Intervention de René Dosière

Réunion du 16 juillet 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière, rapporteur :

Je tiens tout d'abord à saluer l'important travail accompli par M. Daniel Gibbes sur le territoire dont il est l'élu et qui constitue une collectivité française présentant plusieurs singularités.

En premier lieu, l'île de Saint-Martin se présente comme un territoire unique, avec une langue unique, l'anglais. Ce territoire se caractérise par la libre circulation des personnes et des biens et par une faible fiscalité, dans une zone où les mouvements migratoires sont intenses et où existent d'importants trafics de drogue. Sur ce territoire unique s'appliquent deux législations différentes, française d'un côté, néerlandaise de l'autre avec des particularités tenant à la très large autonomie de Sint-Maarten. Les immigrés arrivent principalement par la partie néerlandaise, dans laquelle les contrôles sont souples. Ils gagnent ensuite la partie française, où les prestations sociales et le système de santé sont plus attractifs ; à titre d'exemple, l'hôpital de Saint-Martin accorde, conformément à la pratique médicale française, la priorité aux soins avant de demander au malade le paiement de ces soins, alors que l'hôpital néerlandais vérifie d'abord la solvabilité des personnes.

Au plan économique, il existe de nombreuses distorsions de concurrence entre les deux parties de l'île, en raison des différences de normes applicables, qu'il s'agisse du droit interne – les niveaux de salaire minimum par exemple – ou du droit européen. Ces normes étant peu contraignantes du côté néerlandais, les prix et les services y sont beaucoup plus attractifs. Les deux parties de l'île se situent également dans des zones monétaires différentes : la zone euro pour Saint-Martin et la zone dollar pour Sint-Maarten. La quasi-totalité des sommes versées en euros côté français – salaires, prestations sociales – sont immédiatement converties en dollars et dépensées à Sint-Maarten ce qui, du fait du taux de change, permet de bénéficier de 30 % de pouvoir d'achat supplémentaires.

Par ailleurs, le développement de la délinquance du côté français est préoccupant. En raison de la faiblesse de la coopération avec la partie néerlandaise, il n'y a pas de droit de suite effectif.

On assiste à un appauvrissement réel et régulier de Saint-Martin, parallèlement à l'enrichissement de Sint-Maarten, dont les autorités ne semblent pas en outre très vigilantes à l'égard de l'origine de l'argent – 13 casinos y sont implantés. Tous les transferts en provenance de métropole – traitements ou prestations – financent de fait la partie hollandaise. Il n'existe pas de coopération au-delà des déclarations d'intention, la partie hollandaise n'ayant aucun intérêt à voir évoluer cette situation. Il est particulièrement regrettable que les financements de la partie française ne puissent pas être utilisés pour son développement économique. Cette situation n'est pas tenable et se situe à l'opposé du modèle européen qu'il faudrait construire.

La seule issue est celle d'une véritable coopération franco-néerlandaise. Il est cependant très probable qu'une telle coopération n'aboutisse pas, en l'absence d'une volonté politique de la France et des Pays-Bas et d'un intérêt de Sint-Maarten à coopérer. C'est pourquoi nous sommes favorables, si les mesures concrètes de coopération que nous proposons ne sont pas mises en oeuvre dans un délai d'un an, à une dénonciation par la France du traité de Concordia signé par les deux pays en 1648 car aucune autre solution ne serait alors possible.

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