Tâchons, cette semaine, mes chers collègues, de faire mentir André Siegfried ! Essayons d’inventer une réforme territoriale qui n’aggrave pas, demain, en France, la triste pagaïe qui tient lieu aujourd’hui d’organisation publique.
Vous voulez, paraît-il, réformer, c’est-à-dire changer pour améliorer. Nous aussi ! Mais le projet du Gouvernement, qui consiste d’abord à additionner des régions administratives les unes aux autres et à envisager ensuite de les mélanger avec les départements, sans autre réflexion, est une contre-réforme, entachée de deux fautes originelles.
La première erreur, c’est l’illusion technocratique selon laquelle big is beautiful. Pour être moderne, il faudrait toujours être de grande taille. Rien pourtant ne le démontre de manière irréfutable, ni la réalité historique ni la science économique.
La seconde faute, c’est évidemment la tentative de synthèse, toute solférinienne, qui a conduit le Président de la République à tenter de satisfaire certains de ses amis, sans trop mécontenter les autres, ce qui aboutit à cette sorte de gloubi-boulga, digne de Casimir et de L’Île aux enfants, qui tient lieu, aux yeux du Gouvernement, de nouvelle carte régionale. Ce n’est pas seulement un jaune d’oeuf, monsieur le ministre de l’intérieur, qui est venu s’écraser sur la toile cirée – pour reprendre votre expression favorite –, c’est une omelette si mal cuisinée que personne n’a envie d’y goûter !
Votre contre-réforme, nous n’en voulons pas. Une réforme utile doit être envisagée en gardant à l’esprit, autant que possible, quatre principes.
Le premier principe est celui du respect de notre histoire politique et juridique. Notre pays est une « République indivisible » dont l’« organisation est décentralisée ». Nous ne sommes pas et nous n’avons pas vocation à devenir une République fédérale, non plus qu’à revenir à un maillage réinventant l’Ancien régime. Notre refus de l’uniformité ne doit pas masquer notre devoir d’unité. Prenons garde à ne pas affaiblir ce qui reste de l’autorité de l’État républicain en installant, face au Gouvernement, demain, une douzaine de grands seigneurs féodaux qui agiraient en contre-pouvoir.
Le deuxième principe doit être celui de l’efficacité. La France s’enfonce dans l’endettement public, qui approche désormais 100 % de la production nationale. La dépense publique ne peut être indéfiniment financée à crédit et reportée sur les générations futures. Cette recherche d’efficacité, j’en suis convaincu, doit nous conduire à accepter de modifier les périmètres et les compétences des collectivités. Le statu quo n’est plus tenable.