvent laissés pour compte.